Les patients sont nombreux à se tourner vers l’officine pour des conseils de santé lorsqu’ils prévoient un séjour à l’étranger, a fortiori s’ils partent hors Union européenne. La Revue Pharma fait le point sur les compétences du pharmacien en matière de vaccination, dans le cadre d’un départ en voyage.
90 %
des pharmaciens seraient intéressés pour proposer les vaccinations dans le cadre d’un voyage au sein de leur pharmacie.
Source : Ipsos Healthcare pour Valvena
Un projet de voyage est une opportunité pour vérifier le statut vaccinal
La mise à jour des vaccinations obligatoires et recommandées en France dans le calendrier vaccinal, que ce soit pour les adultes ou les enfants, est la première étape du programme de vaccination devant être établi pour chaque voyageur, d’autant que certaines des infections visées peuvent être endémiques dans le pays de destination. Ainsi, cette mise à jour est particulièrement importante contre la diphtérie (qui circule encore dans certaines régions du monde), le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, et elle est essentielle pour la rougeole du fait des reprises épidémiques de grande ampleur en France, en Europe, et dans le reste du monde.
Pour rappel, le pharmacien, préalablement formé, est autorisé à prescrire et administrer, en plus des vaccins contre la grippe et le Covid-19, les vaccins non-vivants ou vivants atténués du calendrier vaccinal, aux personnes âgées de 11 ans et plus (dès l’âge de 5 ans pour le Covid), ciblées par les recommandations vaccinales. Dans le cas des vaccins vivants atténués pour les personnes immunodéprimées, le pharmacien peut seulement les administrer.
La vaccination des voyageurs n’entre pas dans le champ de compétences des pharmaciens
La réglementation ne permet pas aux pharmaciens de prescrire ou administrer une vaccination dans le cadre d’un départ en voyage. Prenons l’exemple du vaccin contre l’hépatite A : le pharmacien n’est autorisé à prescrire et injecter le vaccin seulement dans le cadre des recommandations du calendrier vaccinal, mais pas en prévision d’un voyage pour lequel cette vaccination est préconisée.
Vaccins recommandés selon la destination et les risques encourus
→ Fièvre typhoïde, encéphalite à tiques, leptospirose, monkeypox, rage : dans certains pays et certaines conditions de voyage (séjour prolongé ou aventureux, zones rurales ou forestières, régions isolées ou dont le niveau d’hygiène est faible, pratique d’activités à risque d’exposition…).
À noter :→ Encéphalite à tique : risque négligeable en cas de séjour urbain strict et en l’absence de consommation d’aliments à risque (à base de lait non pasteurisé). → Leptospirose : exposition faible si la durée de séjour est limitée et les activités en eau douce peu intenses. → Mpox : en préexposition, quelle que soit la destination, aux personnes à très haut risque. → Rage : chez les jeunes enfants dès qu’ils marchent, pour les zones à risque. |
→ Encéphalite japonaise : dans les pays à risque de transmission (Asie et Pacifique occidental), excepté le plus souvent pour les voyages se limitant aux grandes villes.
→ Hépatite A : à partir d’un an pour tout séjour dans un pays où le niveau d’hygiène est précaire, quelles que soient les conditions ; tout particulièrement en cas de maladie chronique du foie ou de mucoviscidose.
→ Hépatite B : chez les voyageurs non immunisés pour des séjours fréquents ou prolongés dans les pays à forte ou moyenne prévalence du portage chronique du virus.
→ Infections invasives à méningocoque (IIM) : dans les zones d’endémie, notamment en Afrique subsaharienne, au moment de la saison sèche (hiver et printemps) ou dans toute autre zone où sévit une épidémie, dans des conditions de contact étroit et prolongé avec la population locale.
→ Tuberculose (BCG) : pour les enfants en cas de séjours fréquents ou supérieurs à un mois dans les pays à forte incidence.
Obligations et recommandations vaccinales des pays de destination
→ Fièvre jaune : indispensable pour un séjour dans une zone endémique (régions intertropicales d’Afrique et d’Amérique du Sud) ou épidémique, même en l’absence d’obligation administrative ; disponible dans les centres de vaccination anti-amarile ; attesté par la délivrance d’un certificat international de vaccination.
→ IIM (ACWY et B) : recommandé par certains pays, obligatoire pour l’obtention d’un visa pour le pèlerinage en Arabie saoudite et attesté par le certificat international de vaccination.
→ Poliomyélite : recommandé pour un séjour de 4 semaines ou plus à destination de tous les états où circulent le polio-virus sauvage et les poliovirus dérivés de souches vaccinales.
→ Covid-19 : vérifier les conditions d’entrée dans le pays de destination ; schéma vaccinal complet exigé pour les pèlerins se rendant à la Mecque.
« Nous devrions être autorisés à réaliser certains vaccins nécessaires à un voyage. » Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats des pharmaciens d’officine (USPO) Revue Pharma : Actuellement, le pharmacien ne peut pas vacciner dans le cadre d’un voyage. Ses compétences vaccinales devraient-elles être étendues au voyageur ? Pierre-Olivier Variot : Oui, absolument. Nous devrions être autorisés à réaliser certains vaccins nécessaires à un voyage. D’autant que la majorité de la profession est désormais engagée dans la vaccination contre les pathologies recommandées dans le calendrier vaccinal et que les patients ont maintenant l’habitude de venir chez leur pharmacien pour se faire vacciner. D’ailleurs, beaucoup ne comprennent pas pourquoi nous n’y sommes pas habilités. Par exemple, je peux mettre à jour une vaccination contre l’hépatite B chez un professionnel de santé mais pas vacciner son conjoint s’ils ont prévu de partir en voyage, ce qui est dommage. Avez-vous interpellé les autorités de santé sur ce sujet ? Nous sommes actuellement en discussion avec le ministère de la Santé pour inscrire la vaccination du voyageur dans la réglementation, du moins la vaccination simple comme celle contre les hépatites. Cette extension de compétences n’intègrerait pas les autres vaccinations telles que celles ciblant les encéphalites. Existe-t-il des points d’achoppement qui empêchent la conclusion d’un accord ? Non, il n’y a pas d’obstacle dans l’absolu. Reste la volonté du ministère d’avancer rapidement sur ce sujet de l’élargissement de nos compétences vaccinales au voyageur. Nous espérons qu’une disposition sera prise en 2025, qui nous permettra alors de vacciner dans le cadre d’un départ en voyage, et non plus seulement dans celui des recommandations du calendrier. |