De gauche à droite : Ilan Rakotondrainy et Valentin Masseron. (©ANEPF)
Attractivité des études, santé mentale, enseignement… Six ans après la publication de son dernier baromètre, l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) a livré l’état général de ses troupes à l’occasion de la publication de son « Grand Entretien 3.0 » le 3 février.
Une enquête, fruit de plusieurs années de travail pour l’association, menée auprès de 3 800 étudiants des 24 facs de pharma tricolores à l’hiver 2024. « Ce rapport livre avant tout la parole objective des étudiants en pharmacie, afin d’être une ressource pour les doyens, les ministères ou l’Ordre », souligne Ilan Rakotondrainy, président de l’Anepf.
Le gros carton de l’officine
Et le premier enseignement est une bonne nouvelle pour l’officine ! Le parcours officinal attire de plus en plus de jeunes, avec 41 % d’entre eux qui souhaitent – ou sont déjà filliarisés – dans le parcours officine. « C’est 11 points de plus qu’en 2018 ! », constate Valentin Masseron, porte-parole de l’Anepf, pour qui « l’élargissement des missions, la vaccination, les entretiens pharmaceutiques, la prescription d’antibiotique tout comme la place de l’officine pendant la crise Covid ont participé à l’attractivité de ce parcours ».
À l’inverse, les parcours internat et industrie dégringolent entre 2018 et 2024, avec respectivement une perte de 11 et 8 points. Comment expliquer cette baisse ? Certainement par méconnaissance de ces métiers, avance l’Anepf, alors que 11% des jeunes se déclarant indécis sur leur orientation.
Le bon score de l’officine sonne toutefois comme une bouffée d’air frais pour le réseau, tout comme les places vacantes en deuxième année de pharmacie qui se cessent de réduire, passant de 1 000 en 2022 à moins de 3 00 en 2024. « Elles diminuent fortement, mais ne sont pas totalement éradiquées. Il devient nécessaire de mieux faire connaitre la diversité des métiers de pharmacien », a réagi Marie Daudé, directrice générale de l’offre de soin (DGOS).
La santé mentale des étudiants à la peine Stress, épuisement, dépression, isolement… Un quart des étudiants en pharmacie se disent insatisfaits de leur état de santé. Leur santé mentale est particulièrement impactée ; 38 % des futurs pharmaciens affirment avoir déjà souffert d’un stress intense. Un chiffre en hausse. Aussi, 27 % souffrent d’épuisement, 14 % de dépression et 10 % déclarent une perte ou une prise du poids pendant leurs études. En conséquence, « 18 % des sondés disent avoir augmenté leur consommation de médicaments, avec en tête les antidouleurs, les anxiolytiques et les somnifères », poursuit Valentin Masseron, qui réclame notamment la mise en place d’un rendez-vous obligatoire une fois par an auprès d’un soignant du service de santé étudiante. |
Psychologie, formation aux LGO, comptoir : un enseignement à revoir !
Second constat du Grand Entretien, cinglant cette fois-ci : le contenu des enseignements semble de moins en moins adapté à l’évolution du métier de pharmacien. 88 % des étudiants en pharmacie estiment ainsi que leur formation ne les prépare pas totalement à leur futur exercice.
En tête de file de la contestation : l’absence de formation sur le comptoir, pour 48% des étudiants, et le manque de cas pratiques. Mais aussi – critique récurrente – le manque de formation en management, en gestion d’entreprise, ou en LGO. Une étudiante réclame par exemple d’être formée sur la « prise en main des logiciels de gestion tels que Winpharma, SmartRx… Au moins les plus utilisés. Sous forme de TP avec différentes situations. Cela pourrait nous permettre d’être plus efficaces pendant les stages notamment ».
« Il manque aussi des cours de psychologie, car nous sommes au contact de patients vivant de nombreuses choses (décès, annonces de maladies…). Les cours de psychologie normalement enseignés à la fac sont trop éloignés de la réalité », poursuit une étudiante nantaise en 5e année.
La mise en place de la R3C : une urgence
L’Anepf demande ainsi urgemment la mise en place de la réforme du troisième cycle (R3C), dont l’objectif est justement de rapprocher les enseignements de la pratique de terrain. « Notre objectif est de professionnaliser notre formation », rappelle Valentin Masseron. Attendue depuis 8 ans, la réforme prévoit d’allonger le stage de 6e année en officine, tout en revalorisant la rémunération des stagiaires, et en leur offrant une indemnité forfaitaire de transport.
« L’application de la réforme du troisième cycle est notre priorité numéro 1 », martèle Ilan Rakotondrainy. Si les discussions avec le ministère de la Santé et de l’Enseignement supérieur se poursuivent, la mise en place de la réforme promise pour la rentrée 2025/2026 reste suspendue au contexte politique chahuté.