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Transmission : comment donner sa pharmacie à son enfant ?

Pour des raisons fiscales et humaines, il est préférable de donner, de son vivant, une partie de son patrimoine à ses enfants. Dans le cas du pharmacien, transmettre son officine à ses enfants peut se révéler très avantageux grâce, entre autres, au pacte Dutreil. La question doit tout de même être mûrement réfléchie.

 

Retraite et donation-partage mixte 

« En général, la valeur de la pharmacie, c’est la retraite du pharmacien. Mais quand on donne à ses enfants, on ne reçoit rien…, met en garde Thomas Crochet. Afin de garder un pécule pour ses vieux jours, le pharmacien donateur peut choisir de faire un mix entre vente et donation ». Cela peut être une vente soit à l’enfant pharmacien, soit à un tiers si l’enfant veut partager la pharmacie. « Cela est très technique, souligne Olivier Delétoille, et ce n’est possible qu’en société, car il faut partager en parts sociales. Si vous n’êtes pas en société, il faut prévoir du temps pour changer de statut ».

 

« Cest à 30-40 ans qu’on a besoin de l’aide de ses parents, pas à 70 ans », remarque Maître Thomas Crochet, avocat au cabinet Officiis, spécialisé dans le conseil aux pharmaciens. D’ailleurs, l’État encourage la donation, en ne prélevant pas de taxe tant que le don est inférieur à 100 000 euros par enfant et par parent, tous les 15 ans. Au-dessus de ce montant, une taxation progressive se met en place. La donation est aussi une façon de régler les problèmes de succession de son vivant. En effet, ce n’est pas quand ils sont endeuillés que les enfants sont les plus à même de la régler.

Pour le pharmacien titulaire se pose la question de l’officine. En particulier si l’un des enfants est lui-même pharmacien. Il est possible de transmettre l’officine, sans spolier les autres enfants, et en évitant de nombreuses taxes. Explications.

 

La donation-partage, indispensable pour l’entreprise

« Contrairement à la donation “classique”, la donation-­partage permet de donner plusieurs biens, à tous ses enfants, et de manière égale. De plus, les valeurs des biens seront figées au moment de la donation », explique Me Crochet.

Si aucun des enfants du pharmacien donateur n’est pharmacien, on suit un dispositif classique : « Je vends ma pharmacie, puis je donne les fruits de la vente à mes enfants. Je vais passer deux fois par la case impôts : lors de la vente, en payant les impositions sur la plus-value, puis en payant des droits de donations », détaille Thomas Crochet. Ces derniers peuvent être parti­culièrement élevés si la donation est importante.

Si l’un des enfants est pharmacien, la donation-partage permet de donner la pharmacie en tant que société ; cela est fiscalement beaucoup plus avantageux. « La pharmacie représente souvent une part importante du patrimoine et pour que les parts soient égales entre les enfants, il existe un mécanisme : la soulte », explique l’avocat.

La soulte permet effectivement à l’enfant pharmacien qui recevra la pharmacie, d’indemniser ses frères et sœurs afin que les parts soient égales (voir exemple). Cela signifie tout de même que le jeune pharmacien devra s’endetter pour payer la soulte…

 

Pacte Dutreil, et autres intérêts de la donation-partage

Néanmoins, en contrepartie, la famille va pouvoir bénéficier de plusieurs avantages, dont le Pacte Dutreil. « C’est-à-dire que les droits de succession sur une donation d’entreprise sont réduits de trois quarts. En plus de cela, s’ajoutent les 100 000 euros de donation non taxée par parent et par enfant. Pour une pharmacie d’un million, il n’y aura quasi rien à payer », explique Olivier Delétoille, expert-comptable au cabinet Adequa. En contrepartie, il faut que l’enfant pharmacien s’engage à poursuivre l’exploitation de l’entreprise pendant un certain nombre d’années (de 4 à 6 ans).

La donation-­partage a un autre intérêt : « en donnant votre pharmacie à vos enfants, vous purgez la plus-value », ajoute Olivier Delétoille. Ainsi, si votre officine a pris de la valeur depuis que vous l’avez achetée, le fardeau de la taxe sur la plus-value saute pour vos enfants. Un dernier avantage mérite d’être souligné, selon l’expert-­comptable : « avec une donation-partage, on passe outre les droits d’enregistrement du fonds de commerce, qui sont de 3 à 5 % ».

Grâce à la soulte, tous les enfants, même si on ne compte qu’un seul pharmacien dans la fratrie, bénéficieront des abattements. « En faisant une donation-partage, j’assure l’équilibre économique entre mes enfants, je prépare ma succession en éteignant de potentiels conflits, et je paye le minimum de droits de donation », résume ainsi Maître Crochet. Si le tableau semble idyllique, après avoir rempli les nombreuses conditions, il n’empêche que le véritable danger n’est pas fiscal, mais humain.

 

Trouver l’entente

Une succession n’est pas qu’une affaire de notaire et de fiscaliste, c’est surtout une affaire de famille. « On estime que c’est 80 % d’humain et 20 % de technique. J’ai vu des parents rouler les enfants et j’ai vu les enfants rouler les parents, relate Olivier Delétoille. Il peut y avoir des larmes, des ressentiments… La prudence est de mise, car des choses ressortent ».

Dans le cas de la transmission d’une pharmacie, des rancœurs peuvent prendre le pas, entre les parents et enfants, entre les enfants, notamment autour du métier de pharmacien, de la réussite personnelle de chacun, etc. « Il existe bien une égalité de traitement juridique et financière, mais la réalité est que les enfants, selon s’ils sont pharmaciens ou pas, ne vont pas recevoir la même chose », souligne Maître Crochet.

Il faudra aussi se demander si l’avantage fiscal ne prend pas le pas sur les volontés de chacun, que le jeune pharmacien ne se retrouve pas « piégé » dans la pharmacie familiale.  « La transmission doit se faire sur le temps long. Trois ou quatre ans avant, il faut la préparer, prendre le temps de discuter, de comprendre les uns et les autres, et avoir une stratégie de sortie », conclut Olivier Delétoille. ■