Alors que la nouvelle campagne de prévention a débuté, l’accès au Beyfortus en ville reste compliqué, et ce malgré une prise en charge par la majorité des mutuelles.

Le 1er septembre dernier, le coup d’envoi de la campagne de prévention 2025-2026 contre la bronchiolite a été officiellement donné. Pour cette 3e édition, les maternités, les cabinets de ville et les PMI pourront prescrire et administrer le nirsévimab (Beyfortus, Sanofi) à tous les nouveau-nés et nourrissons nés à partir du 1er février 2025.
Par ailleurs, un arrêté paru le 26 septembre 2025 a étendu le remboursement de l’anticorps monoclonal aux enfants qui demeurent vulnérables, notamment en raison de pathologies cardio-respiratoires, lors de leur deuxième saison d’exposition au virus respiratoire syncytial (VRS), et ce jusqu’à leurs 24 mois. Ces derniers auront alors besoin de 2 injections de Beyfortus 100 mg simultanées afin de recevoir une dose unique de 200 mg.
352 000 doses distribuées l’an dernier
Cette évolution de la prise en charge par l’Assurance maladie, qui s’aligne sur les indications thérapeutiques, était attendue par la communauté pédiatrique. Pour autant, elle marque une modeste avancée en matière de prévention de la bronchiolite, première cause d’hospitalisation chez les enfants de moins d’un an. Si cette population à risque est mieux protégée, cette extension ne signifie pas que l’ensemble des enfants éligibles au nirsévimab bénéficieront de cet anticorps.
L’an dernier, 352 000 doses de Beyfortus ont été distribuées en maternité et en ville, ce qui a permis « l’immunisation de 60 à 90 % des nouveau-nés dans les maternités », a précisé le ministère de la Santé dans un communiqué publié, fin août 2025.
Sac de nœuds administratif
La restriction d’accès au nirsévimab liée à la limitation du taux de remboursement en ville (30 % contre 100 % en maternité) décidée à l’automne 2024 par la Commission de Transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) perdure. L’an dernier, l’ensemble des sociétés savantes de pédiatrie avait signalé cette injustice après avoir été alerté par des familles incapables de payer le ticket modérateur d’environ 300 euros qu’une minorité de mutuelles ne rembourse pas ou partiellement.
Des familles n’ayant, par ailleurs, pas recours ou ne pouvant prétendre au dispositif de l’aide médicale d’État (AME) ou la C2S (complémentaire santé solidarité).
« Or, il est clairement établi que les enfants issus de familles précaires sont plus vulnérables au VRS, et ses séquelles. Il est donc primordial de s’assurer que ces derniers accèdent au nirsévimab et à tous les soins nécessaires », s’alarme le Dr Andreas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa).
Dans le même temps, les pédiatres s’interrogent sur la disponibilité à long terme de ce produit en maternité et de sa prise en charge à 100 %. Non inscrit sur les listes en sus, il ne peut être inclus dans le prix du séjour ou facturé en sus des prestations d’hospitalisation. Pour cette raison, « en 2025, le financement prévu est une compensation forfaitaire dérogatoire et temporaire », a indiqué la Direction générale de la Santé (DGS) à la rédaction.
« Est-ce un dispositif pérenne ? Pourra-t-il être reconduit tous les ans ? Aujourd’hui, nous n’avons aucune visibilité et cela est difficilement compris par les praticiens comme par les familles, alors même que les preuves d’efficacité sont là », pointe le Pr Naïm Ouldali du service de Pédiatrie générale – Maladies Infectieuses – Médecine interne pédiatrique à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP). En réponse, la DGS botte en touche : « Des travaux sont en cours sur les modalités de financement pour 2026 ».
Une efficacité clairement démontrée
Pour la communauté médicale, cet imbroglio passe mal d’autant que les résultats scientifiques démontrent l’importante efficacité du produit chez tous les enfants, qu’ils soient ou non à risque de développer une forme grave de bronchiolite.
Au-delà des essais de phase 3, plusieurs études, notamment françaises, menées en vie réelle confirment qu’une dose unique de nirsévimab réduit de plus de 80 % les passages aux urgences ainsi que le risque d’hospitalisation pour pneumopathie à VRS après un suivi de 6 mois. L’administration de l’anticorps diminue aussi d’un facteur 5 le risque d’hospitalisation en réanimation.
La littérature, dont une méta-analyse, suggère aussi une diminution des infections respiratoires basses prises en charge en ambulatoire ainsi qu’une réduction de plus de 20 % des otites, et une efficacité de plus de 80 % sur les otites à VRS – ce dernier étant la première cause d’otite chez le nourrisson – induisant ainsi une baisse conséquente de la consommation d’antibiotiques.
« Des travaux sont également en cours pour déterminer si le nirsévimab prévient les infections bactériennes secondaires au VRS ou les séquelles des bronchiolites comme l’asthme viro-induit », souligne le Pr Naïm Ouldali qui participe à plusieurs essais sur cet anticorps.
Immuniser ou vacciner ?
Dans quelques mois, la recherche apportera également des éléments de réponse aux praticiens et aux familles qui hésitent entre la vaccination maternelle par le vaccin Abrysvo disponible depuis l’an dernier ou l’immunisation des enfants. Si, aujourd’hui, ils sont présentés comme équivalents, aucun essai randomisé n’a comparé leur efficacité. Aussi, le choix se fait selon la préférence des parents, des considérations économiques mais aussi scientifiques.
En effet, du point de vue financier, il paraît judicieux pour les femmes n’ayant pas de mutuelle ou de protection sociale pour leur enfant de se faire vacciner durant la campagne afin de profiter d’une prise en charge complète. Néanmoins, d’un point de vue scientifique, la date d’accouchement est un facteur non négligeable à prendre en compte, relève InfoVac dans son bulletin d’août 2025.
« Une incompréhension profonde persiste chez les pédiatres et les professionnels familiers des maladies infectieuses infantiles face à la décision de proposer à la même période la vaccination maternelle et les anticorps monoclonaux pour prévenir la bronchiolite hivernale. Ceux-ci assurent une protection immédiate dès la naissance, ce qui justifie un début de programme dès le 1er septembre. En revanche, la vaccination maternelle aurait dû débuter deux mois plus tôt », écrit le groupe qui conseille de vacciner les femmes au cours de l’été et privilégier l’anticorps en automne et hiver.
Pour que les femmes puissent choisir en toute conscience et de manière éclairée, il est donc essentiel de leur présenter les 2 options avant la 32e semaine d’aménorrhée. L’an dernier, 91 000 femmes ont opté pour la vaccination. ■

 
         
    