Avec cette conjoncture évolutive et complexe, l’acquisition d’une officine est un sujet qui peut inquiéter les potentiels candidats à la reprise. Focus sur les critères d’évaluation du prix d’une pharmacie.
Un contexte post-Covid difficile, avec des chiffres d’affaires dopés par la vente de « médicaments chers » à faible taux de marge, des charges de personnel en hausse… Autant de facteurs qui inquiètent pour l’acquisition d’une officine. D’autant plus avec l’évolution importante des taux d’intérêts. Pourtant, tous ces facteurs conjoncturels et actuels ne doivent pas remettre en cause les projets d’acquisition ; la reprise d’une officine reste une réelle opportunité… Encore faut-il qu’elle se réalise au juste prix.
Quels sont les critères d’évaluation ?
Les méthodes d’évaluation sont nombreuses et les critères à retenir peuvent varier selon que l’on se positionne côté vendeur ou côté acquéreur.
Les approches traditionnelles et usuelles subsistent : valorisation par le CA HT ou par l’EBE. Elles nécessitent toutefois des retraitements.
La première valorisation qui consiste à appliquer un pourcentage (compris de façon générale entre 70 % et 90 %) au CA HT.
Celui-ci doit refléter les 12 derniers mois d’activité, et il est nécessaire d’analyser son évolution depuis le dernier bilan clôturé.
Cette base de CA HT doit être corrigée de plusieurs éléments :
- Le CA lié à l’activité Covid, qu’il convient d’exclure ;
- Le CA lié à des marchés particuliers (maisons de retraite, Ephad, MAS…) qui est souvent pondéré ou retraité, selon son importance, les contrats existants, l’organisation mise en place et la récurrence et spécialisation ;
- Les médicaments chers : un vaste sujet…
Il convient de retenir les « médicaments chers » à partir de 150 €, car dès cette tranche de prix, le pourcentage de marge est très réduit.
On peut considérer qu’une part « normative » de ventes de médicaments chers représente entre 32 % et 35 % du CA HT médicaments.
Il apparaît donc cohérent d’exclure du CA de référence, la partie supérieure à cette moyenne de 35 %.
Qu’est-ce que l’EBE ?
La méthode de l’EBE consiste à appliquer un coefficient multiplicateur (compris de façon générale entre 5,5 et 7,5).
Cet EBE, issu des soldes intermédiaires du cédant, doit être retraité :
- de la marge liée à l’activité Covid ;
- des charges qui, de façon certaine, ne seront pas renouvelées ou, à l’inverse devront être engagées ;
- des leasings, qui peuvent également faire l’objet d’un retraitement, en fonction de leur volume et de leurs échéances, car à l’inverse d’un financement par emprunt, ils impactent négativement l’EBE du cédant.
Quid de la marge brute globale ?
Une troisième méthode, moins utilisée, mais pourtant pertinente, consiste à retenir la marge brute globale : ventes + prestations – achats consommés, en retraitant la marge liée à l’activité Covid et à appliquer un coefficient multiplicateur (compris de façon générale entre 2,5 et 3).
L’ensemble de ces méthodes peut ensuite faire l’objet d’une synthèse et pondération pour obtenir une valeur pour le fonds de commerce de l’officine.
Mais la détermination du prix va varier selon de nombreux critères : taille de l’officine, emplacement, environnement médical, projets urbains, potentialité.
Établir un prévisionnel
L’évaluation passera aussi par un prévisionnel de reprise établi par un expert-comptable.
Ce prévisionnel devra intégrer :
- le prix envisagé ;
- un financement bancaire équivalant à la valeur du fonds et des travaux ;
- un apport normatif, correspondant au financement de tout ce que ne financera pas la banque : BFR, frais d’acquisition, honoraires de transaction, honoraires juridiques, honoraires d’expertise-comptable ;
- des conditions d’exploitation réalistes et prudentes, s’agissant :
– de l’évolution de CA ;
– du taux de marge (gare à l’impact des produits chers et des taux de marge « normalement » réduits) ;
– des prestations et de la volumétrie des nouvelles missions ;
– des frais généraux ;
– des charges de personnel ;
– de la rémunération du dirigeant, qui ne doit pas, pour faciliter le prévisionnel, être retenue à moins de 3 000 €, voire 3 500 € net par mois.
C’est la faisabilité financière issue de cette étude prévisionnelle de reprise qui corroborera la pertinence du prix retenu.
Quid des tensions financières ?
Le prévisionnel peut faire apparaître des risques de tensions financières, et dans certains cas, un « sur-apport » est nécessaire. Concernant les booster d’apports, qui viennent en complément d’un emprunt bancaire, retenu dans des conditions normatives, ces mécanismes, très utiles aux candidats à la reprise, ne doivent pas être détournés de leur objet premier et facilitateur, et se transformer en booster de prix.
Avec un prix juste, l’acquéreur sera sécurisé dans un projet de reprise très engageant, en pleine mutation et le vendeur sera indemnisé du fruit de son travail, dans de bonnes conditions de transmission. •