Cet entretien est une chance inestimable pour la profession qui a aussi la possibilité d’aller bien au-delà du déroulé proposé par l’Assurance maladie… à condition d’être formé et de s’en sentir capable.
Proposé au comptoir aux familles dès le 4e mois de grossesse, l’entretien « court » femme enceinte vise principalement à limiter les risques tératogènes ou fœtotoxiques, faire le bilan des médicaments prescrits et ceux pris en automédication et vérifier le statut vaccinal.
Un déroulé type est mis à disposition par l’ANSM, avec la possibilité de télécharger des supports papier, vidéo ou audio pour vous aider à mener l’entretien et conseiller votre patiente.
Valoriser le conseil en périnatalité
Il s’agit d’un temps d’échanges qui, si possible, doit être réalisé avec les deux parents. Pour Christine Le Fournier, titulaire à Grenoble d’une pharmacie certifiée IPhAN (pour initiative pharmacie amie des nourrissons), qui s’exprimait lors du congrès des 16es Rencontres de l’Officine, « le code acte est faible (aujourd’hui d’une valeur de 5 € TTC) et cela peut paraître négligeable mais ça ne l’est pas du tout. Cet entretien est une merveilleuse opportunité de mettre en avant notre capacité à nous comporter en soignants face à une famille. L’occasion de faire reconnaître nos conseils en matière de périnatalité ».
L’entretien permet en effet une valorisation forte de la compétence de l’équipe officinale. « Vous avez la possibilité de gagner la confiance des parents, la fidélité de la future famille et également la reconnaissance des autres professionnels de santé. »
Pensez-y : pour conclure cette entrevue, il est recommandé d’adresser à la femme enceinte un mail via son Espace numérique en santé. Vous lui faites ainsi découvrir cet outil et vous pouvez l’orienter vers des liens utiles et certifiés.
Des pistes pour enrichir l’entretien
En plus du risque iatrogénique et tout en bornant votre temps à 15 minutes, il vous est possible d’aborder de nombreux autres sujets. Voici quelques pistes pour enrichir ce temps d’échanges :
Faire le point sur la vaccination
Se faire vacciner pendant la grossesse est une crainte relativement fréquente et de nombreuses femmes préfèrent attendre la naissance de l’enfant pour s’y résoudre, au risque de limiter drastiquement l’effet protecteur chez l’enfant.
Face aux plus sceptiques, tentez de comprendre leurs raisons en utilisant un maximum de questions ouvertes et essayez de les convaincre en apportant des preuves liées aux bénéfices, tout en citant vos sources.
Avant la grossesse
- Coqueluche : un rappel est prévu à 25 ans. Vérifier a minima que la femme a reçu une dose au cours des dix dernières années ;
- Rubéole : pour les femmes non vaccinées et nées avant 1980, une injection de vaccin ROR est recommandée lors d’un projet de grossesse (une grossesse devra être évitée dans le mois qui suit la vaccination) ;
- Varicelle : la vaccination est recommandée pour toutes les femmes non immunisées naturellement.
Pendant la grossesse
- Grippe saisonnière : vaccination, quel que soit le terme ;
- Covid-19 : dès le premier trismestre ;
- Concernant la coqueluche, la stratégie de protection des nouveau-nés a évolué : au cocooning est désormais préférée la vaccination de la femme enceinte à partir du 2e trimestre de grossesse (de préférence entre la 20e et 36e SA). Un vaccin tétravalent (dTcaP) peut être utilisé et sera renouvelé à chaque grossesse, assurant ainsi qu’une quantité suffisante d’anticorps soit transmise au fœtus pour le protéger dès sa naissance et durant les premières semaines de vie, pendant lesquelles il est le plus vulnérable face à cette infection.
L’entretien prénatal précoce
Il fait désormais partie des rendez–vous obligatoires du suivi de grossesse et est pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie.
Conseillé à partir du 4e mois de grossesse, individuel ou en couple, il correspond à un temps d’échanges et d’écoute avec la sage-femme ou le médecin.
Au comptoir, vous pouvez en profiter pour vérifier si cet entretien a bien été programmé.
En effet, aujourd’hui, seules 30 % des femmes enceintes bénéficient de ce moment d’échanges. L’objectif annoncé par le gouvernement ? Atteindre 60 % de couverture.
Aborder les conduites à risques
L’entretien permettant de traiter le risque iatrogénique des médicaments, il est donc relativement facile d’enrichir la discussion en abordant d’autres consommations à risque pour la mère ou l’enfant.
Questionnez-la, sans la juger, sur sa consommation de tabac, d’alcool ou de drogue en lui indiquant que des solutions existent à la pharmacie ou auprès de professionnels spécialisés pour l’aider. Encouragez-la dans ses efforts et n’hésitez pas à mobiliser son entourage si cela est possible.
Prodiguer quelques conseils alimentaires
Notamment ceux pour prévenir les pathologies fœtales liées à la listériose et la toxoplasmose. À nouveau, l’information transmise doit être uniforme et de référence pour tous les professionnels de santé. Fini l’exemple de la cousine, le conseil de la vieille tante ou les expériences personnelles de type « moi, j’ai mangé du fromage et tout s’est bien passé » : le discours doit être professionnel et rigoureux.
Les conseils de couchage
Dans une optique de prévention, il convient de rappeler aux futurs parents les conseils de couchage :
- Coucher bébé sur le dos dans un environnement de sommeil adapté : gigoteuse et turbulette et non pas couette ou couverture, tenir éloignés oreillers, peluches et autres objets mous ;
- Le glissement du bébé entre son matelas et le lit existe bien : vérifier que le matelas est adapté et n’en rajouter surtout pas un dans les lits parapluies.
À savoir : l’adoption de ces bons réflexes a permis de réduire de 75 % les accidents de mort subite du nourrisson.
Informer sur le rythme et les besoins du nourrisson
Pour Soazick Sirand, infirmière puéricultrice et conseillère en lactation, elle aussi présente aux Rencontres de l’Officine, « des parents bien informés peuvent se sentir moins démunis face aux pleurs de leur enfant et moins facilement perdre leurs moyens. Parler notamment en amont du syndrome du bébé secoué, peut participer à limiter le passage à l’acte ».
Chaque année en France, plusieurs centaines d’enfants sont encore victimes de cette maltraitance. Le pharmacien peut relayer les bons gestes à adopter et aider les parents à prendre conscience de leurs limites. Par exemple, reconnaître quand il est nécessaire de coucher l’enfant bien en sécurité sur le dos dans son lit, et quitter la chambre quelques minutes pour trouver le moyen de se détendre ou passer le relais.
Les bienfaits du peau à peau et du contact
Pour Christine Le Fournier, « le besoin de contact pour le nouveau-né est primordial, aussi important que celui de respirer ou de s’alimenter. Il peut éviter beaucoup de pleurs pour l’enfant mais aussi limiter le risque de dépression post-partum chez la maman ».
Son conseil : toujours avoir en stock des bandeaux de peau à peau, qui ne sont pas des solutions de portage, mais qui permettent de tenir l’enfant contre soi pour qu’il puisse ressentir les bruits de respirations et de battements du cœur, avec lesquels il a grandi pendant 9 mois.
Si vous proposez des solutions de portage, il est essentiel que vous soyez formé ou accompagné pour les promouvoir.
Pour vérifier l’innocuité d’un traitement
Pensez au Crat, Lactencia materna, Lactmed (site en anglais de toutes les références de pharmacovigilance) ou à l’application HalesMeds
Pour les parents, une page leur est dédiée sur médicamentsetgrossesse.fr
Pour aller plus loin
CEFAN Santé prodigue des formations sur mesure sur le thème de l’accompagnement à la périnatalité en officine.
IPhAN est une certification pour les pharmacies qui souhaitent la reconnaissance de leur expertise dans le domaine du soutien à la parentalité et de l’alimentation du nourrisson.
Vanter les bénéfices de l’allaitement maternel
Pour Soazick Sirand, il faut simplement « peser ses mots pour ne pas être culpabilisant vis-à-vis des femmes qui ne font pas ce choix, mais il est tout de même possible de leur transmettre les bénéfices que représente l’allaitement maternel pour elles comme pour leur enfant. »
A la pharmacie : un mal = une solution
Rares sont les femmes enceintes qui ne souffrent pas des petits maux de la grossesse. Pensez à élargir la conversation et questionnez-les : il est très probable que vous ayez une solution à leur proposer qu’il s’agisse de constipation, nausées, fatigue, douleurs dorsales (ceinture pelvienne, talonnettes en silicone ou coussin de positionnement) ou aux seins (prévoir des soutiens-gorge de grossesse/allaitement), masque de grossesse, varices… C’est aussi l’occasion de leur conseiller des produits d’hygiène et de soins adaptés et dépourvus de perturbateurs endocriniens. ■
Des outils et supports auxquels se fier et vers lesquels orienter les familles
• L’ANSM et le Cespharm proposent entre autres des affiches, des flyers qui permettent d’uniformiser les messages à transmettre aux futurs ou jeunes parents : en se basant sur les mêmes données, les mêmes recommandations des sociétés savantes, les professionnels de santé assurent une cohérence de discours auprès des patientes. Elles reçoivent ainsi les mêmes conseils provenant de la sage-femme, du pédiatre ou du pharmacien et non plus des avis basés sur des expériences personnelles ou familiales.
• Le site des 1 000 premiers jours est un outil très complet à proposer aux familles et qui répond à un grand nombre de leurs interrogations.
• Mpédia est un site validé par des pédiatres. Un Chat en ligne vient d’être créé avec un médecin, spécialiste de l’enfance et de l’adolescence (0-18 ans), disponible en ligne de 18h30 à 21h. Utile lorsque l’on sait que c’est le soir que les parents sont le plus anxieux, quand ils n’ont plus de professionnels à qui s’adresser…