« En choisissant le modèle coopératif, le pharmacien garde son indépendance »
Revue Pharma : Comment accompagnez-vous les futurs pharmaciens installés ?
Bruno Robert : Cela fait maintenant 13 ans que nous avons mis en place chez Giphar une équipe dédiée à l’accompagnement entrepreneurial des pharmaciens. À l’époque, c’était assez unique dans le secteur, et aujourd’hui encore, il n’existe pas vraiment d’équivalent. Il s’agit d’une équipe dont le métier à temps plein est d’aider les pharmaciens à devenir chefs d’entreprise : à la fois en amont, durant ses études et au moment où il va vouloir devenir titulaire. Puis une fois qu’il est devenu propriétaire de son officine, nous allons accompagner notre adhérent dans son développement et sa stratégie d’investissement.
À quel moment débute l’accompagnement ?
Nous intervenons très tôt, dès la fac, parce que l’on sait que la dimension entrepreneuriale est très peu traitée dans le cursus universitaire. On a donc mis en place des actions pour combler ce manque : des formations, des publications, des afterworks avec nos partenaires – experts-comptables, juristes, spécialistes RH – et surtout, notre format phare : les séminaires d’installation. Nous en organisons six par an.
Ce sont deux jours de séminaire intenses, le premier axé sur les fondamentaux de la gestion, du management et du pilotage d’une officine. Nous permettons aussi la rencontre avec des partenaires conseils et experts. Le deuxième jour, nous travaillons sur un cas pratique complet, dans un format convivial et très participatif pour vivre toutes les étapes d’un projet d’installation.
Et quand les jeunes pharmaciens se lancent pour de bon ?
Nous leur offrons un accompagnement à chaque niveau : analyse de documents, relecture des bilans, étude de la zone de chalandise, de l’environnement médical et concurrentiel… Nous faisons aussi la préparation du prévisionnel avec eux, et le montage financier. On est à leurs côtés du début à la fin, jusqu’à la signature. Et même après, d’ailleurs.
Proposez-vous également un accompagnement financier ?
Oui, nous avons noué des partenariats bancaires solides pour booster les apports. Mais nous allons plus loin que ça. Des titulaires Giphar investissent dans des projets portés par de jeunes confrères. Nous structurons ça dans une logique coopérative, saine, avec des montages équilibrés. Et travaillons aussi sur de nouvelles solutions pour compléter les apports, qui devraient arriver bientôt.
Quels outils différenciants proposez-vous ?
Giphar est une coopérative construite par et pour les pharmaciens, eux-mêmes indépendants. C’est pour consolider cette indépendance que les pharmaciens ont souhaité se doter d’une logistique en propre qui va du laboratoire à l’officine. Aujourd’hui, nous avons 4 plateformes logistiques. Concrètement, ça veut dire que nos pharmaciens adhérents peuvent recevoir jusqu’à 90 % de leurs besoins grâce à une seule commande et dans un seul camion, en commandant le soir et en étant livrés avant l’ouverture. C’est deux heures de gagnées chaque jour ! Soit quasiment un jour par semaine, qui pourra être consacré, tout en ayant sécurisé la partie économique, la marge, soit à l’animation de leur équipe, par exemple, pour qu’elle soit plus performante et plus épanouie, soit à l’interprofessionnalité ou à la mise en œuvre des missions de santé.
Au-delà de cette centrale d’achat, l’autre intérêt de notre enseigne c’est le développement de notre marque propre. Nous proposons une gamme de produits MDD, à la fois sains et plutôt premium, sous notre marque « Laboratoire Giphar », avec des marges autour de 50 %, et pensée pour le pharmacien.
Le métier évolue, quelle est votre vision sur le développement des missions ?
La santé fait partie intégrante de l’ADN de Giphar et ce depuis sa création… nous sommes moteurs sur la santé. Nous organisons des temps forts santé qui permettent aux pharmaciens et à leurs équipes de jouer pleinement leur rôle d’acteur de santé de proximité.
Pour cela ils bénéficient d’un accompagnement complet : formation, un poster placé en back office qui reprend tant les chiffres clés de la thématique, des supports de théâtralisation des pharmacies – depuis la vitrine vidéo en passant par des PLV incitant au dialogue et dynamisant le point de vente – et des remis patients et des remis pharmaciens pour leur faciliter la prise en charge et l’accompagnement.
Ces temps forts soutiennent à la fois les missions de santé, par exemple nous avons distribué 11 000 kits de dépistages du cancer colorectal en mars dernier, mais aussi des moments spécifiques, comme les 6 jours du cœur sur la sensibilisation aux risques cardio-vasculaires : 14 000 dépistages de l’hypertension réalisés en 2024 dans les officines Giphar, en partenariat avec la Fondation pour la recherche sur l’hypertension.
Giphar est également une coopérative, quel est l’avantage d’un tel modèle selon vous ?
L’intérêt individuel est au même niveau que l’intérêt collectif : cette équation, c’est le reflet de l’esprit coopératif. En choisissant le modèle coopératif, le pharmacien garde son indépendance, tout en prenant part aux décisions et aux orientations stratégiques du groupement. Ce sont les pharmaciens qui gouvernent, via des commissions et des votes.
La coopérative Giphar a été constituée notamment pour pouvoir construire une boîte à outils. Et au fur et à mesure, la boîte à outils s’est étoffée, ce qui fait qu’à la fin des années 1990, le groupement était déjà le premier réseau avec une identité commune, avec une enseigne commune.
Giphar est une coopérative, ce qui veut dire que 100 % de l’actionnariat est détenu par les pharmaciens eux-mêmes. Et surtout, la majorité des résultats leur sont reversés chaque année. Nous n’avons pas d’actionnaires externes à rémunérer, tout reste au bénéfice du pharmacien.
Est-ce aussi un atout face à l’entrée des fonds d’investissement dans la pharmacie ?
On ne peut pas faire comme si ça n’existait pas. Les prises de participation, les associations avec des investisseurs, peuvent avoir du sens dans certains cas, mais il faut que ce soit bien encadré. Nous, nous aidons nos adhérents à structurer ces montages pour qu’ils restent maîtres chez eux. Durée de l’association, répartition du capital, gouvernance… On veille à ce que les montages financiers soient équilibrés. Le modèle coopératif, c’est aussi ça : un cadre qui protège. •