« L’avenir pour le pharmacien est la titration des médicaments antihypertenseurs. »

Éducation à l’automesure tensionnelle, gestion du traitement... le Dr Nicolas Postel-Vinay, médecin spécialiste au sein de l’Unité d’hypertension artérielle de l’Hôpital européen Georges Pompidou, revient sur le rôle essentiel du pharmacien dans l’accompagnement du patient hypertendu.

Dr Nicolas Postel-Vinay

La Revue Pharma : Le pharmacien participe à l’éducation du patient à l’automesure tensionnelle. Quel type d’appareil conseiller ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Désormais, tous les appareils vendus en France ont un marquage CE. Le pharmacien doit conseiller un appareil avec un brassard huméral, pour lequel les résultats sont plus proches de ceux mesurés en cabinet. Le tensiomètre au poignet doit seulement être utilisé en alternative chez le patient obèse ou ayant un bras conique rendant impossible l’usage du brassard huméral. Une arythmie rapide et une anxiété majeure contre-indiquent l’automesure tensionnelle (AMT).

Qu’expliquer au patient pour qu’il utilise correctement son autotensiomètre ?

Le pharmacien doit expliquer comment effectuer une bonne série de mesures : au repos, assis, bras posé sur la table le matin avant la prise du traitement, et le soir. La prise de mesures s’effectuera pendant 5 à 7 jours de suite. Enfin, rappelez au patient que la valeur cible en AMT est une moyenne inférieure ou égale à 135/85 mmHg, valeur un peu plus basse que celle mesurée au cabinet médical (140/90 mmHg).

À quel rythme sera pratiquée l’AMT ?

L’efficacité du traitement sera essentiellement évaluée par la mesure tensionnelle, car les symptômes présentés par le patient ne sont pas toujours corrélables avec les chiffres tensionnels. Le rythme de l’AMT va suivre celui du suivi du patient, à savoir tous les 4 à 6 mois lorsque l’HTA est bien contrôlée. Elle sera plus rapprochée (4 à 6 semaines) lors de l’initiation du traitement ou lors d’un renforcement ou de la modification de celui-ci. Le patient devra consigner tous ses résultats par écrit afin que le médecin puisse les interpréter. Le site automesure.com propose une fiche interactive de relevé de mesures en ligne qui permet une auto-interprétation personnalisée des résultats. Cet outil appelé Hy-Result est validé par une étude internationale.

L’inobservance est l’un des problèmes majeurs dans la prise en charge de l’HTA. Comment le pharmacien peut-il la détecter et l’accompagner ?

La question de l’observance se pose avant tout chez les patients dont la pression artérielle n’est pas contrôlée, c’est-à-dire quand elle dépasse les valeurs seuils : 135/85 mmHg en AMT ou 140/90 mmHg lors d’une consultation médicale. Le pharmacien peut facilement évaluer une observance théorique en analysant le Dossier patient informatisé pour vérifier la cohérence entre le nombre de boîtes délivrées et la fréquence des renouvellements. Il doit aussi questionner le patient avec bienveillance quant à l’heure de prise de son traitement, la survenue d’effets indésirables, leur fréquence… Il est souvent nécessaire de rappeler l’intérêt du traitement et de répondre à certaines inquiétudes comme la crainte d’un effet néfaste sur la fonction rénale, fréquente chez ces patients.

Quels facteurs peuvent déséquilibrer un antihypertenseur ?

Un surdosage peut entraîner une hypotension orthostatique, des malaises et une fatigue intense. Sous bêtabloquants, on peut noter une bradycardie excessive (< 50 batt/ minute). C’est notamment le cas lorsque le bêtabloquant est associé par erreur à un inhibiteur calcique bradycardisant tel que le vérapamil. Beaucoup plus rarement, une insuffisance rénale aiguë à l’instauration du traitement peut se rencontrer chez des patients ayant une sténose bilatérale de l’artère rénale non détectée en cas de prescription d’IEC et de sartans. Dans ce cas, le traitement devra être rapidement modifié. Chez le patient âgé, un épisode fébrile (bronchite, gastro-entérite…) ou de fortes chaleurs peuvent entraîner un surdosage temporaire du traitement, source d’hypotension ou de déshydratation. Il est alors nécessaire de savoir diminuer les doses, voire d’arrêter le traitement, en particulier les diurétiques, pendant quelques jours.

Certains médicaments peuvent-ils perturber le contrôle tensionnel ?

Oui, principalement les AINS qui provoquent une diminution de l’efficacité des diurétiques, des IEC et des sartans. Il est important que le pharmacien explique au patient prenant des antihypertenseurs que les AINS ne doivent pas être utilisés sans avis médical même en courte durée. De même, la prise de vasoconstricteurs sous forme orale ou nasale doit être déconseillée. Enfin, les anti-angiogéniques utilisés en cancérologie ont un effet hypertenseur important survenant dès les premières prises. Dans ce cas, le traitement antihypertenseur doit être renforcé.

Quelle est l’urgence en cas de pression artérielle très élevée ?

Lorsque la PA est très élevée (par exemple supérieure à 180/110 mmHg), le pharmacien doit rechercher à l’interrogatoire des signes d’une HTA maligne avec souffrance viscérale nécessitant un avis médical rapide. Les signes cliniques associés à rechercher sont les maux de tête, les signes d’AVC, la gêne respiratoire, une douleur thoracique, un malaise. La vigilance est de mise envers les patients traités par trithérapie ou quadrithérapie. S’ils arrêtent brutalement leur traitement, ils sont à risque de fortes poussées tensionnelles aiguës. De même, un avis médical sera recommandé chez un patient âgé et/ou ayant des antécédents médicaux. Cela dit, le constat d’une tension élevée incite d’abord à mettre le patient au repos une bonne dizaine de minutes pour reprendre la mesure, car il faut également limiter les orientations inutiles vers les urgences.

Selon vous, quelle sera place du pharmacien d’officine dans l’accompagnement de l’hypertension à l’avenir ?

L’avenir pour le pharmacien est la titration des médicaments antihypertenseurs, autrement dit la possibilité d’adapter les posologies ainsi que le nombre de médicaments après avoir été formé à l’interprétation des résultats d’automesure, et ce, en se fondant sur un protocole qui serait écrit et validé par les autorités de santé mais qui n’existe pas actuellement en France. Par ailleurs, le contrôle informatisé des résultats par télémonitoring permet d’augmenter le pourcentage de patients contrôlés. Il pose cependant aujourd’hui des problèmes juridiques de responsabilité et aussi économiques liés au développement de la télémédecine. •


L’automesure tensionnelle (AMT)

  1. Bras dénudé. Brassard bien ajusté à hauteur de cœur
  2. Avant bras relâché, le poing n’est pas serré

– Position assise, jambes non croisées
– Le matin, les mesures s’effectuent avant la prise de médicaments
– Le patient note ses résultats pour les communiquer au médecin •