Viagra : de la pilule bleue au film orodispersible

Véritable blockbuster, le Viagra s’offre une nouvelle galénique en 2025. Retour sur son histoire atypique.

 

L’effet secondaire « miracle »

Aux côtés de la découverte de la pénicilline, l’histoire du Viagra est l’un des plus célèbres cas de sérendipité recensé dans l’industrie pharmaceutique. En effet, avant d’être un célèbre traitement des troubles érectiles, le citrate de sildénafil, mis au point par le laboratoire Pfizer au début des années 1990, était d’abord envisagé pour traiter l’angine de poitrine. Très rapidement, les premiers essais montrent que l’effet vasodilatateur espéré sur les artères coronaires est trop faible pour envisager une mise sur le marché dans le traitement de l’angor. Surtout, les chercheurs remarquent un effet secondaire surprenant chez plusieurs participants : une stimulation de l’érection, qui persiste parfois jusqu’à plusieurs jours après la prise du médicament. Eurêka ! Pfizer réoriente ses recherches vers la dysfonction érectile, jusqu’alors assez mal traitée pharmacologiquement.

 

Un carton planétaire pour Pfizer

La mise sur le marché du Viagra prend des allures de success story pour le laboratoire américain. Autorisée aux États-Unis au printemps 1998, l’année suivante en Europe, puis, dans la foulée en Asie et dans le reste du monde, la pilule bleue fait un carton partout où elle est commercialisée. Très vite, ses ventes dépassent le milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel. Au fil des ans, elle devient l’un des fers de lance du laboratoire. Elle marque aussi la fin du tabou autour des troubles de l’érection, notamment via plusieurs spots publicitaires, dont l’un célèbre avec le footballeur Pelé diffusé en 2002, année de Coupe du monde. Sa couleur bleu vif et sa forme en losange la rendent reconnaissable de tous, et participent aussi grandement à sa popularité. 

 

Le roi de la contrefaçon

Revers de la médaille pour Pfizer, ce succès fulgurant fait des envieux. Très vite, le Viagra devient l’un des médicaments les plus contrefaits au monde. Le laboratoire lutte, appose des encres à colorations variables sur les étuis de ses boîtes – comparables à celles des billets de banque -, les équipe d’étiquettes « intelligentes » pour une meilleure traçabilité – sur le marché américain uniquement -, change le système de fermeture de ses boîtes pour faciliter le contrôle de l’intégrité. Néanmoins, les cas de saisies de fausses pilules par les douanes inondent les rubriques faits divers. Sans compter l’arrivée d’internet qui accentue encore le phénomène. Les boîtes mail se remplissent de fausses annonces pour se procurer la pilule miracle sans ordonnance, à des tarifs défiant toute concurrence. Pfizer réagit encore, et lance en 2013 aux États-Unis viagra.com, un site pour commander le traitement en ligne, sur présentation d’une ordonnance valide. 

 

La guerre des stimulants sexuels

Évidemment, la poule aux œufs d’or attise aussi la convoitise de la concurrence. En 2013, Pfizer et Teva trouvent un terrain d’entente après plusieurs années de litige. En échange d’une contrepartie financière, le laboratoire génériqueur pourra commercialiser aux États-Unis sa version du Viagra quelques années avant l’expiration du brevet, prévue en 2020 outre-Atlantique. En France, le brevet tombe dans le domaine public en 2013. Auparavant, le sildénafil s’est heurté à l’arrivée de plusieurs concurrents issus de la même classe pharmaceutique : Cialis, Levitra et plus récemment Spedra.  

 

Désormais en film orodispersible

Fort d’une histoire atypique, plus de 20 ans après sa commercialisation, le Viagra s’offre une nouvelle galénique sous forme de films orodispersibles. Ainsi, le laboratoire Viatris, né de la fusion de Mylan et d’une branche de Pfizer, commercialise ce nouveau traitement, pour le moment uniquement disponible au dosage de 50 mg en boîtes de 8 ou 12 sachets unitaires. Sur liste 1 et non remboursé, ce film doit être pris à jeun – la nourriture peut retarder l’absorption et diminuer l’effet – environ une heure avant l’activité sexuelle. Le début d’action médian est de 25 minutes. Comme pour les comprimés, une stimulation sexuelle est requise pour que le traitement soit efficace. À noter qu’une autre spécialité à base de sildénafil orodispersible existe déjà : Xybilun 50 et 75 mg. ■