Tradition du début d’été, l’Assurance maladie a publié le 19 juillet son rapport annuel « Charges et produits ». Un document qui formule 30 propositions « pour améliorer le système de santé et maitriser les dépenses », et qui augure souvent du contenu du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) à l’automne.
Pour 2025, la Caisse propose à nouveau des mesures d’économie fortes, « face à un déficit qui reste significatif et pourrait s’élever à 11,4 milliards d’euros en 2024, et ce malgré un net redressement en 2023 ».
Objectif de la Cnam : atteindre 1,56 milliard d’euros d’économies en 2025, « grâce à des mesures efficaces d’organisation, tout en garantissant l’accès aux droits et aux soins », souligne-t-elle.
Dégager 1,5 milliard d’euros
Prise en charge des maladies chroniques, lutte contre la fraude, pertinence et efficience des soins : l’Assurance maladie entend donc dégager plus d’1,5 milliard d’euros l’année prochaine. « Dans un contexte de déficit qui tend à devenir chronique, toute dépense doit plus que jamais être une dépense utile ! », fait ainsi savoir le directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme.
Au total, 455 millions d’euros d’économies sont prévus sur le médicament, premier poste de réduction des dépenses devant les actes et les transports sanitaires.
Limiter la première délivrance de pansement à 7 jours
Parmi les 30 propositions de la Caisse, une poignée concerne directement l’officine. Ainsi, l’Assurance maladie envisage de faire « la chasse au gaspillage des produits de santé », avec dans son viseur : les pansements, « qui tendent à s’accumuler chez les patients ».
La Cnam propose donc de revoir le cadre de prescription et de dispensation des pansements. Elle veut ainsi limiter la première délivrance de pansements et de produits nécessaires au traitement des plaies à sept jours de traitement, puis permettre à l’infirmier d’adapter ensuite la prescription au besoin du patient.
Autre idée pour lutter contre le gaspillage : expérimenter une intervention à domicile pluriprofessionnelle, afin de détecter les gaspillages et d’ajuster les soins en fonction. Le tout en promouvant « les protocoles pluriprofessionnels permettant une coordination entre médecins, pharmaciens et infirmiers pour ajuster la délivrance des médicaments prescrits ».
Coup de pouce sur le biosimilaire
Sur le médicament, l’Assurance maladie entend, comme chaque année désormais, booster la pénétration des biosimilaires, notamment « en luttant contre les stratégies conduites par les laboratoires pour contourner la substitution en officine des molécules onéreuses (ophtalmologie) », pointe la Cnam.
Pour rappel, lors de la signature de l’avenant 1 à la convention pharmaceutique en juin dernier, l’Assurance maladie s’était déjà engagée à une égalisation de marges entre les biosimilaires et leur médicament biologique de référence. Les pharmaciens qui substituent un hybride ou un biosimilaire pourront également bénéficier, en 2024, d’une ROSP exceptionnelle de 100 euros.
Les remises dans le viseur
Autre poste d’économie avancé par l’Assurance maladie : demander le remboursement aux industriels d’une partie des remises produits versées aux grossistes et aux pharmaciens. La Cnam justifie sa proposition par un recours de plus en plus fréquent à des remises, « qui engendrent une différence entre le prix publié et le prix net après remises ».
Résultat : ces remises « engendrent une dépense supplémentaire du fait des modalités de calcul des marges de distribution de ces produits (en fonction du prix du produit) versées aux pharmaciens et aux grossistes. Celle-ci s’élève en 2022 à 150 millions d’euros, en forte hausse par rapport à 2021 (+ 35 %) », fait encore savoir la Cnam, qui souhaite donc « demander aux industriels le remboursement du surcoût de marge de distribution payé par l’Assurance Maladie du fait de l’existence de certains prix faciaux différents des prix nets ».
Une proposition qui fait craindre à l’USPO des répercussions sur les officines : « si cette mesure devient effective, ce sera encore un manque à gagner pour notre marge, qui est déjà bien mal en point ! », anticipe le syndicat dans un communiqué.
Dérembourser les prescriptions des médecins non conventionnés
Côté prescripteur, l’Assurance maladie envisage purement et simplement de ne plus rembourser les prescriptions rédigées par des médecins déconventionnés, « ces médecins se situant délibérément en dehors du cadre organisé avec l’Assurance Maladie », justifie-t-elle.
Elle tient aussi à pousser davantage l’utilisation correcte des ordonnances bizones pour les patients en ALD, car, selon l’analyse de la Cnam, 150 millions d’euros de dépenses de ticket modérateur seraient remboursés à tort, faute de bon usage de la bizone.
Passer le tramadol sur ordo sécurisée
Côté prévention et santé, la Caisse entend lutter contre « la banalisation des médicaments de palier 2 (tramadol) et de palier 3 (fentanyl) en régulant leur dispensation ». Elle propose notamment de passer le tramadol sur ordonnance sécurisée.
Pour rappel, dès 2025, les pharmaciens seront invités à proposer des entretiens courts opiacés à leur patient, dès la deuxième délivrance.