Depuis janvier, le ton monte entre syndicats de titulaires et de salariés de l’officine. En cause, des négociations salariales qui passent mal du côté des employés,
dans un contexte d’inflation galopante.
Si on est obligé de payer les gens au-dessus de la grille pour trouver des salariés, cela prouve bien qu’il y a un problème avec la valeur du point ! ”
Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral FO Pharmacie
« Ça fait un bout de temps que je suis dans la branche, je n’avais jamais vu cela ! », s’étonne encore Olivier Clarhaut, secrétaire fédéral de la branche officine de FO Pharmacie, représentant des salariés de l’officine lors des négociations salariales. Il y a eu, entre les syndicats de titulaires et ceux des salariés de l’officine, deux salves de négociations en 2023. L’une en janvier, et l’autre le 18 avril dernier, durant laquelle les représentants des salariés ont fini – chose rare – par claquer la porte avant de se fendre d’un communiqué commun pour dénoncer l’attitude des représentants de titulaires.
On peut y lire notamment que « face à la perte de pouvoir d’achat des salariés (pourtant lourdement investis pendant la crise sanitaire), à la baisse notoire de l’attractivité des métiers de l’officine, les chambres patronales semblent ne pas vouloir prendre la juste mesure de la situation ».
Rendez-vous manqué
« En 2022, nous avons eu deux augmentations successives de 3 %, nous ne partons pas de nulle part », rappelle Daniel Burlet, pharmacien en charge des affaires sociales à l’USPO. Certes, mais face à une inflation galopante, ces mesures sont jugées bien trop légères pour les organisations salariales. « Nous avons demandé une augmentation du point à hauteur de 7 % », rappelle pour sa part Olivier Clarhaut. « En prenant en compte les augmentations à 3 % en 2022 – qui nous laissaient un retard de 2,82 % – et avec une inflation à 6 % en 2023, 7 % ne nous semblait pas une augmentation aberrante », détaille le syndicat qui regrette que « la FSPF soit restée bloquée sur 2 % et que l’USPO, qui n’est pas majoritaire, l’ait suivie ». Dès lors, avec un gap de revendication de 2 à 7 %, impossible de trouver un accord.
Le 14 avril dernier, alors que les représentants d’employeurs se présentent aux séances de négociations avec un mandat précis de leur assemblée générale, le gouvernement annonce une augmentation du Smic. « Nous nous sommes retrouvés en négociation avec un mandat à 2 % qui ne tenaient pas compte de l’augmentation du Smic », se souvient Daniel Burlet. FSPF et USPO se retrouvent alors liées aux promesses faites à leurs adhérents.
« Ils ont une vision toute particulière du dialogue social : ils viennent avec un texte et demandent de le signer », regrette pour sa part Loïc Le Noc, secrétaire fédéral CFDT Santé Sociaux. Même son de cloche du côté d’Olivier Clarhaut : « 2 % c’est mieux que rien, mais nous ne venons pas en négociation pour faire la manche ».
Incompréhension
« La classification n’a pas été revue depuis la Saint Glinglin… Il faut faire respecter le droit ! », s’offusque Loïc Le Noc. En effet, désormais, le Smic a rattrapé le coefficient 210 de la grille des minima conventionnels. Alors que l’attractivité des métiers de l’officine est au plus bas, poussant les salaires vers le haut, pourquoi l’augmentation de ces grilles pose-t-elle problème ?
« Ce que me disent mes confrères, c’est que les salariés ont été augmentés sensiblement l’année passée, pas seulement par l’augmentation du point, mais plutôt de manière individuelle », rapporte Philippe Besset, président de la FSPF. Et ces augmentations de salaire se sont souvent faites en coefficient, ce qui n’est pourtant pas obligatoirement corrélé (lire encadré). Pour assainir cette relation entre les coefficients et les salaires, « nous avons proposé une réforme de la grille plutôt qu’une augmentation du point, mais cela n’a pas été accepté, justifie le pharmacien de Limoux. Nous pensons qu’il faut retirer les premiers coefficients de la grille ».
Comment sortir de l’impasse ?
Face à des négociations qui foncent droit dans le mur, quelle sortie de crise ?
Daniel Burlet propose une main tendue : « il va falloir nous reparler pour pouvoir avancer ».
Mais pour le responsable des affaires sociales de l’USPO, les titulaires sont « coincés par leurs économies propres. On ne nous a pas accordé 6 % d’augmentation sur les honoraires. C’est compliqué d’ouvrir les vannes de la trésorerie lorsqu’elle n’évolue pas ».
Coté salariés, la situation reste épineuse. « C’est une décision difficile que de ne pas signer un accord de salaire, car cela présente le risque d’une année blanche pour les salariés, d’autant plus en contexte inflationniste, souligne Olivier Clarhaut. En revanche, je reste persuadé que nous pouvons faire bouger les choses pour 2023 ! ».
Faut-il y voir la menace d’une grève dans les officines ? « Tous les salariés du privé peuvent faire grève, mais dans des entreprises qui sont souvent des TPE de 4-5 salariés, au contact direct de l’employeur, c’est particulièrement compliqué », concède Olivier Clarhaut. « Dans l’absolu, cela serait bien d’établir un rapport de force, sauf que j’ai quelques doutes quant à la possibilité d’une grève. De plus, les employeurs qui se comportent bien ne sont pas responsables des négociations salariales », tempère -t-il encore.
Pour l’heure, la balle semble être dans le camp des employeurs : « Je vais reconvoquer l’assemblée générale pour demander un second mandat, qui prendra en compte la dernière augmentation du Smic au mois de mai et ainsi proposer une augmentation plus importante, anticipe Philippe Besset. J’espère que les syndicats de salariés accepteront, car sans cela, il n’y aura pas d’augmentation ». ■
Grille de coefficient n’est pas grille de salaire !La grille de coefficient est « une grille de classification et non de salaire », tient à rappeler Daniel Burlet. « Les salaires sont libres, on ne peut pas payer au-dessous, mais on peut payer au-dessus. Le coefficient représente des responsabilités et une évolution de carrière. Si vous êtes payés au minimum de la grille, votre salaire suivra l’évolution du point ; si vous êtes au-dessus, elle ne bougera pas », poursuit le pharmacien. « Le problème est que les pharmaciens et leurs comptables inventent des coefficients ! », ajoute Philippe Besset. « Sauf que le coefficient est un grade. Il faudrait pouvoir augmenter les bas salaires, sans qu’il n’y ait une augmentation supplémentaire pour ceux qui bénéficient déjà de haut salaire », imagine le président de la FSPF. Un point de vue auquel ne souscrivent par les représentants de salariés. « Nous sommes là pour revaloriser les salaires des personnes qui ne sont pas en capacité, pour une raison ou une autre, de négocier leurs salaires au-dessus de la grille. Nous nous devons de les revaloriser le mieux possible et le plus souvent possible », insiste Olivier Clarhaut. |