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Erreur de délivrance chez un nourrisson : le titulaire reconnu responsable des fautes commises par son adjointe

Le 5 décembre 2019, une pharmacienne adjointe d’une officine normande commet une erreur de délivrance. Alors que les parents d’un nourrisson d’un mois se présentent avec une prescription par le médecin traitant d’un complément alimentaire nommé « Bifibaby », l’adjointe se trompe et délivre de l’Abilify. Un neuroleptique pour adultes et adolescents de treize ans et plus, indiqué pour le traitement des troubles bipolaires.

Trois jours plus tard – et après avoir administré trois doses de l’antipsychotique à leur nourrisson – les parents constatent que son état de santé se dégrade et se rendent aux urgences de l’hôpital d’Évreux. C’est un médecin sur place qui se rendra compte de l’erreur de délivrance.

Interdiction temporaire d’exercer

Dans la foulée, les parents déposent une plainte disciplinaire contre la pharmacienne adjointe et le pharmacien titulaire de l’officine. Par deux décisions en mars 2021, puis en mai 2022 « les chambres de discipline de première instance ont sanctionné le pharmacien titulaire d’une interdiction temporaire d’exercer la pharmacie pendant une durée de trois mois, dont un mois avec sursis ainsi que la pharmacienne adjointe, d’une interdiction temporaire d’exercer la pharmacie pendant une durée de six mois, dont quatre mois avec sursis », précise l’Ordre.

Mais les deux confrères font appel. Le 28 mars dernier, la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens a confirmé les sanctions prononcées en première instance et « s’est prononcée sur la responsabilité des titulaires d’officines pour des fautes commises par leurs adjoints ».

« Cadence soutenue »

Pour sa défense, la pharmacienne adjointe – licenciée depuis de la pharmacie normande – a fait valoir des conditions de travail difficiles au comptoir, « une cadence soutenue empêchant une bonne concentration », peut-on lire sur la décision. Aussi, lors de la délivrance, la salariée a rentré le nom du père – et non celui du nourrisson – dans son logiciel, empêchant l’outil d’aide à la prescription d’émettre une alerte sur la délivrance d’Abilify chez un bébé d’un mois.

Des conditions qui ne sont « pas de nature à exonérer la pharmacienne adjointe de sa responsabilité », fait savoir le Cnop.

« Absence de règle de bonnes pratiques de dispensation »

La chambre disciplinaire confirme également la responsabilité du titulaire – qui n’était pas présent au moment de la délivrance d’Abilify -, car « le pharmacien titulaire demeure responsable de l’organisation de son officine et doit, à ce titre, veiller à la qualité des actes de dispensation ». Or, l’Ordre a relevé une « absence de règle de bonnes pratiques de dispensation » dans l’officine.

Ainsi, « en ne mettant pas en place les mesures propres à garantir la qualité de tous les actes pratiqués dans son officine par l’ensemble des personnels autorisés à dispenser, le titulaire a méconnu les dispositions des articles R. 4235-48 et R. 4235-55 du code de la Santé publique », peut-on lire. Depuis, le titulaire dit avoir instauré un double contrôle des ordonnances dans son officine.

Léa Galanopoulo