Le phloroglucinol est indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs liées aux troubles fonctionnels du tube digestif et des voies biliaires, des manifestations spasmodiques douloureuses en gynécologie et des manifestations spasmodiques et douloureuses aiguës des voies urinaires.
SMR faible à insuffisant
La dernière commission de transparence de la HAS, en 2017, estimait que le service médical rendu (SMR) restait faible dans toutes ces indications, voire insuffisant dans le traitement symptomatique des douleurs liées aux troubles fonctionnels des voies biliaires.
Maintien sur le marché
« La HAS dit que les effets du Spasfon sont faibles, car il ne serait pas très efficace, mais également peu dangereux. C’est un médicament qui ne fait ni beaucoup de bien, ni beaucoup de mal : c’est suffisant pour le laisser sur le marché pour l’instant », estimait le 26 octobre au micro de France Culture, Étienne Nouguez, sociologue, chercheur au CNRS et à Sciences Po.
« Pilules roses, de l’ignorance en médecine »
Juliette Ferry-Danini, enseignante-chercheuse spécialisée en philosophie de la médecine est autrice de l’essai Pilules roses, de l’ignorance en médecine, paru aux éditions Stock. Elle s’exprimait en décembre sur le média Brut. « L’enjeu de mon livre a été d’expliquer pourquoi il y a en France ce succès de prescription et de vente en pharmacie, et pour quelles raisons on a si peu de données scientifiques ? En effet, on trouve très peu d’essais randomisés sur le phloroglucinol. Il n’en existe même pas du tout dans le cas des règles douloureuses. »
Extrait
Dans le premier chapitre de l’ouvrage, la philosophe avertit le lecteur sur la puissance des « illusions thérapeutiques » et mentionne « la difficulté à laquelle on se heurte lorsqu’on veut remettre en cause l’efficacité d’un traitement : convaincre l’opinion qu’un traitement est inefficace est bien plus difficile que convaincre qu’un nouveau traitement est efficace ».
Glissement d’indications
Dans les archives de l’ANSM, l’enseignante chercheuse découvre que « juste avant sa mise sur le marché en 1963, le laboratoire Lafon soumet le résultat de deux expertises sur les douleurs biliaires et urinaires, ainsi que le résultat d’une étude menée sur 10 femmes pour les règles douloureuses… et cela a suffi pour que cette indication apparaisse en tête de la liste des indications sur le visa administratif ». En 1974, le visa est changé en AMM et les indications étendues à l’obstétrique sans étude scientifique rigoureuse et solide pour l’étayer.
Apathie administrative
La philosophe, toujours sur le média Brut dénonce « l’inertie et l’apathie des autorités sanitaires qui sont restées dans le statu quo. Certes, en remettant en cause le remboursement au cours des années, mais sans jamais prendre de position ferme sur le manque de données scientifiques ».
Sexisme médical ?
En 2021, plus de 25 millions de boîtes de Spasfon ou de ses formes génériques ont été prescrites en France et, selon les données de l’Assurance maladie, 72 % des prescriptions de phloroglucinol concernaient des femmes.