Produits solaires et message marketing : « Nous accusons »

Dans cette tribune, Laurence Coiffard, professeure en cosmétologie à l’Université de Nantes, et Céline Couteau, maître de conférences en pharmacie industrielle et cosmétologie à Nantes également, alertent sur certains « graves problèmes sanitaires » liés aux solaires. Elles sont toutes les deux créatrices du blog « Regard sur les cosmétiques ».

À gauche : Laurence Coiffard ; à droite : Céline Couteau. CRÉDITS : Nicolas Kovarik, DROITS RÉSERVÉS

 

« Alors, qu’il y a quelques années, l’on pouvait estimer que 25 % des indices de protection étaient surestimés, il est désormais possible d’avancer le chiffre de 50 %. »

 

 

Nous accusons les autorités de santé de ne pas considérer les graves problèmes sanitaires que posent de plus en plus les produits de protection solaire du fait de leur formulation et/ou de leurs messages marketing en inadéquation avec les messages élémentaires de santé publique.

Selon l’OMS, on compte plus de 130 000 nouveaux cas de mélanomes chaque année dans le monde et des milliers de décès seraient imputables à ce dernier et aux autres cancers cutanés. La protection topique occupe donc une place de choix dans la stratégie globale de prévention.

 

Des indices de protection surestimés

Nous accusons certains laboratoires cosmétiques de mettre sur le marché des produits de protection solaire affichant un SPF 50+ sur leur emballage, alors que la valeur réelle est bien moindre… pouvant même parfois dépasser à peine 10.

La situation se dégrade chaque année davantage. Alors qu’il y a quelques années, l’on pouvait estimer que 25 % des indices de protection étaient surestimés, il est désormais possible d’avancer le chiffre de 50 %. La surestimation est systématique dans le cas des produits minéraux (c’est-à-dire ne renfermant que des filtres minéraux comme le dioxyde de titane et/ou l’oxyde de zinc) affichant une valeur de SPF 50+ ; ceux-ci peinent en effet à atteindre la valeur de 30.

 

Haro sur l’éthanol

Nous accusons certains laboratoires cosmétiques de formuler leurs produits avec de l’éthanol, utilisé pour solubiliser les filtres et obtenir des formes fluides avec un coût modique. Or, il est bien connu que l’alcool (autrement dit l’éthanol) est un exhausteur de pénétration qui favorise donc la pénétration transdermique des petites molécules dont font partie les filtres UV. Cela explique en partie la raison pour laquelle il est possible de retrouver, actuellement, ces molécules, dans tous les fluides biologiques, à savoir le sang, l’urine, le liquide séminal, le lait maternel.

 

« Il ne faut pas exposer les nourrissons au soleil »

Nous accusons certains laboratoires cosmétiques de diffuser un message marketing selon lequel leur produit peut être utilisé chez le nourrisson, dès la sortie de la maternité ! Le seul message à diffuser est de prévenir les jeunes parents qu’il ne faut pas exposer les nourrissons au soleil. On rappellera, à ce propos, deux informations : d’une part, on entend par « nourrisson », un enfant âgé de moins de 30 mois ; d’autre part, il n’existe pas de filtre(s) particulier(s) que l’on pourrait considérer comme sûr(s) d’emploi quelques jours après la naissance. La recommandation européenne de 2006 est très claire à ce sujet puisqu’elle indique qu’un produit solaire doit comporter des messages de prévention de type : « Ne pas exposer les bébés ».

 

« Aucun filtre autorisé n’est exempt de pouvoir polluant »

Nous accusons certains laboratoires cosmétiques de qualifier leurs produits d’écovertueux, appuyant leur discours marketing de logos divers et variés faisant explicitement référence aux océans avec des graphismes évoquant les coraux, les vagues, les poissons… Actuellement, il n’existe pas de méthode permettant de soutenir de telles allégations. Par ailleurs, aucun filtre autorisé n’est exempt de pouvoir polluant.

Ce sont particulièrement les produits bio qui prétendent être plus vertueux que les autres, or l’Agence européenne des produits chimiques classe l’oxyde de zinc comme écotoxique.

Nous accusons certains laboratoires cosmétiques de présenter, sous forme de spray, des produits de protection solaire contenant des filtres minéraux, alors que la réglementation européenne l’interdit pour éviter une exposition des voies respiratoires de l’utilisateur.

 

« Personne n’est capable, aujourd’hui, de prédire quelles conséquences peut avoir l’application quotidienne de tels produits »

Nous accusons de nombreux laboratoires cosmétiques d’inciter les Français à utiliser, quotidiennement, un produit contenant des filtres. Le message marketing est clair : « Protégez-vous des UV, 365 jours sur 365, quelle que soit la météo, et que vous soyez à l’intérieur comme à l’extérieur ».

Cette injonction est faite même en direction des plus jeunes, et des collégiennes s’y conforment scrupuleusement dès la classe de 6e, croyant aveuglément prévenir ainsi le vieillissement cutané. Peut-être le message est-il d’abord passé par leurs mamans…

Cette mode, venue des États-Unis est particuliè­rement délétère, car les filtres contenus dans ces produits du quotidien (crèmes hydratantes, fonds de teint, BB crèmes, etc.) sont parmi les plus suspects d’être des perturbateurs endocriniens et/ou des agents sensibilisants. Personne n’est capable, aujourd’hui, de prédire quelles conséquences peut avoir l’application quotidienne de tels produits, tout au long de l’année, et ce pendant x décennies. ■