Formation diabète de type 2, obésité
Formation diabète de type 2, obésité

Des transidentités, des parcours de transition

Les premières recommandations sur la prise en charge des personnes transgenres, parues en août 2025, insistent sur l’absence de parcours type, et rappellent que l’accès aux soins de transition ne peut être conditionné au triptyque psychiatre, endocrinologue et chirurgien.

En France, 20 000
à 60 000 personnes
seraient transgenres.

 

Fruit de trois années de travail, réalisé dans un contexte houleux et sous une pression médiatique inédite, le premier volet des recommandations sur l’accompagnement des personnes transgenres a été publié par la Haute Autorité de santé (HAS) l’été dernier. Celles-ci concernent uniquement les plus de 18 ans, la HAS ayant préféré écarter la question sensible des 16 à 18 ans, pourtant initialement traitée. Néanmoins, un nouveau groupe de travail devrait plancher sur l’ensemble des mineurs à partir de janvier 2026.

Ce texte d’une quarantaine de pages décrivant plus de 150 recommandations énonce en préambule que « l’accès aux soins de transition ne constitue pas un “confort”, mais un enjeu vital en matière de bien-être, d’image de soi, de vie personnelle, de santé globale et aussi de vie sociale ». Ce cadre vise donc à lutter contre l’errance médicale, à homogénéiser les pratiques sur le territoire, mais aussi à lutter contre la stigmatisation. « Conformément aux recommandations internationales, ce texte réitère qu’il faut “dépsychiatriser” et “dépathologiser” le suivi et qu’aucun certificat tripartite entre un psychiatre, un endocrinologue et un chirurgien n’est pertinent pour autoriser une personne à entamer une transition ni l’aval d’un psychiatre pour avoir accès aux traitements hormonaux et/ou chirurgicaux », insiste le Dr Nicolas Journel-Morel, chirurgien urologue aux Hospices civils de Lyon (HCL) et coprésident du groupe de travail.
C’est en 2018, lors de l’adoption de la 11e version de la classification internationale des maladies (CIM-11), que l’OMS a abandonné la notion de « transsexualisme » et classé l’incongruence de genre parmi les affections liées à la santé sexuelle, et non plus comme une maladie psychiatrique.

Pour autant, la santé mentale et la vulnérabilité des personnes transgenres sont des problématiques qui ne peuvent être ignorées. L’inadéquation entre leur genre vécu et celui assigné à la naissance, mais surtout la stigmatisation et le rejet dont elles sont victimes, notamment au cœur des cabinets médicaux, les exposent à des troubles psychiatriques. Une vaste étude nord-américaine a notamment montré que la prévalence moyenne sur la vie entière des idées suicidaires a été de 46,6 % et des tentatives de suicide de 27,2 %.

 

Repérer sans tarder

Aussi, la Haute Autorité de santé souligne que le repérage d’éventuels troubles psychiatriques, neuro­développementaux ou souffrances psychiques doit être intégré dans l’évaluation globale et peut être réalisé par un médecin généraliste. Toutefois, « le recours à un professionnel de santé mentale ne doit pas entraîner un délai de prise en charge supplémentaire et doit s’organiser en parallèle du processus global de prise en charge », souligne le groupe d’experts. Ces derniers indiquent aussi l’importance d’évaluer le soutien social et familial de la personne, et d’entreprendre des actions pour le promouvoir et le renforcer en s’appuyant sur les associations.

 

Instaurer un cadre bienveillant

Ces recommandations rappellent aussi aux professionnels de santé que toute demande de soins doit être accueillie, sans « jugement » et « idées préconçues », mais « dans un cadre bienveillant » en utilisant notamment « le prénom et pronom demandés ». Le groupe d’experts replace, par ailleurs, les usagers comme acteurs principaux de leur accompagnement en soulignant qu’aucun parcours type n’existe. Chaque projet de soins médicaux d’affirmation de genre est unique, et chaque personne décide de quels soins elle a besoin (ou pas), avance à son propre rythme, peut faire une pause ou interrompre ses traitements, ou même revenir en arrière (les parcours de détransition concernent moins de 2 % des personnes transgenres).

Dans ce cadre, l’implication des médecins généralistes auprès des personnes transgenres est enfin reconnue. L’institution attribue aux praticiens de ville une place centrale dans l’accompagnement, l’orientation vers les spécialistes, mais aussi, et surtout, la primoprescription des traitements hormonaux. Le cadre réglementaire doit donc évoluer afin d’autoriser la primoprescription de testostérone aux généralistes. « La situation actuelle est d’autant plus aberrante que ces praticiens prescrivent des molécules bien plus dangereuses chaque jour. C’est aussi une question d’égalité puisque tout médecin généraliste peut directement initier et suivre un traitement hormonal féminisant pour les femmes transgenres », relève le Dr Morel-Journel.

 

L’hormonothérapie n’est pas la pierre angulaire d’une transition

S’agissant de l’hormono­thérapie de féminisation, la HAS rappelle que celle-ci repose sur la prise d’œstrogènes et privilégie la voie percutanée ou injectable (non disponible en France) à la voie orale. Elle stipule aussi qu’ils peuvent être pris seuls à des dosages élevés ou associés à une spécialité visant à diminuer la production de la testostérone ou son action (spironolactone, agonistes de GnRH), sans que cela soit systématique. Cette dernière pourra progressivement être diminuée dès que les effets désirés seront stabilisés. L’usage d’acétate de cyprotérone, en dernier recours, est possible sur une période courte à des dosages de 25 mg/j ou 25 mg tous les deux jours pour limiter les risques de méningiome.

Quant au bicalutamide et à la 5-alpha-réductase, ceux-ci sont déconseillés en première intention en raison de leurs effets psychiatriques et hépatotoxiques, respectivement. Les antagonistes de la GnRH restent réservés aux essais cliniques.

Du côté des hommes transgenres, les experts préconisent que la voie d’administration (percutanée ou injectable) de la testostérone soit personnalisée et adaptée à chaque patient, mais déconseille les formes gel.

Dans les deux cas, la durée maximale des traitements hormonaux n’est pas connue à ce jour. Aussi, « leur introduction, leur maintien ou leur diminution se discuteront au cas par cas en tenant compte des besoins de la personne, du rapport-bénéfices/risques et en particulier des enjeux liés à l’âge », indique le texte.

En outre, il est préconisé de rechercher l’automédication « pour accompagner ces pratiques afin d’en réduire le plus possible les risques : prescriptions de traitements ou de soins infirmiers, suivi biologique, information sur le matériel et les gestes d’injection, discussions sur les risques, examens cliniques, etc. »

Enfin, la prise d’un traitement hormonal ne doit pas conditionner l’accès aux chirurgies de féminisation ou de masculi­nisation. Il reste néanmoins souhaitable avant les chirurgies pelviennes et génitales pour permettre aux femmes transgenres d’expérimenter la déprivation de testostérone qui peut provoquer une labilité émotionnelle, voire une humeur dépressive.

En France, 20 000 à 60 000 personnes seraient transgenres. Un peu plus de 22 000 bénéficiaient, en 2023, d’une affection longue durée (ALD). Ils étaient 9 000 en 2020, dont 70 % d’adultes de moins de 35 ans. Cette année-là, moins de 500 interventions chirurgicales ont été réalisées. ■

 

Prise en charge de l’hormonothérapie

Les transitions médicales peuvent être prises en charge à 100 % grâce à l’ALD « hors liste ». Il est généralement recommandé aux personnes transgenres de lister un maximum d’actes relatifs à leur transition (traitements hormonaux, mammectomie, épilation laser…) pour qu’elle puisse avoir le choix par la suite.

Prescrite hors AMM, l’hormonothérapie ne devrait théoriquement pas être remboursée. Pourtant, dans les faits, l’Igas a constaté, en 2022, qu’elle est le plus souvent prise en charge par l’Assurance maladie dans le cadre de l’ALD. Des disparités de traitement de la part des CPAM ont néanmoins été mises en évidence par la Défenseure des droits.

Pour autant, ne pas disposer d’une ALD ne signifie pas qu’aucun remboursement n’est possible. Les bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (C2S) peuvent être pris en charge, de même que ceux couverts par une mutuelle.

En cas d’interrogation, les patients et/ou les professionnels de santé peuvent se tourner vers le service attentionné dédié à l’accompagnement des personnes en transition de genre mis en place en juin 2025. Ce service est joignable par téléphone au 0806 060 106 (de 8h30 à 12h30 et de 13h30 à 16h30) ou par mail en écrivant à parcourstrans@assurance-maladie.fr