Revue Pharma : Fin février, vous avez été reçus par Yannick Neuder. De quoi avez-vous parlé ?
Valentin Masseron : Le 25 février, nous avons été reçus au ministère de la Santé par Yannick Neuder, aux côtés des fédérations qui représentent des étudiants et des internes en santé. Cette réunion avait pour objectif de partager les préoccupations majeures des étudiants en santé, tous cursus confondus. En effet, quelles que soient les études suivies, les constats convergent : orientation floue, précarité étudiante grandissante, santé mentale à rude épreuve, et une formation parfois trop théorique, qui peine à évoluer avec les moyens alloués à l’enseignement supérieur. La précarité étudiante a occupé une large place dans nos échanges. Un étudiant en pharmacie sur deux déclare exercer un emploi en parallèle de ses études, et 30 % des étudiants se restreignent sur leurs dépenses alimentaires. Ces situations pèsent sur la réussite et la santé des étudiants, qui sont pourtant les soignants de demain.
Le bien-être et la santé mentale ont aussi été abordés. Les résultats du Grand Entretien 3.0 confirment l’ampleur de la crise : 38 % des étudiants en pharmacie déclarent souffrir d’un stress important, et un étudiant sur dix évoque des symptômes dépressifs. Ce mal-être, souvent invisible, s’ajoute à une formation jugée déconnectée des réalités du terrain. Finalement, ces problématiques communes sont toutes liées. Il s’agit des conséquences d’une orientation floue et précipitée : ainsi, un étudiant entre dans les études d’une filière de santé sans garantie qu’elles correspondent à ses attentes. Ces réunions, qui doivent être pérennisées, sont essentielles. Mais au-delà des constats, la question reste ouverte : quelle place le gouvernement souhaite-t-il réellement accorder à la parole étudiante dans l’évolution des études de santé ?
Selon votre Grand Entretien, 26 % des étudiants en pharmacie souhaitent une intégration du patient dans la formation. Comment cela pourrait-il se matérialiser ?
Depuis plusieurs années, l’Anepf défend l’intégration du patient dans la formation des étudiants en pharmacie. Cela permet aussi de sensibiliser les futurs pharmaciens à une approche plus humaine, donc centrée sur la personne soignée. En 2023, nous avons d’ailleurs publié, en partenariat avec France Assos Santé, un guide pratique dédié à cette thématique. Ce document propose trois modalités concrètes pour impliquer les patients :
• Le patient témoignant, qui partage son vécu lors d’un cours ou d’un échange avec les étudiants.
• Le patient intervenant, qui mobilise son expérience personnelle pour en tirer une analyse plus approfondie. Il agit alors dans le cadre d’un atelier ou d’une simulation, en portant une parole à la fois individuelle et collective.
• Le patient co-enseignant, qui construit et dispense le cours avec les enseignants, apportant une expertise vécue complémentaire.
80 % des étudiants ont du mal à se concentrer en cours magistraux. Que proposez-vous pour plus d’interactivité ?
En effet, depuis 2018, la proportion d’étudiants ayant des difficultés de concentration en cours magistraux est passée de 50 % à plus de 80 %. Ce constat interroge la pertinence de ce format d’enseignement, qui ne semble plus répondre aux besoins d’apprentissage des étudiants. Face à cela, l’Anepf plaide depuis plusieurs années pour des formats plus interactifs : des cas concrets, renforcer la simulation virtuelle, ou encore intégrer des serious games. Certaines facultés ont déjà amorcé cette transition, en créant des scénarios immersifs où les étudiants doivent résoudre des situations proches de leur futur exercice -professionnel. ■