Cap au sud ! L’université de Nice inaugure sa formation de pharmacie

Cette année, un nouveau cursus pharmacie vient d’ouvrir ses portes à Nice. Le Pr Rémy Collomp, chef du pôle pharmacie du CHU niçois et directeur du département de pharmacie de Nice, revient sur ce nouveau cursus interactif.

Pr Rémy Collomp : « Beaucoup d’officines des Alpes‑Maritimes peinent à recruter, notamment l’été. Ce cursus était attendu par les pharmaciens. »

 

Revue Pharma : Quelles sont les spécificités du nouveau cursus de pharmacie de l’Université Côte d’Azur ?

Pr Rémy Collomp : Avec le Pr Emmanuel Chamorey, nous avons souhaité mettre en place une pédagogie innovante au sein du nouveau département de pharmacie. Les filières et la durée des études restent les mêmes, mais l’enseignement associe, dès cette 2e année d’études, théorie et pratique. Volontairement, nous avons limité le format descendant des cours magistraux en proposant des approches pédagogiques actives ainsi que des travaux pratiques et dirigés, qui sont plus interactifs.

Nous nous sommes aussi inspirés des écoles d’ingénieurs en instaurant de la gestion de projets tout au long de l’année, intégrés aux cours. C’est un vrai changement pour les étudiants après la 1ère année commune en santé, marquée par le concours et l’accumulation de connaissances. Ici, nous visons plutôt le raisonnement et les compétences.

 

Sur quel type de projet les étudiants vont-ils travailler cette année ?

En septembre dernier, les étudiants ont participé à un escape game sur le handicap, durant lequel ils ont été mis en situation de personne en situation de handicap ou à mobilité réduite.  À partir de cette expérience, ils doivent proposer un projet concret aux associations partenaires de l’évènement, sur les actions pouvant être mises en place par le pharmacien afin de  faciliter l’inclusion en s’appuyant sur le design thinking [NDLR : processus de conception itératif, centré sur l’utilisateur, qui vise à résoudre les problèmes identifiés de manière créative et innovante]. Ce type d’approche illustre parfaitement ce que nous cherchons : apprendre autrement, en s’impliquant.

 

Comment avez-vous construit la maquette pédagogique ?

Nous avons identifié les besoins exprimés par les professionnels, en leur demandant : « En 2030, quelles compétences attendrez-vous d’un jeune pharmacien ? » C’est à partir de leurs réponses que nous avons bâti la formation, avec comme objectif que les pharmaciens de demain répondent aux besoins du secteur. Depuis trois ans, nous travaillons sur la maquette pédagogique, que nous avons régulièrement présentée à l’Association nationale des étudiants en pharmacie (Anepf). La pédagogie et la structuration de la formation sont d’ailleurs en phase avec le Livre blanc que l’Anepf a publié l’an dernier.

 

Pour quelle raison ouvrir un cursus de pharmacie à Nice ?

Nice est la cinquième ville de France. Nous avions déjà la médecine, la maïeutique, l’odontologie… mais pas la pharmacie. Les étudiants devaient aller à Marseille, ce qui décourageait certains. Or les besoins sont réels, comme le souligne Raphaël Gigliotti, pharmacien et président de la FSPF Alpes-Maritimes : beaucoup d’officines du 06 peinent à recruter, notamment l’été, et la pyramide des âges crée une tension sur les effectifs. Ce cursus était attendu par les pharmaciens, quelle que soit la filière de la région.

 

Attirer davantage de jeunes vers la pharmacie fait aussi partie de vos objectifs ?

Tout à fait. Les lycéens connaissent mal la diversité des métiers. Avec nos étudiants, nous avons identifié près de 60 métiers différents : pharmacien d’officine, hospitalier, industriel, militaire, vétérinaire… Plutôt qu’un simple forum, ils vont enquêter eux-mêmes sur 21 d’entre eux, en rencontrant les professionnels. Puis, ils devront synthétiser ces échanges et les présenter, dans un ouvrage à destination des lycéens. Cela permet ainsi de mieux faire connaître la richesse de la filière et de renforcer l’attractivité.

 

Quels sont vos projets pour les prochaines années ?

Nous avons déjà obtenu l’accréditation pour le 1er cycle. Actuellement, la promotion compte 43 étudiants, mais nous souhaitons atteindre 80 d’ici 2030. En parallèle, nous travaillons sur les années supérieures avec une ambition : proposer des doubles diplômes aux étudiants qui le souhaitent. Avec Polytech ou l’École des Mines de Sophia Antipolis, ils pourront avoir une double compétence ingénieur, et nous collaborons aussi avec l’Edhec pour une orientation commerce et officine. Des savoir-faire essentiels pour préparer l’avenir de la profession. ■