Alors que les consignes connectées se développent pour favoriser la remise des commandes aux patients 24h/24, ces lockers permettent-ils de respecter les bonnes pratiques de dispensation ? Réponse avec Me Alain Terral, avocat et ancien pharmacien.

Promesse de gain de temps et de fidélisation client, les lockers ont fait leur apparition depuis une poignée d’années sur le perron de certaines officines. Inspirés des consignes automatiques développées par le géant Amazon, ces casiers connectés sont conçus pour pouvoir récupérer sa commande de médicament – à tout moment du jour ou de la nuit – à l’aide d’un code personnel reçu par mail ou par SMS.
En amont, le pharmacien prépare l’ordonnance reçue en ligne – ou les promis à la suite d’une visite au comptoir – et se décharge d’une partie de l’organisation à flux tendu dans l’officine, tout en réduisant les files d’attente.
Un acte complexe
Alors que ces consignes laissent le patient autonome dans la récupération de sa commande, comment s’assurer de respecter à la lettre la réglementation ? Pour Me Alain Terral, avocat au barreau de Béziers, « le phénomène des consignes doit impérativement respecter le cadre des bonnes pratiques de dispensation. La dispensation est un acte complexe, qui ne se résume pas à simplement donner une boîte de médicaments ».
Le code de la Santé publique, complété par un arrêté en novembre 2016, vient ainsi lister les obligations qui incombent au pharmacien lors de la dispensation avec notamment : « l’analyse pharmaceutique, le suivi du traitement, l’obligation de conseil, la pharmacovigilance ou encore la lutte contre la falsification », énumère ainsi Me Terral, qui était également pharmacien de profession avant de devenir exclusivement avocat.
Toutes ces bonnes pratiques « ne peuvent être dissociées de l’acte de dispensation », rappelle-t-il, que cette dernière se fasse au comptoir ou via un locker. Les consignes sont-elles donc compatibles avec ces bonnes pratiques ? « J’aurais tendance à dire oui, à la condition extrêmement stricte de respecter le corpus règlementaire », souligne Alain Terral. La vigilance est donc de mise.
Des échanges à sacraliser
Premier écueil à éviter : ne pas honorer « l’échange interactif avec le patient » attendu lors de la dispensation. « Avec l’évolution sur la vente en ligne de médicaments, cet échange évolue pour passer par un questionnaire notamment en amont de la délivrance », souligne Me Terral, qui précise que « si le questionnaire n’est pas rempli, on ne délivre pas. La notion de conseil du pharmacien peut aussi poser un problème majeur », analyse l’avocat. La réglementation impose qu’un dialogue soit mis en place entre le pharmacien et son patient. Même problème sur le suivi du traitement, sa réévaluation et des effets indésirables. Tous ces échanges doivent être tracés et actualisés.
Autre point d’attention : le respect des bonnes pratiques de conservation. Certains médicaments nécessitent d’être réfrigérés ; la chaîne du froid doit être bien respectée lors du placement dans le locker.
Enfin, le pharmacien qui décide d’installer un locker devra être scrupuleux vis-à-vis de la question du secret. « Comme pour la livraison de médicaments, il faut prévoir un paquet opaque et scellé au nom du patient, qui est seul habilité à l’ouvrir », souligne Alain Terral.
L’avocat conseille également de ne pas fournir de médicaments stupéfiants dans ces casiers : « à mon sens, ce n’est pas du tout prudent car ces produits doivent être sous clé ; j’appelle donc à la plus grande vigilance », insiste-t-il.
Concurrence déloyale ?
Enfin, Me Terral tient à souligner une dernière précaution pour éviter les recours… des confrères ! Déjà, bien que l’achat d’un locker puisse pousser le titulaire à en faire la promotion pour drainer la clientèle, « une publicité mise en place à cet effet contrevient au code de déontologie », met en garde l’avocat.
Aussi, « attention aux questions de concurrence déloyale : le locker doit être situé dans l’officine elle-même ou à proximité immédiate pour éviter les contentieux », précise-t-il. Dans le cadre de la vente en ligne de médicaments, cette question avait d’ailleurs été tranchée au Conseil d’État, la juridiction administrative considérant que « le local de préparation des commandes doit être contigu à la pharmacie, de façon à ne pas nuire à la répartition des officines », résume Me Terral. Inimaginable donc, de mettre son locker à Lyon, si on est pharmacien à Paris ! « Ce serait de la concurrence déloyale ». ■