De la toile à l’officine : ces petites marques qui passent d’Insta à la pharma

Depuis les années 2010, et surtout depuis le Covid, des gammes nées sur les réseaux sociaux débarquent sur les rayonnages des officines. Des petites marques qui peuvent dynamiser l’image de la pharmacie et attirer de nouveaux clients, à condition de bien les sélectionner. 

200 marques françaises digitales natives de dermocosmétique et de compléments alimentaires ont été lancées depuis 2019. 

 

Exemples de «marques Insta » : Les Petits Prödiges, Hydratis, MyVariations. DROITS RÉSERVÉS

 

Le profil des Indie Brand

Dans le secteur de la beauté et des cosmétiques, les « marques Insta » sont de jeunes entreprises – leur moyenne d’âge est de 6 ans – et sont dans leur très grande majorité de petite taille : 80 % d’entre elles emploient moins de 9 salariés, révèle une enquête de la Fédération des entreprises de la beauté (Febea) parue en 2024. Des sociétés fondées par des dirigeants ayant de l’expérience au sein l’industrie du cosmétique (67 %) en quête de développer des produits naturels, made in France, respectueux de l’environnement. En se positionnant plutôt en haut ou milieu de gamme, la grande majorité se voit comme des alternatives aux marques historiques.

 

Sur le comptoir, en tête de gondole, ou bien implantées dans les linéaires parmi des marques historiques, de nombreuses marques indépendantes nées sur le web, surnommées les DNVB pour Digitally Native Vertical Brands ou Indie Brand, trouvent peu à peu leur place en officine.

Les pastilles Hydratis, les crèmes et baumes des Petits Prödiges, les savons Pin Up Secret, les shampoings pour cheveux bouclés et frisés Les Secrets de Loly… Des centaines de cosmétiques, de produits bien-être et d’hygiène ont d’abord misé sur les réseaux sociaux et les influenceurs pour se faire connaître avant de tirer parti des ventes en physique.

 

Un marché saturé

Selon le Baromètre 2023 des DNBV, moins de deux tiers de leur chiffre d’affaires est réalisé en ligne. S’implanter en officine est donc l’une des principales voies de développement de ces marques, bien souvent autofinancées, qui placent l’expérience client au cœur de leur stratégie. Une voie d’autant plus cruciale que le coût de la publicité digitale a explosé et que l’offre commence à saturer.

Alors que l’on comptait un peu moins de 400 DNVB françaises en 2019 (dans différents secteurs d’activité), elles sont désormais 715. Environ 200 d’entre elles sont des marques de dermocosmétiques ou compléments alimentaires. Néanmoins, seules celles qui sauront s’adapter, en développant de nouveaux canaux de distribution, survivront.

« Pour une jeune marque comme la nôtre, nous lancer en ligne en misant sur la communication digitale au travers de contenus sponsorisés sur Facebook ou Instagram était financièrement plus accessible, mais aussi plus rapide pour nous faire connaître. Pénétrer un réseau de distribution physique prend du temps, explique Alexis Thiebaut, l’un des cofondateurs de la marque de brosse à dents électrique MyVariations lancée en 2021 qui enregistre déjà un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros et s’est hissée à la 3e place du marché français de la brosse à dents électrique en à peine 3 ans. Ce succès online nous a permis de pénétrer le milieu de l’officine et pouvoir être vendus dans plus de 3 000 pharmacies en France et en Belgique, des ventes physiques qui représentent aujourd’hui une très grande part de notre chiffre d’affaires ».
Même succès pour Hydratis qui marque, selon les données du GERS DATA, une croissance de +760 % en 2024. Cinq ans après sa création, la société intègre cette année le top 5 des laboratoires de conseil santé et nutrition les plus contributeurs à la croissance, derrière les poids lourds Opella, Reckitt, EA Pharma et Procter & Gamble.

 

Les officines, relais physique des « marques Insta »

Si MyVariations semble avoir une longue vie devant elle, ce n’est malheureusement pas le cas d’un grand nombre de ces « marques Insta ». Mieux vaut éviter les produits éphémères, estime Shérazade Martin, experte en category management et en merchandising en officine. « Les pharmaciens sont garants de la qualité des produits qu’ils mettent en avant dans leur officine et, de ce fait, deviennent le relai des marques auprès de leur clientèle. Ils participent à leur notoriété et consolident leur image de marque. Il est donc essentiel qu’ils aient confiance en elles, les connaissent et savent les conseiller. »

Aussi, pas question d’être un prolongement des réseaux sociaux, et de mettre en avant des marques parce qu’elles sont conseillées par des dizaines d’influenceurs, multiplient les contenus sponsorisés depuis des mois, et cumulent les millions d’abonnés sur Instagram. Cela ne suffit pas. « Les linéaires des pharmacies ne sont pas extensibles. Si on fait de la place à ces marques, elles doivent faire sens dans la pharmacie tout en générant des ventes et en étant rentables. Je conseille donc aux pharmaciens de sélectionner des marques réclamées spontanément par leur clientèle », poursuit Shérazade Martin.

 

Surfer sur les nouveautés

Pour maximiser l’effet de nouveauté insufflé par ces marques, l’experte recommande de les placer en évidence dans l’officine, d’imaginer des corners attractifs. En effet, si les pharmaciens contribuent à faire connaître ces marques digitales, ces dernières véhiculent l’image d’une officine dynamique, dans l’air du temps et à l’écoute de ses patients.

Elles peuvent aussi l’aider à conquérir une clientèle plus jeune, les consommateurs de ces DNBV ayant en moyenne 33 ans, selon le baromètre 2023. « En outre, en les plaçant en dehors des linéaires, les pharmaciens gagneront en agilité et seront plus proactifs pour arrêter des gammes qui font pschitt ou atteignent leur fin de vie pour les remplacer par une nouvelle sélection », glisse l’experte en ­merchandising.