Étudiante en pharmacie à Rouen, Noémie Chantrel-Richard s’est vu confier la présidence de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), en juillet dernier. Rencontre avec l’étudiante en 5e année filière officine.
« Les deux grands axes de ce nouveau bureau de l’Anepf sont le bien‑être et l’inclusivité des étudiants en pharmacie pendant leurs études. »
Revue Pharma : Quel est votre parcours étudiant et associatif ?
Noémie Chantrel-Richard : Je suis étudiante en 5e année de pharmacie, filière officine, à Rouen. Mon parcours associatif a commencé en faisant du tutorat pour l’entrée dans les études de santé, afin d’assurer un soutien moral et pédagogique aux étudiants et rendre un peu de ce qu’on m’avait donné en 1re année. Puis, j’ai enchaîné par un mandat de chargée de mission associative pour les étudiants en pharmacie de Rouen, avant d’être déléguée nationale de l’Anepf.
Pour quelles raisons avez-vous choisi le parcours officine ?
J’ai découvert le monde de l’officine lors de mon stage de 3e, réalisé dans une toute petite pharmacie, et je ne l’ai plus jamais lâché ! J’aime le contact avec les patients, pouvoir les conseiller, les orienter, et j’apprécie également la relation de confiance que l’on noue avec eux.
Quels sont les grands objectifs de votre mandat de présidente de l’Anepf ?
Les deux grands axes de ce nouveau bureau de l’Anepf sont le bien-être et l’inclusivité des étudiants en pharmacie pendant leurs études. Ainsi, nous souhaitons poursuivre les travaux autour de l’amélioration de la santé mentale des étudiants, mais aussi travailler à l’inclusion des étudiants en situation de handicap. Pour cela, nous allons œuvrer pour rendre plus accessibles les études de pharmacie, mais aussi la profession de pharmacien en général.
Selon les dernières estimations, en 2023, 2,2 % des étudiants dans le supérieur se déclaraient en situation de handicap. Un chiffre qui baisse à 1,39 % pour les étudiants en santé. Il est nécessaire de comprendre les raisons pour lesquelles ils sont deux fois moins nombreux du côté des futurs professionnels de santé. Les études de santé ne sont-elles pas assez adaptées ? Ces étudiants n’ont-ils pas la même définition du handicap que les autres ? Nous souhaitons travailler là-dessus, améliorer la performance des missions handicap à l’université, et permettre aux étudiants en situation de handicap d’exercer le métier de pharmacien dans le futur.
Cela fait presque 10 ans que les étudiants attendent la mise en place de la réforme du 3e cycle. Quels sont encore les points de blocage ?
Actuellement, le premier point de blocage est dû à l’instabilité politique ! Pour rappel, le concept de la réforme du 3e cycle était de faciliter les compétences professionnalisantes pour les futurs pharmaciens. En d’autres termes, arrêter le « par cœur », soit la restitution de connaissances sans évaluer les compétences. Tous les acteurs de la réforme sont totalement d’accord sur ces objectifs. Le gouvernement souhaite également que le pharmacien puisse entrer dans sa profession en ayant les compétences pour exercer son métier de manière sereine, en accord avec les évolutions du métier. Cette réforme entraîne une revalorisation de l’étudiant en pharmacie en 6e année. Son stage en officine passera de 6 mois à 9 mois, répartis sur 12 mois. Sa gratification sera également revalorisée : de 600 euros environ actuellement, elle évoluera à 937 euros. Pour cela, des textes réglementaires et législatifs sont nécessaires. Et, sur ce point, cela bloque. Nous attendons donc de pouvoir écrire tous ensemble les textes, et l’Anepf sera vigilante au statut de l’étudiant, statut qui doit rester protecteur.
Peut-on espérer une application à la rentrée prochaine ?
Nous visons en effet une application en 2026, mais sans que cela soit fait dans la précipitation. Nous devrons être vigilants pour qu’elle soit appliquée de manière la plus adaptée possible, sachant qu’au-delà de la mise en place nationale, un pan local est à prendre en compte, comme des possibilités d’hébergement territorial pour les étudiants.
La réforme controversée d’entrée dans les études de santé fête ses 5 ans. Quelles sont vos propositions pour améliorer la PASS/LAS ?
Nous portons une évolution sous la forme d’une licence santé. Ce serait une voie commune et unique d’accès aux études de santé (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie et kinésithérapie), qui permettrait, si besoin, de se réorienter vers une autre discipline en cas d’échec. Ainsi, si l’étudiant ne réussissait pas à passer en 2e année de médecine ou de pharmacie, il pourrait se réorienter vers sa seconde discipline, comme le droit. Avec une mention « droit de la santé ».
Une proposition de loi a été déposée au Sénat pour expérimenter une voie d’accès direct en 1re année de pharmacie. Qu’en pensez-vous ?
Nous n’y sommes pas forcément favorables. En effet, nous craignons que cela complexifie les choses, alors que le but de l’évolution des études de santé était de rendre le cursus plus accessible et lisible pour les lycéens. Aussi, nous incitons à intégrer la pharmacie dans un contexte de santé global, en insistant sur le fait que le pharmacien est un professionnel de santé. Nous ne souhaitons pas qu’il soit mis dans des études à part.
Comment faire évoluer l’attractivité de la pharmacie auprès les lycéens ?
La promotion des études de pharmacie fait partie de nos priorités ! Pour cela, nous agissons conjointement avec l’Ordre des pharmaciens et les lycées. Par exemple, les tutorats couvrent 75 % des lycées de France et vont à la rencontre des lycéens pour promouvoir les études de santé.
À la rentrée 2025, les coûts de la rentrée se sont encore envolés pour les étudiants en pharmacie, avec une augmentation de 3 %. Comment lutter contre la précarité étudiante ?
En premier lieu, nous souhaitons, pour tous les étudiants en général, la mise en place d’une réforme des bourses, pour que leur attribution ne dépende plus du revenu des parents. Ensuite, nous militons pour les repas à 1 euro dans les facs, ce qui devrait être possible prochainement pour tous les étudiants. Et, nous demandons l’arrêt de l’indexation de la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) sur l’inflation, car, aujourd’hui, plus les prix dans les supermarchés augmentent, plus la CVEC augmente.
Pour les étudiants en pharmacie, qui ont des frais propres comme le matériel de TP ou les photocopies, les associations étudiantes font énormément de travail pour les aider. Des réflexions sont également en cours pour limiter les frais du concours de l’internat, en 5e année, car l’achat des livres, l’hébergement et le transport pour passer le concours à Rungis coûtent extrêmement cher.
Plus globalement, quelle vision portez-vous pour l’avenir de l’officine ?
Notre objectif est le maintien du maillage territorial et du rôle de santé publique du pharmacien. Dans 10 ans, il faudra qu’il y ait toujours des pharmacies, partout en France, afin de continuer d’assurer un parcours de soins efficace. Notre proposition est donc de repenser de manière globale le fonctionnement de l’officine, en valorisant les nouvelles missions du pharmacien et les actes de prévention, plutôt que de compter sur la rémunération par boîte de médicaments. Les nouvelles missions, c’est aussi ce qui donne envie aux jeunes de faire ce métier.
Qu’allez-vous porter dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026 (PLFSS) ?
Nous resterons force de proposition sur les nouvelles missions, l’interprofessionnalité et la prévention. Par exemple, nous soutenons l’élargissement du projet Osys, avec la prise en charge des rhinites allergiques ou des conjonctivites, ou encore, la prise en charge de certaines missions, comme la prise de tension. Le tout en interprofessionnalité, qui est indissociable des nouvelles missions. ■

