Le rachat de clientèle (article l 5125-5-1 du code de la santé publique) est à la fois un outil de croissance externe et un mécanisme au service des pouvoirs publics,
dont la volonté est clairement affichée de réduire le nombre de points de vente.
Accessoirement, le rachat de clientèle permet à des pharmaciens dont l’officine est présumée « invendable » (en l’état du marché, compte tenu notamment de son chiffre d’affaires), de percevoir une indemnisation.
D’abord mis en place par la pratique des affaires, puis réglementé par le législateur afin de limiter les « fermetures sauvages », susceptibles de porter atteinte au maillage pharmaceutique, le nombre d’opérations de ce type n’a cessé de croître.
Ainsi, le code de la santé publique, prévoit, en son article L 5125-5-1, la possibilité pour des pharmaciens, de racheter la clientèle de leurs confrères les plus proches.
Il dispose ainsi : « Toute opération de restructuration du réseau officinal réalisée au sein d’une même commune ou de communes limitrophes à l’initiative d’un ou plusieurs pharmaciens ou sociétés de pharmaciens et donnant lieu à l’indemnisation de la cessation définitive d’activité d’une ou plusieurs officines doit faire l’objet d’un avis préalable du directeur général de l’agence régionale de santé. La cessation définitive d’activité de l’officine ou des officines concernées est constatée dans les conditions prévues à l’article L. 5125-22. »
Cet article définit donc la nature de l’opération, ses modalités et ses conséquences.
L’objet de la cession
Les opérations de restructuration du réseau pharmaceutique consistent, sur le plan technique, à acquérir certains des éléments composant le fonds de commerce d’un pharmacien : la clientèle, éventuellement du mobilier et le stock.
En aucun cas, la pharmacie « cible » ne sera exploitée, puisqu’au contraire elle est destinée à cesser définitivement toute activité.
L’opération peut intervenir à l’initiative d’un, voire de plusieurs pharmaciens qui peuvent ainsi mutualiser le prix d’achat.
La licence en vertu de laquelle l’officine est exploitée sera ainsi restituée à l’ARS territorialement compétente, en vue de son annulation.
En aucun cas, la licence ne pourra être cédée indépendamment du fonds.
L’article L 5125-21 du code de la santé publique est formel, « la licence ne peut être cédée par son ou ses titulaires indépendamment du fonds de commerce auquel elle se rapporte », ce que beaucoup de pharmaciens ignorent. Ils envisagent parfois, après avoir cédé leur clientèle, de céder leur licence à un autre acquéreur, à la recherche d’une licence destinée à faire l’objet d’un transfert
Vérifier les quotas de population
Une opération de rachat de clientèle ne peut être envisagée que si et seulement s’il existe des pharmacies surnuméraires en regard des quotas de population : pour mémoire : 1 officine pour 2500 habitants, puis une officine supplémentaire par tranches de 4.500 habitants.
L’acquéreur se retrouverait en fâcheuse situation s’il ne procédait pas préalablement à cette vérification.
À défaut, il s’exposerait au risque d’ouverture d’une nouvelle officine à proximité, soit par voie de création, soit par voie de transfert.
Quid de la location ?
Il est généralement prévu que le vendeur fasse son affaire personnelle du bail, c’est-à-dire qu’il le résilie à la prochaine échéance triennale, ou si le bail est déjà échu, qu’il donne congé au bailleur moyennant un préavis de 6 mois.
Il est à noter que le pharmacien qui entend faire valoir ses droits à la retraite bénéficie d’un traitement dérogatoire, puisqu’il a la possibilité de donner congé à tout moment, moyennant un préavis de 6 mois.
Si le bail ne peut être résilié avant la prochaine échéance triennale, rien n’interdit au vendeur de tenter une négociation avec son bailleur, consistant à lui restituer les locaux de façon anticipée, moyennant le versement d’une somme forfaitaire.
La reprise du personnel
Un élément de la négociation portera sur le sort des contrats de travail. L’acquéreur a souvent intérêt à reprendre tout ou partie du personnel du vendeur d’une part afin de faire face à l’afflux de clientèle généré par la fermeture de la pharmacie, d’autre part d’opérer une transition harmonieuse de la reprise de la clientèle, qui sera moins déstabilisée par la fermeture de l’officine dans laquelle elle avait l’habitude de se rendre.
Mais il arrive que l’acquéreur ne souhaite reprendre que quelques-uns voire aucun des contrats de travail.
Sauf que, les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail disposent que : « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur (…), tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».
On aurait pu penser que la fermeture d’une officine de pharmacie et le rachat de sa clientèle ne pouvaient en tant que telle, donner lieu à l’application des dispositions de cet article ; mais la jurisprudence en a décidé autrement, qui a jugé à plusieurs reprises que même en cas de rachat de clientèle, les contrats de travail étaient automatiquement transférés.
En d’autres termes, dans le cadre de la négociation, l’acquéreur devra intégrer à ses paramètres de reprise, la poursuite des contrats de travail.
Les officines parties prenantes à l’opération étant en général proches l’une de l’autre, il est peu probable que le salarié concerné par le transfert de son contrat de travail oppose un refus en raison d’un changement de son lieu de travail ; quand bien même l’invoquerait-il, qu’il serait infondé à refuser le transfert de son contrat de travail.
Le prix de vente ou indemnisation
La volonté des parties est la règle : il n’existe aucune disposition légale, aucune référence objective susceptible de déterminer les modalités de fixation du prix de cession.
Tout est question de circonstances : le pharmacien qui veut éviter la vente de la pharmacie voisine au profit d’un nouveau titulaire – qui serait peut-être plus agressif que le prédécesseur – sera naturellement « disposé » à acquitter un prix plus important, en rapport avec la valeur du fonds.
En cas d’achat de la clientèle d’une officine par plusieurs titulaires, le prix pourra être réparti entre eux, en fonction du bénéfice présumé qu’ils retireront de l’opération : plus l’officine fermée est géographiquement proche, plus le chiffre d’affaires « récupéré » sera élevé et donc, la quote-part du prix versé par l’officine la plus proche sera plus importante que celle versée par l’officine la plus éloignée.
Les prix peuvent donc varier du simple au double pour ce type d’opération, quel que soit le chiffre d’affaires de la pharmacie à fermer.
Attention : quand bien même le rachat de clientèle aura pour conséquence de ne laisser subsister qu’une seule officine dans un bourg, 1 +1 n’est pas forcément égal à 2 ; autrement dit, il est impossible de présumer que l’intégralité de la clientèle « rachetée » se reportera sur l’officine subsistante. .
Le prix peut être soit fixe, soit variable : un prix forfaitaire est acquitté lors de la cession et il est convenu qu’au terme, par exemple d’une période d’un an suivant cette cession, le ou les acquéreurs verseront un complément de prix en fonction de l’augmentation de chiffre d’affaires qui aura été constatée (par exemple, récupération de 80 % du CA de l’officine versée).
La procédure
Demande d’avis de l’ARS
Le code de la santé publique soumet ce type d’opération à un visa préalable de l’ARS qui délivrera, ou pas, un avis favorable. Son appréciation portera en substance sur le maintien d’un service pharmaceutique suffisant pour la population du quartier dans lequel la pharmacie « cible » est implantée.
L’avis de l’ARS ne constitue en aucun cas une autorisation. En ce sens, en cas d’avis défavorable, l’opération pourra néanmoins être menée à son terme, car, quelle que soit la nature d’une activité, les pouvoirs publics ne peuvent jamais interdire à un commerçant de cesser son activité le jour où il a décidé de le faire.
Demande d’un arrêté de caducité à l’ARS
Lorsque l’acte de réalisation de la cession aura été régularisé, le vendeur devra de nouveau adresser à l’ARS, un courrier contenant copie de la licence en vertu de laquelle la pharmacie était jusque-là exploitée, sollicitant un arrêté constatant la caducité de la licence et renonçant à tout droit d’utilisation de cette licence.
Demande de radiation de la section A
Une fois cet avis favorable obtenu, le vendeur devra adresser au conseil régional de l’ordre des pharmaciens dont il dépend, une demande de radiation de la section A, accompagnée d’une copie de l’acte de cession, précisant la date de cette radiation.
Droits à payer
Toute mutation (cession de fonds, cession de parts sociales) donne lieu au paiement de droits d’enregistrement. On aurait pu penser que s’agissant, suivant les dispositions du code de la santé publique, d’une opération donnant lieu à indemnisation (on parlera d’indemnité versée), aucun droit d’enregistrement n’est exigible.
Telle n’est pas l’appréciation des services fiscaux qui persistent à demander le paiement des droits de mutation.
Sort des ordonnanciers et registres légaux
Les registres des médicaments dérivés du sang et ordonnanciers sont repris par les pharmaciens ayant indemnisé la fermeture de l’officine.
En revanche, le registre spécial des stupéfiants ou les enregistrements informatiques concernant les dix dernières années, les feuilles de commande et les ordonnances prescrivant les médicaments stupéfiants, concernant les trois dernières années, doivent être déposés l’ARS. •