“ Améliorer la retraite des pharmaciens est un chantier primordial ”

Philippe Berthelot a été élu, pour les 3 prochaines années, président de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens, qui concerne tous les libéraux. Une fonction importante à l’heure où la réforme des retraites est en suspens.

Le conseil d’administration de la CAVP réuni à son siège rue de Caumartin (Paris). DR

 

La Revue Pharma : Pour quelles raisons dites-vous que ce mandat est particulièrememnt important ?

Philippe Berthelot : C’est le mandat de la réforme des retraites ! La dernière période de réforme a été une période de stress intense pour tout le monde. L’État ne proposait, ni plus ni moins, que de substituer les régimes de retraite comme le nôtre ainsi que tous les régimes particuliers pour le remplacer par un seul régime universel (RU). Et nous pensons que le système présenté était moins bon que ce que nous proposons aujourd’hui aux pharmaciens.

 

En rentrant dans un régime universel, que peuvent perdre les pharmaciens ?

Les pharmaciens n’étaient pas les seuls à émettre des craintes. De nombreuses grèves et manifestations ont eu lieu. Beaucoup de Français étaient perplexes et d’ailleurs, le président de la République, lui-même, a reconnu que cette réforme était trop ambitieuse et mal comprise. Il a donc décidé de surseoir à la réforme des retraites.

Les pharmaciens ont un régime autonome. Ces régimes sont gérés par des pairs, ont une gouvernance et une autonomie de gestion, en restant sous tutelle de l’État. Par exemple, nous ne pouvons pas endetter notre caisse, nous devons être à l’équilibre. C’est aussi un régime qui a un volet en capitalisation en plus du régime par répartition. Avec le régime universel, tel que prévu durant le quinquennat, les pharmaciens perdraient donc l’autonomie de leur caisse, ainsi que le volet par capitalisation. De plus, les prélèvements prévus auraient été plus importants et les sommes reversées assez « nébuleuses ».

 

Pouvez-vous expliquer plus en détails le système de capitalisation ? 

Tous les mois, nous prélevons de l’argent aux pharmaciens (qui n’aiment pas ça) ! Cet argent prélevé, nous le plaçons de manière dynamique, dans des assurances vie, des livrets, des actions, de l’immobilier, etc. Ces capitaux produisent des intérêts qui, lorsque les pharmaciens partiront à la retraite, leur seront versés sous la forme d’une rente viagère (et non sous la forme d’un capital) réversible au profit du conjoint. D’ailleurs, même s’il a épuisé son capital, nous lui verserons la même somme. 

 

Adapté au vieillissement de la population, ce régime a été salué…

Le régime général français, ainsi que la plupart des caisses autonomes, fonctionnent uniquement par répartition : les cotisations d’aujourd’hui financent les pensions de retraite d’aujourd’hui. Ce régime fonctionne grâce à la démographie de la population active. Or, dans nos sociétés mûres, dans lesquelles le chômage existe, nous arrivons à saturation : en 1945, on comptait 5 actifs par retraité, et ce dernier ne vivait pas vieux. Aujourd’hui, on compte près de 1,7 cotisant par retraité. Un pharmacien qui part à la retraite bénéficie de 30 ans d’espérance de vie. Les caisses de retraite doivent donc être préparées à cela. 

 

Chez les pharmaciens, le ratio est encore plus bas avec presque 1 cotisant par retraité. Être mélangé dans le grand bain du RU ne serait pas intéressant ? 

Le nombre d’officines et de titulaires n’augmente pas et cette population est assez mûre, âgée de presque 60 ans en moyenne. Mais avec la capitalisation, les pharmaciens ont déjà trouvé la parade au vieillissement de la population. 

 

À l’époque où Monique Durand était présidente, la stratégie de la CAVP était de garder un pilier capitalisation et créer un pilier RU. Cela fait-il toujours sens ?

La réforme du régime universel, telle que présentée en 2019, ne verra pas le jour. En revanche, je crois qu’il y aura une réforme des retraites car le régime actuel est déficitaire ; mais celle-ci dépendra du résultat des élections du printemps prochain.Dans ce cadre, nous devons pouvoir compter sur l’union de la profession pour être soutenus par l’ensemble de ses composantes : Ordre, syndicats et surtout les pharmaciens. Nous entendons porter des propositions avec d’autres professions libérales.

 

Quelle proposition pourrait convenir à tous les pharmaciens et à votre tutelle ? 

Les libéraux ne sont pas en dehors de la solidarité nationale. Si l’état souhaite un régime de base solidaire, les pharmaciens répondront présents. Mais il faut à tout prix que nous conservions la gestion de la retraite complémentaire des pharmaciens. La ligne rouge à ne pas franchir, c’est la capitalisation. Nous ne voulons pas la voir disparaître. 

De plus en plus d’économistes vont dans le sens d’une part de capitalisation dans le régime général des retraites, notamment CroissancePlus et l’Institut économique Molinari. En effet, 100 % de répartition, c’est dangereux. Ces études montrent que la capitalisation sécuriserait un certain niveau de pension. Ce choix visionnaire a été fait en 1962 par les pharmaciens. D’ailleurs, d’autres pays européens ont déjà opté pour cette solution. C’est le message que nous voulons faire passer : chez nous, la capitalisation fonctionne et vous pourriez vous en inspirer !

 

Aujourd’hui, beaucoup de pharmaciens ont aussi des retraites complémentaires afin de maintenir leur niveau de vie…

Améliorer la retraite des pharmaciens est un chantier primordial de ma mandature. Mais il faut bien comprendre qu’un salarié cotise pour sa retraite à hauteur de 28 % de son salaire, et ce durant 40 ans. Le pharmacien libéral, lui, cotise à hauteur de 17% ; s’il s’installe à 35 ans et qu’il part à la retraite à 62 ans, il ne peut pas bénéficier de la même retraite qu’un salarié, même avec la capitalisation. Certains pharmaciens me disent que c’est trop peu : je les comprends, mais on ne peut pas leur attribuer une retraite d’un montant important sur 30 ans alors qu’ils n’ont cotisé que durant 25 ans. 

Il est salutaire d’étudier plusieurs pistes pour préparer sa retraite, que ce soit en souscrivant à des PER ou en investissant dans l’immobilier. Il faut essayer de diversifier. Et se méfier de la vente de l’officine, qui doit être un capital et ne pas être utilisée pour subvenir à ses besoins. Pour autant, je pense qu’il est nécessaire d’améliorer les rendements de nos régimes de retraite et je vais m’y employer avec les administrateurs du Conseil.

 

Le fonds InterPharmaciens d’aide à l’installation de la CAVP est aujourd’hui fameux. Allez-vous continuer ?

Oui, mais le facteur limitant est le succès du fonds ; en effet, nous sommes extrêmement sollicités ! Il convient de saluer Monique Durand qui a lancé ce fonds interpharmaciens. En juin dernier, le conseil d’administration a voté la mise en place d’un troisième fonds de 20 millions d’euros comme les deux premiers. C’est le régime de capitalisation boursière qui permet d’abonder ces fonds.

 

Lorsque vous prêtez aux jeunes pour leur installation, est-ce rentable pour la CAVP ?

Nous ne le faisons pas pour gagner de l’argent ! Mais nous ne pouvons pas en perdre non plus car c’est l’argent des titulaires. Nous sommes comptables et responsables. Nous aidons nos jeunes confrères à s’installer et le but n’est pas de s’enrichir sur leur dos ! Le dernier taux est de 2,95 % et tient compte des défaillances de payement. Nous ne voulons pas que ce soient les administrateurs CAVP qui gèrent les dossiers : c’est donc une société de gestion qui en est chargée, seul notre directeur financier ayant droit de regard. 

Nous aidons nos jeunes confrères à s’installer, et le but n’est pas de s’enrichir sur leur dos ! ”

 

Allons-nous vers un 4e fonds ? 

J’aimerais. Nous avons déjà financé 130 officines en mai 2021. Le 3e fonds vient juste de commencer et il met environ une année à être consommé. La décision d’en lancer un nouveau est prise par le conseil d’administration, dont je ne suis que le président. Je le proposerai, mais je ne peux répondre à la place de mes collègues. •