L’officine libérée : la transition intergénérationnelle (2/2)

Le pharmacien d’officine « mute » de la profession libérale vers l’entreprise de santé. Ces changements fondamentaux, certes anxiogènes, sont aussi source d’opportunités. Comment s’adapter ?

Dans la mouvance de changements structurels extraordinaires (technologiques, sociétaux, écologiques et économiques), le pharmacien d’officine « mute » de la profession libérale vers l’entreprise de santé, avec :

  1. la complexification des missions, des stratégies d’offres (compétences métiers, services, conseils et relations patients) et du pilotage des entités ;
  2. le désengagement progressif de l’État dans la prise en charge des dépenses de santé et, comme corollaire, la concurrence et la pression sur les prix ;
  3. le vieillissement des acteurs de la profession et/ou la désaffection apparente des jeunes pour les modèles d’exercices traditionnels ;
  4. la concentration du réseau et l’évolution de la consistance de la valeur des fonds, le capital immatériel des officines étant moins lié à des facteurs protectionnistes (numerus clausus, diplôme, capital, licence) qu’à des critères commerciaux et de compétences (ressources humaines, stratégies d’offres, emplacements, environnement sociétal, gouvernance, organisation, savoir-faire, notoriété, partenaires, réputation, marques et organisation).

Ces changements fondamentaux, anxiogènes pour certains, sont aussi source d’opportunités. D’ailleurs, une large majorité de la profession s’adapte avec réussite. Néanmoins, quelques vieux réflexes « de professionnels libéraux » subsistent. Il en est ainsi en matière de transmission. En effet, peu de pharmaciens se préparent véritablement et envisagent presque tous la vente de leur affaire sous un angle assez classique, comme s’il suffisait de décider de vendre pour vendre. La réalité est que le marché de la pharmacie se complexifie, avec des jeunes plus attentistes et attentifs, ne misant plus sur la capitalisation dans l’outil de travail (la valeur du fonds) et aspirant à travailler autrement. Par ailleurs, sauf exception, ils n’ont pas d’argent !

Aussi, à défaut d’ouverture du capital, souhaitée par les financiers, et qui « sauverait » peut-être une génération de pharmaciens en partance, les schémas de la transmission « mutent » en même temps que la profession se réinvente. La piste de l’association « intergénérationnelle » prend ainsi un autre sens, mais il faut de l’anticipation… Cette voie s’envisage sérieusement assez tôt, car une association au-delà « d’un certain âge » risque de ne plus cadrer avec les aspirations des uns et des autres, et surtout des jeunes. Outre les risques posés par la démarche, il importe à l’évidence de mettre en exergue les intérêts de l’exercice en association intergénérationnelle :

  1. une équipe directionnelle brise « l’isolement ». Le pharmacien seul aujourd’hui s’épuise… les supermen n’existent pas ;
  2. les titulaires se complètent, l’un apporte une certaine fraîcheur, comportementale et technique, alors que l’autre apporte son savoir-faire et son expérience ;
  3. la pharmacie élargit son champ de compétences « métier » ;
  4. la transmission « en douceur », sur plusieurs années, limite les traumatismes commerciaux et humains ;
  5. la situation financière de l’officine peut s’en trouver améliorée (en cas d’intégration par voie d’augmentation de capital) et/ ou le pharmacien ancien réalise une partie de son capital (en cas de cession progressive) ;
  6. le jeune pharmacien se constitue « son pécule », induisant une intégration capitalistique plus complète à terme (orientation désormais facilitée avec la SPFPL).

Le préalable indispensable est de s’assurer de la compatibilité des associés et d’apprendre à travailler ensemble. L’association ne se mène pas par dépit et ne s’improvise pas, et, pourtant, l’improvisation est largement la pratique actuelle des officinaux !

Ainsi, travailler ensemble résulte d’un véritable processus visant à distinguer les questions importantes de celles qui le sont moins, à communiquer vraiment et régulièrement, même et surtout quand tout va bien, à s’occuper de la qualité de la relation entre associés, à définir une orientation générale et un projet commun fondés sur un vocabulaire positif (considération, confiance, vérité, écoute, travail, courage, implication, éthique, plaisir, croissance, respect, cohérence, remerciements, créativité, optimisme…). Tout un programme !