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Bientôt un vent nouveau pour le cannabis thérapeutique ?

Alors que 22 pays européens ont déjà autorisé l’usage du cannabis médical, la France tarde encore à faire entrer le cannabis thérapeutique dans le droit commun. Récap’.

Une soixantaine de pays autorisent le cannabis médical dans le monde 

Le cannabis médical est légal dans plusieurs pays à travers le monde, mais avec des réglementations extrêmement différentes d’un état à l’autre. Aux États-Unis, la Californie a ouvert la voie dès 1996, suivie désormais de 33 états américains. En Europe, 22 pays autorisent l’utilisation médicale du cannabis. Parmi les pionniers figurent les Pays-Bas (2003), l’Allemagne (2017), suivis par l’Italie et le Royaume-Uni ou encore le Portugal en 2018. En dehors de l’Europe, Israël a autorisé le cannabis médical dès 2007, tandis que le Canada l’a légalisé à des fins médicales en 2001, avant de le légaliser complètement en 2018.

 

On l’avait presque oubliée. Entre une incertitude politique et sociale et un PLFSS rejeté, l’expérimentation du cannabis thérapeutique en France semblait sortie des radars. Initiée en mars 2021 dans les officines, la délivrance expérimentale de cannabis médical devait prendre fin en mars 2024, pour entrer – ­enfin – dans le droit commun. Une date limite repoussée au 31 décembre 2024.

Depuis ? Plus rien, du moins jusqu’au 20 mars dernier. En effet, pour faire entrer le cannabis médical dans le droit commun en France, le gouvernement devait impérativement réaliser une démarche administrative à l’échelle européenne. « Pour certains textes règlementaires qui ont un impact sur la libre circulation des produits, les états membres ont l’obligation de les notifier à la Commission européenne, avant leur publication », détaille Caroline Arrighi-Savoie, avocate chez Bird & Bird.

 

Une nouvelle étape franchie

Finalement, ces décrets ont été transmis par le gouvernement tricolore à l’Europe le 20 mars dernier. Une avancée majeure pour la généralisation de l’usage du cannabis thérapeutique en France. Ces textes définissent ainsi le cadre de production et d’autorisation du cannabis à usage médical, mais également les « critères de qualité et de sécurité des médicaments à base de cannabis » et « les modalités de culture du cannabis à usage médical sur le territoire national », souligne le ministère de la Santé.

Dès lors, « la Commission européenne entame une période d’évaluation de 3 mois jusqu’à la fin juin 2025, période pendant laquelle la Commission et les états membres peuvent faire des commentaires », poursuit Caroline Arrighi-Savoie. En l’absence d’objection de la part de l’Europe, « ces textes pourraient être publiés dans les prochains mois, après leur examen par le Conseil d’État », espère pour sa part l’avenue de Ségur.

En attendant, le ministère a accordé la prolongation de la prise en charge du cannabis médical pour les patients déjà inclus dans l’expérimentation. Et ce, jusqu’au 31 mars 2026 pour éviter une interruption brutale de traitement.

« Comme lors de l’expérimentation, l’accès au cannabis à usage médical sera strictement restreint en dernière ligne de traitement, sur prescription hospitalière initiale, dans des indications et situations cliniques pour lesquelles l’efficacité est présumée selon l’ANSM », précise le ministère.

Une nouvelle prolongation dans la saga du cannabis thérapeutique en France, débutée il y a maintenant plus de 6 ans. Retour en arrière.

 

Évaluer la délivrance

En mars 2021, les premiers patients sont inclus dans l’expérimentation de délivrance du cannabis médical, 3 ans après la création d’un comité scientifique pluridisciplinaire sur le sujet par l’ANSM. L’idée ? Il s’agit non pas d’évaluer médicalement l’intérêt du cannabis dans certaines pathologies, mais de tester le circuit de prescription et de délivrance en vie réelle.

Cinq grandes indications ont été retenues pour inclure les patients dans cette expérimentation : la douleur neuro­pathique réfractaire, la spasticité douloureuse dans la sclérose en plaques, l’épilepsie pharmaco­résistante, les soins de support en oncologie et les soins palliatifs.

Pour délivrer, les officinaux devaient avoir été formés par l’ANSM sur la pharma­cologie du cannabis, ses modes d’administration, sa délivrance ou encore ses effets indésirables. Depuis son lancement en 2021, 3 035 patients ont rejoint l’expérimentation, dont 1 842 qui continuent d’être suivis et traités aujourd’hui. Côté officines, elles sont plus de 700 officines à avoir été formées à délivrer.

Durant les 2 premières années de l’expérimentation, tous les médicaments à base de cannabis utilisés étaient classés comme stupéfiants. La 3e année, seuls les médicaments contenant plus de 0,3 % de THC ont finalement été rangés du côté des stup’.

 

Quid du remboursement ?

Alors que la fin de l’expérimentation était prévue en mars 2024, les parlementaires ont instauré un nouveau régime pour le cannabis thérapeutique, en vue de son entrée dans le droit commun. En décembre 2023, « la LFSS a instauré un régime ad hoc pour les spécialités à base de cannabis médical, car ce ne sont pas des médicaments classiques et il n’existe pas beaucoup de données les concernant. Ce régime accorde donc une autorisation de mise sur le marché temporaire, d’une durée de 5 ans pour les médicaments à base de cannabis thérapeutique », relate Caroline Arrighi-Savoie.

Cette autorisation délivrée par l’ANSM sera renouvelable par période de 5 ans. Pour l’heure, en l’absence de données cliniques, ce sont la qualité et la sécurité des produits qui seront prises en compte.

Reste la question du remboursement. La Haute autorité de Santé (HAS) vient d’être saisie sur le sujet par le ministre de la Santé, Yannick Neuder. « Son avis, attendu dans les prochains mois, conditionnera l’éventuelle prise en charge, c’est-à-dire le remboursement ou non, ainsi que le taux de remboursement le cas échéant de ces médicaments par l’Assurance maladie », précise le ministère.

Lors de l’expérimentation, si les patients inclus n’avançaient aucun frais, les traitements à base de cannabis étaient soit fournis gratuitement par les industriels, soit achetés par l’État.

Prolongation de l’expérimentation, retard… Finalement, les industriels, eux aussi, sont dans le flou. « Laboratoires pharmaceutiques ou autres acteurs du domaine du cannabis, tous sont dans une vraie incertitude », constate ainsi Félicien Bardsley, avocat associé chez Bird & Bird qui souligne que « dans le monde, le marché est à plusieurs vitesses. Les États-Unis ont 15 ans d’avance sur la France, l’Allemagne 4 ans, et il y a eu beaucoup de rétropédalage ». Un paradoxe alors que la France est « l’un des principaux producteurs de chanvre en Europe », indique Félicien Bardsley. ■