Dans une conjoncture économique complexe, un cadre législatif contraignant et un contexte fiscal incertain et menaçant, les pharmaciens s’interrogent et s’inquiètent.
L’arrêté du 4 août 2025, visant à fixer de nouveaux plafonds de remises accordées aux officines sur les médicaments génériques et biosimilaires, a été la mesure de trop.
Devant la mobilisation massive des pharmaciens, l’arrêté a été suspendu pour une durée de 3 mois.
Tous ces facteurs actuels et conjoncturels ne doivent pas remettre en cause les projets de cession et d’acquisition… mais comment et à quel prix ?
Quels paramètres prendre en compte ?
Le pourcentage de CA HT
Dans ce contexte, comment doivent agir acquéreurs et vendeurs, et quels sont les paramètres à prendre en considération ? Les méthodes d’évaluation d’un Fonds d’Officine sont principalement :
→ Celle par le CA HT, qui consiste à appliquer un % (compris de façon générale entre 70 % et 90 %) au CA HT.
→ Celui-ci doit refléter les 12 derniers mois d’activité, et il est nécessaire d’analyser son évolution depuis le dernier bilan clôturé.
Cette base de CA HT doit être corrigée de plusieurs éléments :
• Les médicaments chers : ils sont en progression constante et viennent perturber la lecture habituelle des ratios de gestion. (cf. Tableaux)
• Le CA lié à des marchés particuliers (Maisons de Retraite, EPHAD, MAS…) qui est souvent pondéré ou retraité.
S’agissant des « produits chers », il convient de retenir ceux à partir de 150 €, car dès cette tranche de prix, le % de marge est très réduit.
On peut considérer qu’actuellement, les médicaments chers représentent désormais entre 38 % et 40 % du CA HT médicaments. Il apparaît donc cohérent d’exclure du CA de référence, la partie supérieure à cette moyenne de 40 %.
→ Compte tenu de l’évolution massive des traitements chers, cette méthode d’évaluation par le CA, devient beaucoup moins pertinente.
L’Excédent brut d’exploitation (EBE)
→ Celle par l’EBE, qui consiste à appliquer un coefficient multiplicateur (compris de façon générale entre 5,5 et 7,5).
Cet EBE, issu des Soldes Intermédiaires du cédant, doit être retraité :
• Du coût du/des titulaires, avec prise en compte du coût d’un adjoint en cas de cotitularité.
• Des charges qui peuvent également faire l’objet d’un retraitement, en fonction de leur volume et de leurs échéances, car à la différence d’un financement par emprunt, ils impactent négativement l’EBE du cédant.
Leur reprise par l’acquéreur devra également être traitée dans le prix.
La marge brute globale
→ La troisième méthode : la Marge Brute Globale :
= (Ventes + Prestations – Achats consommés) * un coefficient multiplicateur (compris de façon générale entre 2,5 et 3).
Ces 3 méthodes feront l’objet d’une synthèse et d’une pondération, pour obtenir une Valeur pour le Fonds de commerce de l’Officine.
Quel impact en cas de baisse de prix et des changements à venir ?
L’impact de l’arrêté sur la baisse des remises génériques interroge sur les projections de valorisation.
La baisse des prix annoncée, sera également un élément à prendre en considération.
L’évaluation de l’officine passera nécessairement par un prévisionnel de reprise, établi pour l’acquéreur par un professionnel, expert-comptable, de façon réaliste.
Dans le contexte actuel, et en retenant pour une officine d’un CA moyen d’environ 1 800 000 €, une projection de baisse de rentabilité de 25 000 €/an cela se traduirait :
• Pour l’évaluation par le CA, sans trop d’incidence, ce qui témoigne encore de l’inefficacité, et obsolescence de cette méthode.
• Pour l’évaluation par la marge, avec une pondération à 2,8, cela se traduirait par une baisse de prix de 25 000 * 2.8 = – 70 000 €.
• Pour l’évaluation par l’EBE, avec une pondération à 6.2, cela se traduirait par une baisse de prix de 25 000 * 6.2 = – 155 000 €.
• Enfin une dernière approche tendrait à retenir qu’avec 25 000 € de baisse de rentabilité brute, soit environ 19 000 € après impôts, et afin de garder la même CAF résiduelle après remboursement d’emprunt : c’est une baisse de -190 000 € du montant emprunté qu’il conviendrait d’envisager (emprunt sur 12 ans à 3 %).
Sans apport supplémentaire, c’est donc une baisse de prix dans ces conditions qu’il conviendrait de retenir.
S’il est illusoire de penser que ces méthodes permettront de fixer le juste prix, il faut toutefois un prix juste, qui satisfera les parties, avec leurs aspirations divergentes.
La prudence pour le repreneur sera de mise, avec la nécessité d’avoir des leviers de croissance.
L’acquéreur devra quant à lui pouvoir être indemnisé correctement du fruit de son travail, en prenant en compte la conjoncture économique actuelle et en projetant objectivement celle à venir… ■



