Après un an d’attente, le gouvernement a dévoilé hier le contenu de sa feuille de route pour « garantir la disponibilité des médicaments et assurer à plus long terme une souveraineté industrielle ». Un plan d’action pour lutter contre les pénuries, articulé autour de quatre axes, et construit avec l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament.
Améliorer la disponibilité des médicaments, détecter les premiers signaux, apporter de la transparence sur la chaîne d’approvisionnement, relocaliser une partie de la production ou encore améliorer le bon usage… De grands axes qui sentent parfois le réchauffé et qui s’inscrivent dans la continuité du PLFSS 2024 ou encore du plan hivernal.
« Avec 4 925 signalements cette année, 2023 signe une augmentation de 30% des risques de tensions et de ruptures par rapport à 2022 », rappelle Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l’ANSM. « Aujourd’hui, 40% de ces signalements nécessitent une mobilisation pour garantir les besoins des patients », ajoute-t-elle, citant le contingentement, les importations ou encore la limitation de la délivrance à certaines indications spécifiques.
Le dispensation à l’unité obligatoire dans le cadre du plan blanc
Côté officine, la feuille de route remet sur la table des mesures du PLFSS 2024, à commencer par la dispensation à l’unité obligatoire en cas de pénurie. Mais le gouvernement apporte ses précisions. « Cette dispensation à l’unité sera rendue obligatoire dans le cadre du plan blanc médicament », souligne Grégory Emery, directeur général de la Santé. Donc, « uniquement quand nous sommes arrivés au bout des solutions et des leviers mis en place, notamment par l’ANSM », souligne le DGS.
Concédant que « c’est effectivement une contrainte pour les pharmaciens », Grégory Emery évoque une « mesure pour épargner les médicaments en tension » et assure que cette décision sera prise « de manière proportionnée à la situation ».
Ce plan blanc sera déclenché sur demande du ministère de la Santé, et pourra concerner tous les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en cas de situation de rupture nécessitant l’usage des stocks de sécurité malgré la mise en place de mesures adaptées aux spécialités pharmaceutiques. « On espère ne pas avoir à l’activer », veut rassurer Grégory Emery.
Dès 2025 : des tableaux d’équivalences
Déjà mis en place ponctuellement – pour les corticoïdes oraux par exemple – des tableaux d’équivalence devraient être mis à disposition des officinaux courant 2024. « Afin de faciliter le parcours du patient en cas de pénurie, des recommandations pour la prescription et la dispensation des alternatives des médicaments essentiels dont l’approvisionnement est vulnérable seront établies par l’ANSM et la Haute Autorité de santé (HAS), associée à une liste de concordance des médicaments pour les prescripteurs, et à un tableau d’équivalence permettant aux pharmaciens d’officine de remplacer les médicaments en rupture par un médicament disponible sans solliciter le prescripteur », peut-on lire sur la feuille de route.
Pour la rédaction de ces listes d’équivalences, « la priorité sera accordée aux spécialités en situation de monopole ou en situation complexe de tension, afin de pouvoir déployer ces tableaux à froid, lorsque la situation le nécessite », précise Christelle Ratignier-Carbonneil.
Les listes de concordances seront dressées tout au long de l’année. L’alimentation des logiciels fera l’objet d’une phase pilote, avec l’objectif d’une mise en place progressive à partir de 2025.
Bon usage et serpent de mer
Fer de lance du nouveau ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, et de Catherine Vautrin, le bon usage du médicament est également poussé dans la feuille de route. Parmi les mesures, déjà connues : le recours aux ordonnances conditionnelles ou encore la délivrance « d’ordonnances de non-prescription par le médecin, pour expliquer au patient pourquoi on ne prescrit pas d’antibiotique », détaille Grégory Emery.
Serpent de mer à nouveau, l’exécutif veut à nouveau pousser le conditionnement adapté à la durée de la posologie et assure que des actions en ce sens seront menées avec les industriels.
Autre levier, déjà évoqué en 2023 : mieux informer le prescripteur, en intégrant les informations de disponibilités des médicaments (venues de l’ANSM) directement dans les logiciels d’aide à la prescription des médecins. Une phase pilote sera lancée d’ici à la fin du 1er trimestre 2024, en lien avec quelques éditeurs de logiciels volontaires.
Relocalisation de 147 molécules prioritaires
Enfin, la feuille de route consacre tout un pan à la souveraineté industrielle, « pour s’attaquer aux causes structurelles des pénuries », détaille Mathilde Bouchardon, conseillère santé, auprès du ministre délégué en charge de l’industrie. Le cabinet de Roland Lescure se fixe trois objectifs d’ici 2027 : accélérer les retours des labos, freiner leur départ et se coordonner au niveau européen.
Aussi, sur les 450 médicaments dits essentiels, « une sous-liste de 147 médicaments stratégiques essentiels a été dressée, ce sont les molécules pour lesquelles nous dépendons le plus des importations extraeuropéennes », indique Mathilde Bouchardon. Ces 147 molécules seront relocalisées en priorité, grâce à des aides financières.
Pour fluidifier l’information, des travaux seront également menés pour faire évoluer le DP-ruptures, « afin notamment que les industriels puissent l’alimenter eux aussi », souligne Grégory Emery.