“ J’ai mal au cou ”

Cervicalgie aiguë très commune à la pharmacie, le mot torticolis ne vient pas de l’italien, mais du latin tortum collum, qui signifie « cou tordu ». Conseils de pharmacien pour soulager donc celui « qui a le cou de travers ».

Le cas d’Astrid

Astrid, 35 ans, s’est réveillée il y a 2 jours avec le cou complètement bloqué. Elle a pris du paracétamol pour se soulager, mais rien n’y fait ; elle est bloquée et douloureuse depuis lors. Soucieuse de voir la situation s’améliorer, car ce n’est pas la première fois que cela lui arrive, elle a consulté son médecin qui lui a fait la prescription suivante :

 

Physiopathologie  

Cervicalgie aiguë commune qui se caractérise par une douleur vive présente au niveau du cou, le torticolis ne résulte ni d’un traumatisme, ni d’une pathologie sous-jacente. Il correspond à une contraction involontaire d’un muscle du cou, habituellement le sterno-cléido-mastoïdien (situé sur la partie antérieure et latérale du cou) et/ou le trapèze (qui recouvre la face postérieure du cou), survenant souvent après une mauvaise position durant le sommeil. Il peut aussi apparaître suite à un faux mouvement ou une mauvaise posture assise prolongée. 

Le torticolis est bénin, mais la douleur peut être très importante et la raideur localisée empêcher tout mouvement de la tête. Les symptômes régressent généralement en 3 à 4 jours.

Le diagnostic est simple avec la présence d’une douleur latérale couplée à une raideur de la nuque. La douleur s’accentue lors des mouvements de la tête, limitant sa rotation. La tête ne peut pas être maintenue droite et elle se penche du côté inverse du torticolis (position antalgique).

 

Description du traitement  

Les deux grands objectifs thérapeutiques dans la prise en charge du torticolis sont de soulager la douleur pour récupérer une mobilité normale et de prévenir les récidives.

 

Médicaments antalgiques

La prise en charge de la douleur est ici assurée par l’ibuprofène, AINS couramment proposé en cas de douleur musculaire, associé à un décontractant musculaire, le thiocolchicoside.

Le thiocolchicoside diminue la contracture en réduisant la résistance passive du muscle à l’étirement. L’action myorelaxante résulterait d’une action agoniste sur les récepteurs glycinergiques situés au niveau du tronc cérébral et de la moelle épinière. La mobilité volontaire n’étant pas altérée, cela évite tout risque respiratoire lié à une paralysie.

 

 Thiocolchicoside et grossesse 

Le thiocolchicoside est contre-indiqué pendant la grossesse et chez les femmes en âge de procréer n’utilisant pas de contraception. En effet, un des métabolites du thiocolchicoside induit une anomalie chromosomique, l’aneuploïdie, caractérisée par la présence d’un nombre anormal de chromosomes dans les cellules. 

Il s’agit d’un facteur de risque de térato-genèse, d’embryo et fœtotoxicité et d’avortement spontané.

Pensez donc à bien vérifier ce point avec la patiente et à l’informer des risques potentiels d’une grossesse.

 

Points de vigilance

  • Il ne s’agit pas d’une contre-­indication, mais le Vidal mentionne que « des cas graves d’hépatites fulminantes ont été identifiés chez les patients prenant concomitamment du thiocolchicoside avec un AINS ou du paracétamol ».
    Si la patiente présente des symptômes d’atteintes hépatiques, elle devra immédiatement arrêter le traitement et contacter son médecin.
  • Des cas de somnolence ont été signalés avec le thiocolchicoside, suffisants pour mettre en alerte les conducteurs de véhicule.
 Point d’actualité : pharmacovigilance 

Les centres régionaux de pharmacovigilance ont récemment rapporté plusieurs cas de complications infectieuses, avec parfois une issue fatale, chez des adultes et des enfants ayant consommé des AINS (ibuprofène et kétoprofène) dans un contexte infectieux.

La prise d’AINS peut en effet masquer les symptômes de fièvre ou de douleur, pouvant retarder la prise en charge et le diagnostic, avec pour conséquence un risque de complication grave de l’infection.

L’ANSM rappelle donc qu’en cas de douleur et/ou de fièvre, notamment dans un contexte infectieux courant (angine, toux, infection dentaire…), il est conseillé de privilégier le paracétamol. Si besoin, utiliser la dose la plus faible d’AINS sur la durée la plus courte possible et arrêter le traitement dès la disparition des symptômes.

 

Solution orthopédique

Le collier C1 prescrit est une orthèse en mousse pour un soutien léger. Il va restreindre l’amplitude du mouvement de la colonne cervicale en évitant de solliciter les structures anatomiques douloureuses (articulation, muscle ou ligament). 

Ce collier favorise un rappel de posture et permet aux muscles cervicaux de se détendre.

La recommandation est de le porter en permanence durant 3 jours, puis d’effectuer un retrait progressif dans la journée avec maintien la nuit pendant 7 jours. 

Le collier cervical ne doit pas être utilisé sur une trop longue période, car il peut augmenter la raideur du cou.

À noter 

Ce collier aide à réduire les mouvements de flexion antérieure et latérale du rachis cervical, mais n’a que peu ou pas d’effet sur les mouvements de rotation et les mouvements d’extension.

 

Pour la prise de mesures, évaluez la hauteur entre la fourchette sternale et sous le menton ainsi que la circonférence à la base du cou. 

Un essayage reste indispensable pour une adaptation correcte et un positionnement de la tête avec un regard horizontal. Le collier positionné (en plaçant l’échancrure au niveau du menton), incliner la tête vers le bas doit être impossible.
En mousse souple, il présente également l’avantage de maintenir l’articulation au chaud, favorisant ainsi la décontraction musculaire.

 

CONSEILS ASSOCIÉS

 

Chaleur associée 

Le traitement par la chaleur (bain chaud, bouillotte cervicale, poche de gel) aide à décontracter les muscles du cou et de la nuque, ce qui agit efficacement sur les symptômes et atténue la douleur. 

A contrario, le froid est proscrit, du fait de sa tendance à raidir les muscles.

Une crème antalgique chauffante, à base de salicylate de méthyle et d’huiles essentielles, peut-être conseillée comme : 

  • Le Baume Aroma (salicylate de méthyle, lévomenthol, piment, girofle), à partir de 7 ans.
  • Le Baume Saint-Bernard (salicylate d’amyle, camphre, lévomenthol, capsicum) ou Inongan crème (salicylate de méthyle, camphre, eucalyptus), chez l’adulte.

Ces crèmes sont déconseillées chez le patient épileptique et en cas d’allergie aux salicylés. Elles sont également contre-­indiquées chez la femme enceinte pendant les 4 derniers mois de grossesse et en cas d’allaitement.

Des patchs chauffants peuvent être appliqués sur la zone douloureuse en journée, en l’absence de collier cervical. 

 

Recommandations hygiéno-diététiques

Quelques conseils supplémentaires de prévention : 

Dormir sur un matelas ferme, avec un oreiller qui soutient bien la nuque. Vous pouvez préconiser l’utilisation d’un oreiller à mémoire de forme disponible chez les prestataires de MAD.

Par temps froid ou humide, protéger son cou : porter écharpe, foulard ou col roulé.

Lors d’un long voyage (avion, voiture) : utiliser un cale-nuque pour soulager les muscles du cou.

En cas de travail en position assise : effectuer régulièrement des mouvements du cou, des épaules et des bras, afin de détendre les muscles.

À titre préventif, divers exercices musculaires doux sont recommandés : mouvements réguliers de la tête dans les 4 axes  ; haussements d’épaules  ; mouvements décontractants des bras.

 

Magnésium 

Ce sel minéral est reconnu pour participer au fonctionnement normal du système nerveux et des muscles. Un apport de 300 mg par jour est alors recommandé. 

 

Kiné ou pas kiné ?

En cas de torticolis bénin et ponctuel, la kinésithérapie n’est pas nécessaire. En revanche, en cas de récidives, le médecin pourra prescrire des séances de rééducation pour relaxer les muscles et soulager les douleurs, afin de pouvoir ensuite remobiliser le cou. La rééducation prévient aussi les éventuelles récidives de torticolis. ■

 

 Motifs de consultation 

Lorsqu’un patient se présente au comptoir avec une symptomatologie évocatrice d’un torticolis, il est essentiel de lui poser les bonnes questions afin d’éliminer de potentielles causes d’urgences :

  • Une  douleur à la nuque violente, suivie de troubles de la parole, d’une faiblesse musculaire dans un bras ou une jambe, ou de troubles de la vue.
  • Une douleur d’origine traumatique (choc, coup) ou si le patient pratique un sport violent.
  • Présence de fièvre et/ou des maux tête et/ou de photophobie, des vomissements, un état confus ou de torpeur.
  • Des vertiges ou des bourdonnements d’oreilles accompagnent la douleur de la nuque.
  • Il s’agit d’un enfant. Un torticolis infantile est souvent annonciateur d’une infection au niveau de la gorge ou des oreilles. 


Le patient devra être orienté vers une consultation médicale si les douleurs de nuque l’empêchent de dormir, si elles ne diminuent pas après 48 h d’automédication ou si le torticolis survient à répétition.
Il en va de même en cas de pathologie ostéo-articulaire sous-jacente : hernie discale, cervicarthrose, pathologie arthrosique après 40 ans, rhumatisme axial ; ou si la douleur est pulsatile. 

Il sera également préférable de l’orienter vers un médecin si la douleur irradie vers l’épaule ou le bras et prend la forme de brûlure ou de picotements : il pourrait s’agir d’une névralgie cervico-brachiale.