Départ en vacances : comment accompagner vos patients ?

Peur de l’oubli, charge d’organisation importante, décalage horaire, condition de transport… Le départ en vacances peut être une source d’anxiété pour certains patients, surtout polymédiqués. 

CAS N°1

Déshydratation et diurétiques

Monsieur Paul B., 72 ans, part visiter sa famille fin juin dans le Sud de la France. Suite à sa consultation avec le médecin, il vient récupérer son traitement antihypertenseur habituel avant de partir. Il est traité avec l’association irbésartan 150 mg/hydrochlorothiazide 12,5 mg.

 

Un voyageur âgé en bonne santé ou bien équilibré avec son traitement – c’est le cas de Monsieur Paul B. – ne présente en principe pas plus de risque qu’un autre voyageur.

Cependant, il doit être alerté sur la diminution de ses capacités d’adaptation physiologique et sur sa sensibilité à une déshydratation. D’autant que dans le Sud de la France, à cette période, Paul B. peut se retrouver confronté à de fortes chaleurs.

 

¡ Que calor !

Du fait de son âge, le patient est plus à risque des coups de chaleur. Cette élévation de la température corporelle centrale se traduit par une hyperthermie d’abord avec sudation, puis sèche, accompagnée d’un état de faiblesse générale. Si des troubles de la conscience ou une déshydratation apparaissent, le pronostic vital peut être engagé. Il doit pouvoir reconnaître ces symptômes.

Le risque de déshydratation lié aux températures élevées est également potentialisé chez ce patient par l’augmentation de la diurèse sous l’action du diurétique. Si la déplétion potassique due à l’hydrochlorothiazide est atténuée par l’effet épargneur de potassium de l’irbésartan, ce diurétique peut tout de même provoquer un déséquilibre hydro­électrolytique (hypokaliémie, hyponatrémie et alcalose hypochlorémique). 

Il n’est pas nécessaire de revoir la posologie de son traitement, mais Paul B. devra veiller à bien s’hydrater : 

  • Boire régulièrement sans attendre d’avoir soif ;
  • Éviter l’alcool qui réduit les capacités de lutte contre la chaleur et favorise la déshydratation ;
  • Les boissons riches en caféine ou trop sucrées augmentent la diurèse. Il en est de même avec certaines infusions ;
  • L’hydratation peut aussi se faire par des aliments riches en eau : fruits frais et crudités, soupe froide, compotes.

 

Lui indiquer les signes d’alerte d’une déshydratation auxquels il devra être vigilant : sécheresse de la bouche, soif (attention chez les personnes âgées la sensation de soif est diminuée), faiblesse, léthargie, somnolence, agitation, maux de tête, hypotension, diminution de la production d’urine ou urines foncées, tachycardie.

 

Voyage et constipation

Avant de partir, il vous demande un laxatif, car il sait qu’il peut être constipé quand il n’est pas chez lui. Il a vu la publicité à la télévision et vous demande du Dulcolax. Le bisacodyl est un laxatif stimulant qui augmente la motricité colique et la sécrétion intestinale d’eau et d’électrolyte. Il est donc incompatible avec le traitement du patient et est ici contre-indiqué.

En plus de conseils hygiéno-diététiques – dont une alimentation riche en fibres et un peu d’activité physique -, recommandez-lui en première intention un laxatif de lest. Celui-ci facilite des selles plus volumineuses, plus hydratées et plus molles, toujours à condition qu’il s’hydrate efficacement.

 

 le conseil en + pour la trousse de Paul B.
  • Un spray d’eau thermale pour se rafraîchir
  • Des sachets de solutés de réhydratation orale pour les nourrissons, mais également adaptés aux adultes.
  • Un autotensiomètre

 

Attention

La constipation peut être un signe de déshydratation que le traitement laxatif pourrait masquer.

 

 

CAS N°2

S’envoler avec sa pompe à insuline

Madame Ryuko J. vient pour son fils Hiroki de 11 ans, diabétique de type 1 et porteur d’une pompe à insuline. Ils se rendent au Japon pour les deux mois de vacances. Elle souhaite faire le point sur son traitement pour être sûre de ne rien oublier. Décalage horaire, chaleur, modification des habitudes alimentaires… Pour 40 % des diabétiques, partir en voyage représente une vraie question d’organisation.

 

Pour un voyage à l’étranger, il est possible de commander auprès de la société prestataire de service, une pompe de remplacement. Le patient doit bien penser à noter le schéma de débit de base et les données pour les bolus pour facilement reprogrammer la pompe de remplacement si besoin.

En fonction du pays de destination et la difficulté d’accès à un traitement ou à du matériel, cela peut valoir le coup de partir avec chaque item en double. Dans tous les cas, prévoir 30 % à 50 % de matériel et d’insuline en plus en cas d’aléas, à répartir dans plusieurs bagages en cas de perte ou de vol.

 

Vol en avion, des particularités à respecter

Avant un départ, une consultation avec le diabétologue est souhaitable pour qu’il vérifie l’équilibre glycémique et le schéma d’injection. Idéalement, il rédige une ordonnance en DCI où il rappelle les modalités d’injection et le schéma de débit de la pompe. Il peut également fournir un certificat en anglais, car le transport de seringues et d’aiguilles dans la cabine de l’avion peut nécessiter une autorisation.

Pour le transport, prévoir un sac isotherme pour l’insuline et le glucagon. À noter qu’une fois entamées, la plupart des insulines peuvent être conservées à température ambiante pendant 1 mois après ouverture. Le glucagon peut, lui, être conservé en dehors du réfrigérateur à température ambiante pendant 18 mois.

Enfin, il faut toujours prévoir une petite collation en cas de retard de transport, et du sucre face à une hypoglycémie.

Le bulletin épidémiologique hebdomadaire concernant les recommandations sanitaires pour les voyageurs fait mention « de bulles d’air pouvant se former dans le dispositif de pompe à insuline (cartouche et ligne) durant les variations de pression en cabine. On peut être amené à déconnecter la pompe au décollage, puis à la reconnecter en altitude de croisière après avoir purgé les bulles, et répéter la même procédure à l’atterrissage ».

 

Liste du matériel indispensable en cas de traitement par pompe : 

  • La pompe
  • L’insuline en quantité suffisante
  • Les réservoirs cathéters, piles et patchs anesthésiants
  • Lecteur de glycémie avec piles de secours
  • Suffisamment de bandelettes et de lancettes
  • Kit du glucagon
  • Kit collecteur Dastri
  • Compresses et désinfectant
  • Lecteur de cétonémie 
  • Matériel pour le schéma de remplacement en cas de dysfonctionnement de la pompe : stylos et cartouches d’insuline rapide et lente, aiguilles.
  • Carte de diabétique et celle de porteur de pompe

 

 Partir avec 2 mois de traitement 

La prescription du médecin doit mentionner son accord : « délivrance d’une quantité suffisante en une fois dans le cadre d’un départ à l’étranger ». Le patient doit faire une demande auprès du service médical de sa caisse d’Assurance maladie en lui adressant la prescription et une attestation sur l’honneur. C’est sur présentation de l’accord de l’Assurance maladie que le pharmacien pourra délivrer la quantité prévue.

 

Se mettre à l’heure nipponne

Tout décalage de plus de 3 heures nécessite une adaptation des doses d’insuline et d’augmenter la fréquence de son autosurveillance. C’est notamment le cas au début du séjour, le temps de s’adapter au régime local et aux éventuels encarts alimentaires.

Pour les porteurs de pompe, il est recommandé de maintenir les bolus d’insuline rapide en fonction des repas et des glycémies et de garder l’horloge de la pompe sur l’heure du pays de départ durant tout le voyage en programmant le plus petit basal d’insuline déjà utilisé. Ce n’est qu’une fois arrivé à destination que le voyageur peut régler sa pompe à l’heure locale.

Autre point de vigilance : en voyage, les activités physiques peuvent être plus intenses et plus fréquentes que d’habitude. Il faut donc anticiper les efforts et surveiller la glycémie avant, pendant et après l’activité physique. ■

 

CAS N°3

Pilule, décalage horaire et thrombose

Madame Alice L., 35 ans, part au Brésil pendant 10 jours. Avant le départ, elle vient renouveler sa contraception œstroprogestative de Minidril. Par ailleurs, depuis sa grossesse et la naissance de son enfant, elle est sujette aux hémorroïdes. Le long trajet en avion lui fait redouter une crise.

 

Gare au décalage horaire

Mme Alice L. prend sa contraception tous les soirs au coucher, vers 22 h. Il est estimé que la protection contraceptive peut être réduite seulement si plus de 36 heures s’écoulent entre 2 prises. Le décalage horaire avec le Brésil est de 5 heures. Si la patiente se met à l’heure locale et prend sa pilule à 22 h heure brésilienne, le délai d’efficacité est conservé. Le plus simple pour éviter les oublis est donc de maintenir l’heure de prise et de simplement l’appliquer à l’heure locale.

 

Voyage aérien et risque thrombo-embolique

Le transport en avion multiplie par 2 ou 3 le risque de thrombose veineuse profonde, dès 4 heures de vol et d’autant plus que le trajet est long. Certains facteurs peuvent s’y ajouter : tabagisme, antécédents personnels ou familiaux, cancer actif, grossesse, contraception œstro­progestative… En effet, il est avéré que le risque de thrombo-embolie veineuse est augmenté chez les femmes qui utilisent un contraceptif hormonal combiné par rapport aux femmes qui n’en utilisent pas. Le risque est même maximal au cours de la première année d’utilisation. C’est le cas d’Alice L. qui, suite à une grossesse, vient de reprendre une contraception.

 

À savoir

10 mois après la naissance de son enfant, elle n’est « médicalement » plus considérée en post-partum. Ce n’est donc pas un surrisque pour elle à ce stade.

 

L’immobilisation même temporaire durant les trajets aériens constitue un facteur de risque de TEV. Des mesures de prévention sont alors indispensables :

  • Éviter les vêtements serrés ;
  • S’hydrater régulièrement ; 
  • Bouger le plus souvent possible, en se déplaçant dans l’avion ou en réalisant des exercices assis ;
  • Éviter la prise d’hypnotique car il favorise l’immobilité.

 

Contention veineuse

Pour un trajet long en avion, le port de contention veineuse est justifiée pour tous, mais pour notre patiente la présence d’un facteur de risque, à savoir une contraception œstro­progestative, impose le port de contention de classe 2.

À savoir

En cas de risque très élevé, et en complément des mesures citées, les héparines de bas poids moléculaire peuvent être prescrites hors AMM en prophylaxie. 

 

Et les hémorroïdes ?

Une congestion, une stase ou une gêne mécanique au retour veineux, comme une position assise prolongée par exemple, peuvent favoriser la survenue d’une poussée hémorroïdaire. Associé à une chaleur locale et un peu de constipation, tout est réuni dans les 12 h de vol entre Paris et Rio de Janeiro pour déclencher une crise. Des comprimés de veinotoniques peuvent être pris en prévention associés à quelques règles hygiéno-­diététiques. Si l’hémorroïde apparaît, la posologie du veinotonique pourra être augmentée et accompagnée d’une crème apaisante locale, type titanoréine avec ou sans lidocaïne si la patiente est sujette à des douleurs associées.

 

Destination Rio

La vérification du statut vaccinal est une étape indispensable de la préparation de son voyage. Pour Alice L., qui va séjourner à Rio de Janeiro, les vaccins suivants sont recommandés :

Hépatite A : 1 injection minimum 15 jours avant le départ (prévoir un rappel 1 à 3 ans plus tard pour une immunité longue durée). Elle fait partie des souches que le pharmacien peut vacciner. N’hésitez pas à l’informer de cette opportunité.

Fièvre jaune : 1 injection minimum 10 jours avant le départ, en centre de vaccination habilité.

À savoir

En cas de séjours plus prolongés, les vaccinations contre l’hépatite B, la rage (en situation d’isolement) et les typhoïdes (dans des conditions d’hygiène précaire) sont conseillées.

La prophylaxie antipaludisme n’est pas de mise dans une ville telle que Rio, l’utilisation de répulsif antimoustique peut cependant s’avérer utile. ■

 

 Lutter contre le « jet lag » 

La mélatonine est la molécule tout indiquée, car efficace pour réguler le rythme circadien, contrairement aux hypnotiques qui n’ont pas d’effet sur la resynchronisation du sommeil.

À libération immédiate ou sous forme de spray, elle permet de déclencher le sommeil et de corriger le décalage horaire.

Certains conseils hygiéno-diététiques peuvent s’avérer utiles comme décaler d’une heure par jour son heure de coucher (dans le sens de la destination) les jours qui précèdent le départ. Durant le vol, éviter les boissons riches en caféine et l’alcool et profiter du trajet pour dormir.