Alors qu’il vient de finir sa 5e année de pharmacie à l’université de Bordeaux – filière officine –, Ilan Rakotondrainy a été élu président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). Un mandat d’un an, marqué par l’achèvement de chantiers ambitieux comme la réforme du troisième cycle.
Visite du Parlement européen. Ilan Rakotondrainy (au centre). DR
Revue Pharma : Début juillet, vous avez pris la tête de l’Anepf. Quel est votre parcours ?
Ilan Rakotondrainy : Je viens de terminer ma 5e année de pharmacie, filière officine à Bordeaux. Dès ma 2e année, j’ai commencé l’associatif, en m’investissant dans le tutorat santé de Bordeaux. C’est l’un de mes tuteurs en PACES qui m’a donné envie de rendre ce qui m’a été donné. C’était un vrai plaisir de devenir tuteur ! L’année suivante, je me suis engagé en tant que délégué Anepf au sein de l’Association des étudiants en pharmacie de Bordeaux, et j’y suis ensuite devenu président.
Vous avez fait le choix de la filière officine. Pour quelle raison ?
Je suis un grand curieux ! En 3e année, c’était plutôt la recherche qui m’intéressait, puis je me suis engagé dans un parcours industrie à côté pour diversifier mon profil. Finalement, je me suis rendu compte que le contact avec le patient et le système de santé me manquaient. Étant donné le rôle du pharmacien crucial dans le système de santé, je me suis dit que si je m’en écartais trop, cela allait me déplaire. Je me suis donc réorienté en officine.
Quels sont vos chantiers prioritaires pour cette année ?
Finaliser la réforme du troisième cycle est vraiment l’une des priorités de mon mandat. Les arbitrages sont quasi terminés, et normalement Frédéric Valletoux devait nous les présenter, avant la dissolution… Ce qui a été acté est une indemnité de transport pour aider les étudiants en stage. L’indemnité de logement est encore en discussion.
Quand entrera en vigueur cette réforme attendue de longue date ? Dès cette année ?
Non, l’idée est justement de ne pas forcément aller le plus vite possible pour qu’elle soit mal appliquée par la suite… La réforme doit être cohérente, aussi bien dans les textes que dans son application. Il faut faire les choses correctement. C’est pour cette raison que nous attendons la réouverture des discussions avec… le nouveau gouvernement.
La réforme de l’accès aux études de santé – entrée en vigueur il y a quatre ans – reste toujours brouillonne et controversée. Que proposez-vous pour y remédier ?
Ce que nous portons aujourd’hui est la licence santé, en trois ans. Cette licence permettrait de passer en deuxième année d’étude de médecine, maïeutique, pharmacie, dentaire ou kinésithérapie (MMOPK) à l’issue de la première année de licence ou de la deuxième année de licence. Comme pour les LAS, les étudiants auront à la fois des enseignements de santé et d’autres disciplines. Au fil des années, la part de matières santé diminuerait progressivement pour obtenir des compétences plus larges. À la fin de ces trois années, si l’étudiant n’a pas accédé à une filière de santé, il pourra toujours s’orienter vers un master en lien avec la santé.
L’avantage serait-il aussi d’éviter l’incompréhension et le gâchis d’étudiants ?
En effet, la licence santé rendrait possible une meilleure compréhension du système. Le mix PASS et LAS perd tout le monde, étudiants comme parents. Cette réforme crée un stress monstre et une incompréhension qui détournent parfois les jeunes de l’envie de suivre des études en santé. Sans compter les grandes disparités entre les villes, les filières… D’où notre proposition de regrouper les PASS et les LAS dans un système unique, la licence santé, et de continuer à promouvoir les études de pharmacie, notamment avec l’Ordre !
L’un de vos combats concerne également la lutte contre la précarité. Cette année, vous avez chiffré le coût de la rentrée à 3 095 euros en 2e année.
Nous chiffrons le coût de la rentrée des étudiants en pharmacie avec, cette année, une volonté d’avoir une portée régionale. Nous allons donc cibler les frais de rentrée spécifique en fonction des régions. Bien qu’ils puissent travailler, les étudiants en pharmacie sont, eux aussi, en situation précaire.
En 2023, 248 officines ont fermé en France. Êtes-vous aussi vigilant sur la préservation du maillage territorial ?
En effet, nous souhaitons que les étudiants puissent découvrir les milieux ruraux, car c’est en se familiarisant avec ces milieux pendant les études que cela génère l’envie de s’y installer. C’est tout l’intérêt de la réforme du 3e cycle, et de l’indemnité de transport qui s’y greffe, car beaucoup d’étudiants pourront ainsi se déplacer. Il faut noter que 60 % des étudiants en pharmacie veulent, dans les 2 ou 3 ans qui suivent la fin de leurs études, quitter les centres-villes pour s’excentrer à la campagne. De plus, ces étudiants apportent une aide et un soutien aux pharmaciens situés dans ces zones rurales.
Quelle vision portez-vous pour l’avenir de l’officine et au développement des nouvelles missions ?
Je pense que nous devrions arrêter l’utilisation des termes « nouvelles missions » car il s’agit en réalité de « répartition des missions ». Si on analyse le système de santé, on y trouve d’un côté les médecins qui sont formés au diagnostic, là où les pharmaciens sont formés sur les thérapeutiques. Notre rôle est d’accompagner le patient dans son traitement et dans sa vie quotidienne. Aujourd’hui, l’interprofessionnalité est essentielle. Un système de santé qui ne soit non pas centré sur un professionnel de santé, mais bien sur une collaboration entre professionnels de santé, est indispensable. Cela afin que nous puissions réellement prendre en charge notre patient. Pour la santé des Français, nous ne pouvons pas travailler chacun dans notre coin. C’est une de nos positions fondamentales.
L’Anepf est également engagée sur le défi climatique. Comment ?
Aujourd’hui, c’est un sujet d’actualité notamment chez les jeunes dont certains souffrent d’écoanxiété. Les enjeux climatiques sont également étroitement liés à la santé publique. En améliorant la santé environnementale, on améliore également la santé des populations. Côté pharmacien, cela passe, par exemple, par la juste dispensation. Qu’on ne soit pas uniquement dans la dispensation du médicament, mais avant tout dans l’accompagnement du patient. Sur l’acte, et pas que sur la vente. ■
Le grand entretien de l’Anepf est de retourEnseignement, affaires sociales, conditions de vie étudiante, précarité, santé mentale… Cette année, l’Anepf va publier les résultats de son Grand Entretien, une large enquête auprès d’étudiants en pharmacie. « Cette année, nous allons finir d’analyser les résultats pour comprendre au mieux les problématiques des étudiants et porter des projets dans ce sens », souligne Ilan Rakotondrainy. |