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200 : l’odyssée de la Revue Pharma

Heureux qui comme La Revue Pharma a fait un long voyage, accompagné notre beau métier de pharmacien 17 années durant. Quel chemin parcouru ! Fini les vignettes, bonjour la vaccination, ciao les fax et bienvenue aux bornes de télé­consultation… Il y a aussi des sujets sur lesquels l’avancée fut longue et douloureuse : pharmaciens correspondants, sérialisation, biosimilaires… Sans compter les marronniers, ces sujets qui sont toujours aussi intéressants après 17 ans. Impossible d’être exhaustifs : nous tentons de dégager certains grands thèmes qui ont fait l’actualité, souvent à de nombreuses reprises…

La vaccination : le pharmacien devenu incontournable

Pourtant, rien n’était joué d’avance, comme en témoigne la couverture du n°124 de septembre 2015. Nous nous entretenions avec Sandrine Hurel, alors députée PS de Seine-Maritime et auteure du rapport sur la politique vaccinale en France.  

Jérôme Parésys-Barbier, pharmacien adjoint et président de la section D de l’Ordre, était lui plus visionnaire dans le n°158 de décembre 2018, alors que la vaccination « grippe » était expérimentée dans 4 régions. «  La vaccination en officine n’est qu’une première étape. Si j’utilisais une image, je dirais que nous avons saisi une pelote et que nous allons désormais pouvoir la dérouler, en ajoutant d’autres actes de soins à réaliser en pharmacie.  »

Que de chemin parcouru  ! Depuis le 1er mars 2019, la vaccination contre la grippe, puis 2 ans plus tard celle contre le Covid-19, font désormais partie des missions facultatives pouvant être exercées par les pharmaciens d’officines.

Durant l’été 2021, le discours officiel a bien changé et le pharmacien est au cœur de la stratégie vaccinale. En témoignent les paroles d’Olivier Véran, alors ministre de la Santé, s’adressant aux pharmaciens d’officine : « Ces prochaines semaines seront cruciales, et même vitales pour le pays ! Nous avons engagé une course contre le variant. Nous avons besoin de vous pour vacciner. Vous allez devoir convaincre  !  » 

 

En 2021, plus de 75 % des Français interrogés étaient favorables à l’élargissement des compétences vaccinales des pharmaciens.

Source : enquête Ipsos commandée par le laboratoire Pfizer

C’est désormais chose faite ! Même si certaines modalités, notamment de remboursement ou de prescription, sont encore à définir, le pharmacien peut administrer 15 souches. N’en déplaise aux antivax qui préoccupaient déjà la rédaction dès 2018 : « Comment réagir face à ces patients ? Est-il encore possible de les convaincre  ?  »

N°150, mars 2018.


 

Monopole

Depuis le décret royal confiant aux apothicaires le monopole de la fabrication des traitements, les pharmaciens ont toujours craint la chute du monopole, qui s’est produite dans plusieurs pays occidentaux. Depuis la naissance de La Revue Pharma, il nous est arrivé d’avoir peur. Dans le n°34, Michel-Édouard Leclerc s’attaquait pour la première fois à la pharmacie. À la fin de la même année, la Cour de justice de la Communauté européenne (ancienne Union européenne) fait planer le doute, mais juge finalement que l’ouverture du capital des pharmacies n’est pas nécessaire.   

Pour le quinquennat Macron, Agnès Buzyn s’est montrée rassurante. En septembre 2019, Thomas Mesnier, député LREM, confirme dans une interview : «  La question de vendre des médicaments chez Leclerc s’est posée à l’Assemblée ; je l’ai repoussée d’un revers de main  ».  La multiplication des déserts médicaux, puis la crise Covid font la démonstration de l’importance du pharmacien. Aujourd’hui, le monopole pharmaceutique n’est pas remis en cause… mais jusqu’à quand ?  

N°115, octobre 2014. Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, veut s’attaquer «aux rentes des corporations». 97 % des pharmaciens font grève et repoussent les envies de libéralisation de la profession.

N°118, janvier 2015. Bruxelles fait à nouveau craindre la fin du modèle français…

N°129, février 2016. La Revue Pharma frémit encore à l’idée d’une ouverture du capital des officines.

N°139, février 2017. Ce sont désormais des fonds d’investissement, qui s’attaquent aux laboratoires de biologies médicales, que viennent les suspicions.


 

 PLFSS = baisse de prix des médicaments 

En lien avec le PLFSS 2023, nous avons jeté un coup d’œil aux Revues Pharma sur le sujet. Depuis longtemps, le pharmacien est lésé par le législateur qui ne semble voir dans les médicaments qu’une source d’économies pour la Sécu. 

N°116, novembre 2014.

 

N°137, décembre 2016.


 

Groupements et enseignes 

«  La notion d’enseignes et de réseaux va devenir incontournable », prévoyait Pascal Louis, ex-président du collectif des groupements, en janvier 2007 face à la journaliste de La Revue Pharma. Aujourd’hui, avec 90 % des pharmacies groupées, le temps lui a donné raison. Les arguments alors invoqués étaient : gains de temps, achats groupés, formations, services. Nous n’étions pas si loin des attentes actuelles. Deux ans plus tard, La Revue Pharma se demande quelle est la meilleure forme financière de groupements et regarde à l’étranger les différentes chaînes, coopératives, groupements qui fleurissent. La peur d’une ouverture du monopole plane, l’arrivée de fonds d’investissements et d’entreprises internationales dans la danse, font frissonner les confrères. 

Dès nos premiers dossiers sur les groupements, des pharmaciens se posaient la question de l’enseigne, adoptée tôt chez les opticiens mais qui a mis du temps à s’installer chez nous. En 2009, Vincent Genet, directeur santé chez Alcimed, analysait les « avantages et inconvénients » de l’enseigne notamment :  « les services et la communication qui vont dans le sens des missions élargies du pharmacien », mais « en contrepartie, l’adhérent doit respecter certaines règles » et l’on sait à quel point les pharmaciens étaient et sont toujours attachés à leur indépendance. C’est sûrement cela qui a empêché l’apparition de franchise comme en Angleterre ou en Allemagne. 

Huit ans plus tard, le temps a fait son œuvre et Hervé Jouves, fondateur de l’enseigne de pharmacies Lafayette nous l’assurait : « Les enseignes sont l’avenir ». De nos jours, elles semblent percer, avec près de 7 000 pharmacies l’ayant adoptée, 1 000 de plus qu’en 2020. Dix-sept ans que nous demandons aux patients s’ils les connaissent et aux pharmaciens s’ils s’y reconnaissent… La recette semble en charmer de plus en plus.

N°20, janvier 2007.
Des pharmaciens se mettent à vanter les services apportés par les groupements.

 

N°40, janvier 2009. La Revue Pharma récapitule les différentes formes de groupements ; les enseignes commencent à faire parler d’elles.

 

N°101, avril 2013. Les groupements se lancent dans l’installation des pharmaciens.

 

N°140, mars 2017,
n°162, avril 2019.
Les enseignes se sentent pousser des ailes…

 

N°162, avril 2019.
Les enseignes se sentent pousser des ailes…


 

Un métier qui évolue 

Nous avons évidemment parlé du métier de pharmacien dans chacun des numéros, mais nous avons relevé  quelques frémissements importants  : 

En avril 2006, le Sénat évoque la possibilité d’un statut de pharmacien prescripteur. 

Le 18 mars 2009 est promulguée la loi HPST qui propulse le pharmacien dans un nouveau monde : soin de premier recours, coopération entre professionnels de santé, actions de santé publique, éducation du patient, coordination…  Si les textes mettent parfois des années à se concrétiser (ex. du pharmacien correspondant, appliqué 12 ans plus tard !), c’est une reconnaissance importante dont les perspectives  se sont concrétisées ces derniers mois. 

En septembre 2011, un rapport de l’Igas sur l’officine, demandé par Xavier Bertrand, aborde le sujet des nouvelles missions, et en novembre 2011, le PLFSS prévoit une nouveauté : la rémunération à l’acte du pharmacien. Tout cela se concrétise en avril 2012 (n°91) avec la convention pharmaceutique qui introduit les honoraires  ! « Un tournant historique », titre-t-on à La Revue Pharma. Sans oublier « les nouvelles missions » avec l’accompagnement des patients sous ACO et aussi les premières Rosp Génériques, actuellement mourantes. 

En novembre 2016, alors que le débat autour de la vaccination fait rage, Catherine Lemorton, pharmacienne à la tête de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, annonce que « la question du transfert de compétences au pharmacien d’officine ne doit plus se poser ». Et ça ne s’arrêtera pas là. 

L’année 2017 est celle du changement, avec l’expérimentation de la vaccination grippale et la signature de l’avenant n°11 qui acte le basculement vers la tarification à  l’acte. Une avancée qui protège le pharmacien des baisses de prix et de prescriptions et qui le place en acteur de soins. L’avenant n°11 crée également  les BPM et entretiens pharmaceutiques, qui peinent à trouver leur place du fait d’une rémunération trop distante de l’acte.

 

N°86, novembre 2011. En janvier 2012, sera mis en place officielement le DPC !


 

Numérisation : la pharmacie digitale

N°70, novembre 2010.
La téléconsultation est autorisée dans la loi : dans un premier temps, elle se fait au téléphone.

 

N°95, octobre 2012.
Première couv’ sur le digital. La Revue Pharma salue le dossier pharmaceutique qui cartonne et s’enthousiasme pour le dossier médical partagé, qui ne cartonnera pas. Il sera remplacé en 2022 par Mon espace santé, dont nous avons parlé en janvier dernier.

 

N°108, janvier 2014. Nous prévoyons un bel avenir aux e-prescriptions (que l’on attend toujours), aux e-learnings et aux smartphones. Les robots se démocratisent dans les pharmacies.

 

N°120, mars 2015. La revue met en lumière la vente en ligne. Un sujet qui passionne toujours, surtout quand des mastodontes comme DocMorris ou Amazon se préparent à l’assaut du marché français.

 

N°126, novembre 2015. « La digitalisation de notre système de santé est en marche », prédisait, en couverture, Benoît Thieulien, président du Conseil du numérique. Son rapport aura une influence notoire sur la loi santé de 2019 qui est pour 1/3 dévolue au numérique.

 

N°172, mars 2020. La téléconsultation aura beaucoup fait parler (la première a eu lieu en novembre 2010, au téléphone). 12 ans plus tard, elle s’invite dans la convention, et les officines s’équipent de borne avec appareil connecté. Les temps changent…


 

« VERT » une pharmacie plus ÉCOLO

La Revue Pharma sensibilisait déjà ses lecteurs en 2011 à l’enjeu écologique avec en couverture une simple recommandation « Pharmaciens, passez au vert  !  ». De nombreux secteurs s’engageaient déjà : notamment la répartition et les groupements avec la création de labels « pharmacie durable ».

Dix ans plus tard, le n°181 égrainait 10 gestes éco­responsables pour passer à l’action : gestion du papier ou des déchets, qualité de l’air, réduction des consommations énergétiques… des conseils encore cruellement d’actualité.

Et si la recommandation était devenue nécessité ?

 

N°79, avril 2011.

N°181, avril 2021.


 

 « Rideau sur l’officine » 

Difficile de ne pas y retrouver le sombre écho du rapport de la Cour des comptes dénoncé dans notre n°37 et qui pointait déjà, en 2008, 5 172 officines en surnombre en France. En 2012, l’Igas insistait en préconisant de diminuer de 10 % le nombre d’officines. 

La démographie pharmaceutique publiée en juillet 2010 relevait une baisse d’officines (22 386 au 1er janvier 2010) ; on parlait d’une « fuite des nouveaux diplômés ». Prémices de l’actuelle crise des RH ? 

Notre dossier du n°111, en 2014, revenait sur le chiffre inquiétant à l’époque dénoncé par l’Ordre : une officine fermait tous les 3 jours en France. Philippe Becker, expert-comptable, directeur du département pharmacie chez Fiducial s’exprimait : « D’ici 10 ans, on va perdre entre 1 000 et 2 000 pharmacies. On en a déjà perdu 500.  » Il voyait juste, le nombre d’officines décroît inéluctablement… 

En septembre 2017, la Cour des comptes en redemandait aux pharmaciens et assurait qu’une officine sur deux pourrait fermer. Une aberration alors que dans notre dossier sur les présidentielles 2022, tous les candidats vantaient le maillage avec des pharmaciens au plus près des patients et que les médecins se raréfient.

n°111, avril 2014.


 

Biosimilaires, le flou s’estompe

Amorcée en 2014 dans la loi de finances de la Sécurité sociale, la possibilité par les pharmaciens de substituer des médicaments biologiques par des biosimilaires avait été autorisée par la LFSS de 2017, mais la limitait seulement à l’initiation du traitement.

Après les génériques, l’arrivée des biosimilaires était annoncée comme la prochaine révolution médico-­économique avec un marché estimé à 20 milliards de dollars en 2020. Le décret d’application n’a pourtant jamais vu le jour et ces dispositions ont été par la suite abrogées dans la LFSS pour 2020.

À cette époque, nous interrogions les patients par la voix de Françoise Alliot, vice-présidente de l’Aflar : « Notre raisonnement est de travailler avec les acteurs de l’officine pour pouvoir créer les conditions nécessaires à un accompagnement adapté des patients traités avec le médicament biologique de référence ou le biosimilaire. Pour l’heure, nous sommes totalement ouverts à œuvrer avec les pharmaciens. »

Il aura fallu attendre la LFSS pour 2022 pour revoir apparaître la substitution des biosimilaires ; mais les débuts sont encore timides avec seulement 2 molécules biologiques concernées, filgrastim et pegfilgrastim. Le marché représenterait pourtant des milliards d’économies : les pharmaciens restent suspendus à un arrêté, celui qui fixe la liste des groupes biologiques similaires substituables.

Interrogée à ce sujet et sur les raisons d’un tel retard de l’action publique sur la substitution, Agnès Firmin Le Bodo, actuelle ministre déléguée auprès du ministre de la Santé et de la Prévention, explique : « J’aimerais avoir la réponse… D’un point de vue personnel, je me bats depuis deux PLFSS sur les biosimilaires  ! Je ne crois pas qu’il y ait un blocage de la part des Français ou des patients. Il vient plutôt de certains laboratoires qui n’ont pas anticipé que leur produit phare allait être concurrencé par un biosimilaire. Je vois pourquoi, mais je ne comprends pas pourquoi le gouvernement bloque ces textes. Ce sont 600 millions d’euros d’économies en années pleines. Nous pourrions arrêter de diminuer les prix des médicaments, qui arrivent à des niveaux tellement bas qu’ils ne sont plus fabriqués chez nous, voire plus fabriqués du tout.  » 

N°157, novembre 2018.