Déficit de la sécu : la Cour des comptes fait son bilan annuel

La réduction du déficit de la sécurité sociale s’est poursuivie en 2015 même si celui-ci reste élevé et sa persistance demeure une anomalie singulière au regard de la plupart de nos voisins. Le redressement des comptes sociaux devrait se poursuivre en 2016, sans certitude sur le calendrier du nécessaire retour à l’équilibre.

Revenir plus vite à l’équilibre et rembourser complètement la dette sociale

En 2015, le déficit de la sécurité sociale a baissé au même rythme, modéré, qu’en 2014 pour s’établir à ‑10,2 Md€. 40 % environ de ce déficit a des causes structurelles, indépendantes de la conjoncture économique. Le déficit est désormais concentré sur la branche maladie (-5,8 Md€), qui représente à elle seule 85 % du déficit du régime général, et sur le Fonds de solidarité vieillesse (FSV, -3,9 Md€). La hausse du déficit du FSV compense la baisse de celui de la branche vieillesse : leur déficit agrégé atteint -4,2 Md€ en 2015. Après 13 ans de hausse ininterrompue, la dette sociale a commencé à refluer en 2015, pour s’établir à 156,4 Md€. Cependant, la partie de la dette financée à court terme, dont le remboursement n’est pas organisé, reste importante et pourrait atteindre jusqu’à 30 Md€ à fin 2019.

Le retour à l’équilibre des comptes sociaux dépend désormais prioritairement de l’assurance maladie. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) a été respecté en 2015, non sans de fortes tensions, et devrait l’être en 2016, d’autant que son taux de progression réel (1,9 %) est plus élevé qu’affiché (1,75 %). En revanche, compte tenu de la dynamique des dépenses de soins de ville, des revalorisations de salaires à l’hôpital et de la nouvelle convention médicale, le respect de l’Ondam en 2017, particulièrement difficile, devrait nécessiter des économies supplémentaires.

Mieux maîtriser les dépenses de santé pour assurer un accès équitable aux soins

L’assurance maladie prend en charge une part prépondérante, en légère progression sur la période récente, des dépenses de santé (76,8 % en 2015). Toutefois, les niveaux individuels de prise en charge s’érodent sur longue période, avec pour conséquence des restes à charge parfois très élevés, sous l’effet notamment de la croissance rapide des dépenses liées aux affections de longue durée (ALD) prises en charge à 100 %. Ce dispositif concerne 11,3 millions de personnes, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans, et représente 60 % des remboursements. Les actions de maîtrise des dépenses, qui connaissent de fortes disparités territoriales, sont très en deçà des enjeux.

La part des organismes complémentaires dans le financement des dépenses de santé a nettement progressé depuis 15 ans. Or le recours à une complémentaire santé représente un coût très significatif, pour les ménages comme pour les finances publiques, et pose la question de l’égalité de l’accès aux soins. Ces constats soulignent la nécessité d’une plus grande maîtrise des dépenses de santé afin de limiter les restes à charge. Ils peuvent poser à plus long terme la question de l’évolution des modes de prise en charge de ces dépenses, pour lesquelles, comme le montrent les exemples d’autres pays, plusieurs scénarios de clarification des champs d’intervention respectifs de l’assurance maladie obligatoire et des assurances complémentaires sont envisageables. En Allemagne, par exemple, les restes à charge sont plafonnés en fonction des revenus et de la présence ou non d’une maladie chronique, le rôle des complémentaires étant de ce fait beaucoup plus limité qu’en France.

Recommandations

57 % des 211 recommandations formulées par la Cour dans ses rapports de 2013, 2014 et 2015 ont été prises en compte au moins partiellement.

Les 61 recommandations formulées cette année visent notamment à :

  • accélérer le retour à l’équilibre des comptes sociaux, et tout particulièrement de l’assurance maladie, et la réduction de la dette sociale, notamment en instaurant des dispositifs de régulation plus complets de suivi et de régulation des dépenses de soins de ville ;
  • organiser l’amortissement de la totalité de la dette sociale ;
  • renforcer les mesures structurelles d’économies sur l’assurance maladie ;
  • assurer un accès plus équitable aux soins et limiter les dépenses de santé laissées à la charge des assurés, tout particulièrement dans le domaine des soins bucco-dentaires par un plafonnement des tarifs des soins prothétiques les plus fréquents et un conventionnement sélectif des chirurgiens-dentistes ;
  • réorienter une partie des soutiens publics à la souscription d’une couverture complémentaire vers les assurés aux risques les plus élevés ;
  • substituer au paiement à l’acte une rémunération forfaitaire pour les médecins prenant en charge les patients atteints d’affections de longue durée ;
  • impliquer les médecins hospitaliers dans la maîtrise de leurs prescriptions et concrétiser les gains d’efficience liés à l’informatisation des hôpitaux ;
  • adapter les modalités de pilotage des régimes de base et complémentaires de retraite des salariés du secteur privé afin d’anticiper les nouveaux ajustements qui pourraient s’avérer nécessaires ;
  • déployer une stratégie de modernisation des ressources humaines de la sécurité sociale, lutter contre l’absentéisme, renforcer sa fonction informatique et moderniser ses institutions en fermant la caisse des mines.

D’après le communiqué de presse de la Cour des comptes publié le 20 septembre 2016.