À l’occasion de sa table ronde des partenaires organisée le 8 mars, le groupement d’experts-comptables indépendants CGP a partagé ses statistiques professionnelles de l’officine, édition 2024.
L’enquête a été réalisée sur un panel de 1 832 officines, avec une répartition assez homogène par zone géographique. Les pharmacies situées en zone rurale, en gros bourg et en zone urbaine représentent toutes environ 30 % du panel de l’étude, respectivement 32,55 %, 26,65 % et 32,92 %. Enfin, la part de pharmacies situées en centre commercial représente 7,94 %. Plus de la moitié des officines étudiées avaient un chiffre d’affaires supérieur à 2 millions d’euros.
Un chiffre d’affaires en trompe-l’œil
Malgré la nette diminution des activités en lien avec le Covid, le chiffre d’affaires (CA) sur l’année 2023 est en hausse de 1,68 % par rapport à 2022. Et de +5,90 % si l’on exclut les activités Covid.
Le découpage par tranche de CAHT met toutefois en avant certaines disparités. Les pharmacies de moins de 1,5 million d’euros de CAHT enregistrent en effet une évolution négative de leurs activités, « qui atteint même -3 % pour les pharmacies dont le CAHT est inférieur à 1 million d’euros », souligne Nicolas Trikian, expert-comptable chez C2C Pharma à Marseille.

L’analyse par zone géographique montre que les zones urbaines sont en légère déperdition, -0,38 % de CAHT, tandis que les zones rurales et les gros bourgs sont en croissance, respectivement de +2,95 % et 1,98 %. Probablement en raison du plus faible impact de la baisse des activités en lien avec le Covid dans ces zones.
Par tranche de taux TVA, l’évolution la plus significative concerne les médicaments remboursables avec une hausse de 7,79 %, « alors même qu’on avait une croissance l’année d’avant d’environ 10 % », commente Nicolas Trikian. Parmi les causes, la hausse des médicaments chers, qui pèsent près de 40% du CAHT à 2,1%.
« Si l’on compare à 2016, on voit que le poids des médicaments chers représentait à l’époque 16 %. En valeur, c’était 210 000 euros contre 650 000 aujourd’hui en moyenne par pharmacie. C’est pour ça que l’analyse du CA est complexe et qu’il faut plutôt regarder la marge dégressive », explique Nicolas Trikian.
La marge brute globale impactée par le ralentissement des activités Covid
La marge brute globale justement, qui regroupe la marge commerciale, toutes les prestations de service, l’ensemble des honoraires, les coopérations commerciales et les nouvelles rémunérations. En 2023, elle s’élève à 694 000 euros contre 756 500 en 2022 soit une baisse en valeur absolue de 62 500 euros, par pharmacie.
« Elle est sévèrement sanctionnée par le pic d’activité de l’année dernière en lien avec l’activité exceptionnelle Covid », explique Louis Maertens expert-comptable chez FCC à Lille, qui s’attend à un repli de cette activité « encore plus marqué l’année prochaine ».
Le taux de marge passe pour la première fois sous la barre des 30 %. Une première depuis 2015. Toutes les officines, quel que soit leur niveau de chiffre d’affaires et leur emplacement géographique ont vu leur marge diminuer en valeur.
Les charges en hausse…
Concernant les frais généraux, l’étude note un ralentissement de la hausse observée l’année passée, +3,02 % en 2023 contre 9,72 % en 2022. Si l’ensemble des charges est impacté, notamment le loyer et l’énergie, la hausse des frais de personnel reste élevée : + 12,38 % en 2022 et + 8,92 % en 2023.
… Et l’EBE « en déperdition »
L’Excédent brut d’exploitation (EBE) qui prend en compte toutes les charges inhérentes à l’activité est en très nette baisse. « Aujourd’hui, il atteint 10,95 % du CA. Historiquement, on se positionne à peu près à 2009, qui était le niveau le plus bas que l’on avait atteint. Donc clairement aujourd’hui on a un ratio d’EBE qui est en déperdition en raison de l’augmentation du CA des médicaments chers et du poids de certaines charges », constate Nicolas Trikian. Comme pour la marge brute globale, l’ensemble des officines a été impacté par une baisse de son EBE en 2023, indépendamment de sa zone géographie ou son CA.
« 2021 et 2022 étaient des années exceptionnelles, mais 2023 marque le retour à la réalité, conclut Joël Lecoeur, président de CGP. L’officine a subi le contrecoup économique du Covid, on le voit bien. On n’échappe pas à l’effet ciseaux que nous avions pressenti l’année passée. »
Avec d’autres inquiétudes en ligne de mire, notamment le spectre de la libéralisation de la vente en ligne de médicaments qui représente un « risque pour la profession » et l’accélération des fermetures de pharmacie, en particulier en milieu rural, qui « menace le maillage territorial », met en garde Joël Lecoeur.