Fraîchement diplômé, Benoît Frimon-Richard a décidé de quitter l’industrie pour l’officine et de délaisser la ville pour la campagne. Il nous explique comment il imaginait la vie de pharmacien, et comment désormais il la vit. Portrait d’un jeune pharmacien ardent.
Un étudiant qui se rêve dans les couloirs des ministères… Et finalement s’épanouit dans une pharmacie rurale. DR
La Revue Pharma : Comment se sont déroulées vos études de pharmacie ?
Benoît Frimon-Richard : Quand j’ai passé le concours de la Paces, j’étais un des rares de ma promo à vouloir pharmacie – mes parents sont pharmaciens -. Ensuite, j’ai choisi la filière industrie et pour ma 6e année, j’ai fait un master à Sciences Po. J’avais initialement l’idée de rejoindre l’administration centrale ou les ARS. Puis, le Covid est arrivé, avec une grande remise en cause de mon mode de vie. Je me suis aperçu que je n’aimais pas trop Paris et que je ne me voyais pas y vivre. C’était à la fois un désir de changer de mode de vie, d’environnement, mais aussi de me sentir utile aux autres.
C’est simplement la crise sanitaire qui a déclenché ce changement ?
J’ai eu la chance de croiser Guillaume Racle, pharmacien et syndicaliste à l’USPO. Il m’a expliqué mes quatre vérités lorsque je lui ai annoncé que je voulais intégrer l’ENA pour aller à l’Igass. Nous nous sommes disputés ; cela m’a travaillé pendant plusieurs jours… Ensuite, j’ai rencontré une pharmacienne, Marie-Josée Augé-Gaumont, syndicaliste, qui donnait une conférence à Sciences Po, et là, ce fut la révélation. Elle a apporté quelque chose à la société, tout en étant une pharmacienne d’officine au contact de la population. Je me suis rendu compte que je ne pourrais jamais être aussi crédible en fonctionnaire qu’en tant que pharmacien. La vie de cette femme m’a beaucoup inspiré. Désormais, je sais ce que je veux : être utile à la société et plus épanoui en travaillant en officine.
Le Covid est arrivé, avec une grande remise en cause de mon mode de vie. C’était à la fois un désir de changer d’environnement, mais aussi de me sentir utile aux autres. ”
Y a-t-il eu un choc entre l’idée que vous vous faisiez de l’officine et la réalité du métier ?
Je me suis pris une première claque en matière de formation : venant de la filière industrie, je ne connaissais pas grand-chose. J’ai donc dû rattraper mon retard sur le conseil et la pharmacologie. Je n’ai pas cessé de m’instruire, auprès d’organismes de formation, via des applications, en lisant la presse pro… Ensuite, j’ai compris que pour pouvoir revendiquer une profession meilleure, il faut d’abord l’appliquer à soi-même ! Si je ne suis pas capable de réaliser un entretien ou un BPM en étant à l’aise, je ne vais pas être hypocrite et demander des missions aux pouvoirs publics.
Autre grande claque, celle de la ruralité ! Sortir de l’administration pour arriver à la campagne n’a pas été évident ; je n’étais pas prêt… C’est tout bête mais, par exemple, en santé animale quand j’ai eu un Monsieur tenant une écurie me demandant 4 boîtes de Smecta, j’ai découvert la dose de cheval. Ce qui m’a finalement aidé a été la gentillesse et la bienveillance des patients, qui sont incroyables. Il y a encore quelque temps, l’un deux m’a préparé un repas pour me remercier parce que j’étais de garde.
J’ai aussi été étonné des difficultés liées à la transition. Dans la pharmacie, j’ai envie de tout changer, tout de suite ! La titulaire, qui est ma mère, n’est pas prête, même si elle part bientôt à la retraite. C’est un entrecroisement des volontés.
Il y a aussi des surprises lorsque l’on veut passer d’adjoint à titulaire…
Tout à fait. Il faut bien connaître l’entreprise pour ensuite pouvoir la modifier, l’améliorer, et surtout faire en sorte qu’elle nous ressemble. C’est loin d’être facile ! En tant que salarié, vous faites votre travail, comme le demande le titulaire. Parfois, vous lui dites que cela ne va pas mais à la fin, c’est lui qui décide : c’est normal, c’est sa boîte.
Pour moi, le moins intéressant dans le métier est la gestion des commandes et la charge mentale qui en découle : je souhaite qu’elle diminue fortement ! L’ancienne équipe supportait une charge que je ne trouve plus acceptable. Automatiser et informatiser sont les solutions mais elles ne sont pas simples à mettre en place face aux craintes liées au changement, ce qui se comprend pour des personnes qui travaillent de la même façon depuis 10 ans. L’aspect management est aussi assez inédit. Ce n’est pas un choc, mais c’est un -challenge !
J’ai été adjoint très peu de temps et je me retrouve propulsé très rapidement titulaire. Je suis très bien accompagné mais les méthodes de ma mère ne sont pas toujours au goût du jour. Je me rends compte aussi que trouver des experts-comptables, un groupement… est compliqué même si de très bons articles de La Revue Pharma m’aident !
Quelles sont vos attentes pour l’avenir ?
Réussir la succession prévue en mars prochain pour ensuite agrandir la pharmacie, puis la robotiser avant de pouvoir mettre en place les nouvelles missions du pharmacien. Cela serait une réussite professionnelle. J’ai aussi envie de m’engager dans ma CPTS, aider pour avancer sur les sujets qui me tiennent à cœur, notamment en prévention, en permanence des soins. Beaucoup de choses sont à réaliser sur notre territoire. Je souhaite également m’investir dans le Syndicat des pharmaciens de l’Essonne, un syndicat qui, d’ailleurs, unit USPO et FSPF. •