Faut-il vraiment mincir ?

La question effleure nos esprits en quête de santé et de bien-être et également pour répondre aux codes d’une société encore dominée par un esthétisme de la minceur. Aujourd’hui, ce n’est pas tant la nécessité qui interroge mais plutôt la manière dont on s’y prend. Comment le pharmacien peut-il accompagner au mieux les patients qui font ce choix de mincir ?

Attention aux régimes 

Le surpoids et l’obésité sont un problème de santé publique, mais pour les nutritionnistes les régimes amaigrissants sont une mauvaise réponse. Comprendre les mécanismes de perte de poids est essentiel pour mincir en bonne santé. Explications.

 

Beaucoup veulent perdre du poids avec des résultats rapides sur la balance. Le Pr Éric Fontaine, médecin–nutritionniste au CHU de Grenoble, en est témoin dans son exercice et souhaite alerter sur la pratique des régimes amaigrissants : « Ceux qui veulent mincir sont capables de se faire violence un temps, mais reprennent ensuite leurs vieilles habitudes… et malheureusement, c’est le pire qui puisse arriver ». 

 


 Les mécanismes de la prise de poids

Explication du Dr Jean-Michel Lecerf, chef de service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille.

« La prise de poids s’installe lorsque la balance énergétique se positive de façon régulière : la personne mange plus qu’elle ne dépense pendant plusieurs jours, plusieurs semaines. » Au niveau des adipocytes, cela s’explique par deux mécanismes. « Tout au long de notre vie, mais particulièrement lorsque l’on est jeune, les adipocytes se multiplient et leur nombre ne peut jamais diminuer. Ils se mettent ensuite à grossir ; c’est là que l’on prend du poids. Leur taille, si elle peut rétrécir, va surtout avoir tendance à augmenter jusqu’à atteindre un seuil maximal. L’organisme va alors recruter de nouveaux adipocytes et la maladie va s’accentuer. »


 

Les méfaits de la restriction calorique 

Au cours d’un régime par restriction calorique, l’amaigrissement ne se fait pas uniquement aux dépens des réserves de masse graisseuse. « Pour compenser un déficit calorique, l’organisme va puiser dans deux compartiments (sachant qu’il existe peu de stock glucidique), les réserves graisseuses et les réserves protéiques. » Les muscles étant des organes lourds et gorgés d’eau, ces régimes fonctionnent et la perte de poids sur le court terme est au rendez-vous ; mais, en réalité, ils cachent un effet pernicieux de fonte musculaire.

Aussi, le médecin conseille « la pratique du sport, non pas pour augmenter les dépenses énergétiques, cela est rarement suffisant pour faire basculer la balance énergétique apport-dépense, mais parce qu’il s’agit du meilleur stimulus pour préserver ses muscles ».

 

L’effet yoyo

S’installe ensuite la difficulté à maintenir ce nouveau poids de forme. « Les gens sont capables de s’astreindre un temps à des restrictions caloriques, mais cela devient vite contraignant. Ils reprennent progressivement leurs anciennes habitudes et récupèrent lentement les kilos perdus, mais sous forme de tissu adipeux et non pas de muscle. » 

À force de régime, le corps est transformé, et là où les muscles, même au repos, gardaient un certain tonus avec une dépense énergétique, se trouve de la masse adipeuse, un compartiment qui ne consomme rien. La personne se retrouve dans la situation où pour maintenir son poids, elle doit se priver. 

Le Dr Lecerf, chef de service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, alerte à ce sujet : « rentrer dans le système des régimes est une catastrophe et vouloir être en dessous d’un poids que l’on n’a jamais eu est une très mauvaise idée ». L’Anses confirme ses propos : en effet, 80 % des sujets n’y parviennent pas et reprennent du poids dans l’année qui suit le régime.

 

Quelles sont les solutions ?

Pour le Pr Éric Fontaine, « le seul secret pour maigrir comme il faut et en bonne santé est de se donner des objectifs de perte de poids lente et sur le long terme. Malheureusement, les gens veulent exactement le contraire ». 

Réussir à expliquer aux patients que mincir ne passe pas simplement par un régime transitoire, mais par un changement comportemental de toute une vie est essentiel. Le nutritionniste compare cela « à quelqu’un qui s’arrêterait de fumer un mois pour reprendre juste après… Ce qu’on vise n’est pas d’arrêter constamment mais un arrêt définitif ! Les personnes qui ont grossi doivent comprendre que ce n’est pas un régime qu’il faut faire, mais un changement d’alimentation pour le reste de leur vie ».

 

Surpoids et obésité : quelle recommandation ?

La HAS estime qu’« il n’y a aucun argument pour proposer un amaigrissement à un patient en surpoids sans comorbidité. Mais il est important que le poids ne progresse pas ». Cependant, la présence de comorbidité(s) doit inciter à la réduction pondérale, à l’instar du diabète de type 2 et de l’hyper-tension débutante, mais elle doit être réalisée dans le cadre d’une prise en charge par un professionnel de santé.

En ce qui concerne l’obésité, maladie chronique, il a été observé qu’une perte de poids de 5 à 10 % permettait de réduire les comorbidités associées (apparition d’un diabète de type 2, handicap lié à l’arthrose, diminution de la TA, amélioration des capacités respiratoires).

La demande de conseils pour mincir existe à l’officine et le pharmacien peut se sentir dans une certaine ambivalence. D’une part, il doit répondre à l’attente de son patient qui souhaite être accompagné dans sa perte de poids parfois avec des compléments alimentaires, d’ailleurs jugés peu efficaces par les nutritionnistes interviewés. D’autre part, il doit prodiguer des conseils de prévention vis-à-vis de la pratique des régimes amaigrissants. •


Mincir à la pharmacie

Concomitamment aux magazines qui se remplissent d’articles sur les régimes, les étagères des pharmacies débordent de produit « aide minceur ». Entre prévention et conseils, quel est le juste positionnement à avoir ?

 

Face au surpoids, il n’existe pas d’attitude homogène : étant tous différents, nous ne pouvons pas tous avoir un même corps qui répond à un « idéal de minceur » dicté par nos sociétés. Pour le Dr Jean Michel Lecerf, chef de service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, « la réponse régime est une mauvaise réponse. » Voici ses conseils pour les pharmaciens sur la conduite à tenir vis-à-vis d’une personne qui souhaite mincir.

 

Questionner, conseiller et orienter

Le pharmacien doit interroger le patient : 

> Sur sa trajectoire de poids : « l’histoire de la prise de poids : est-elle récente ou ancienne ? Stabilisée, à la hausse ou à la baisse ? » ;

> Sur l’IMC de la personne : « même s’il ne renseigne pas sur le risque de la maladie, il donne une indication sur le degré d’obésité » ;

> Sur la présence ou non de comorbidité : diabète, hyper-tension, cholestérol, tabac, antécédent cardiovasculaire. Le cas échéant, il conviendra d’orienter vers le médecin généraliste.

Il doit également être capable de déceler : 

> Certains problèmes psychologiques, « qu’ils soient cause ou conséquences du surpoids, comme un état dépressif, un syndrome anxieux, mais également les troubles du comportement alimentaires comme l’hyperphagie boulimique ou la boulimie », pour orienter les patients vers un psychologue ou un psychiatre. « Les personnes qui ont une grave mésestime d’elle (je n’y arrive pas, je n’ai pas de volonté) peuvent être accompagnées par des diététiciennes formées à une composante comportementale » ;

> Les facteurs déclenchants : arrêt du tabac, arrêt d’une activité physique, prise de médicament, évènement stressant, changement de mode de vie (télétravail par exemple) pour orienter vers une diététicienne qui proposera des solutions pour une alimentation équilibrée et diversifiée.

Pour comprendre les habitudes de vie et d’alimentation du patient, le nutritionniste conseille de « ne pas poser de questions trop précises de type “Dites-moi tout ce que vous mangez”, mais plutôt “Dites-moi, que pensez-vous pouvoir améliorer dans votre alimentation ?” ou “Que s’est-il passé ces derniers temps qui pourrait expliquer selon vous votre prise de poids  ?” Cela est beaucoup plus intéressant que d’être dans l’injonction ou dans l’interdiction. Un conseil trop agressif ne va pas porter ses fruits. » Selon lui, il faut avancer avec l’idée « de conseil à la demande, de ne surtout pas inonder les gens de milliards de conseils, de proposer des choses réalisables progressivement. »

 

Quantité plus que qualité

« Essayer de changer d’alimentation ? On n’y arrive qu’un temps. En travaillant sur les quantités, on réduit efficacement les apports caloriques, sans avoir à modifier trop profondément ses habitudes. » Apprendre à ne pas se resservir, jouer sur la taille des portions et des assiettes, et travailler sur les sensations alimentaires pour ne pas aller au-delà de ses besoins sont des exemples de pratiques à adopter.

 

Activité physique

Elle ne fait pas maigrir. « La dépense énergétique d’une heure d’activité physique intense n’est que de 300-400 kcal alors que réduire de 200 kcal son assiette, c’est réalisable. » En revanche, l’activité physique est un moyen d’améliorer sa santé et sa balance énergétique et d’éviter la perte de masse musculaire.
Les régimes amaigrissants sont une pratique à dénoncer auprès du grand public, mais aussi des soignants, et doivent être évités en dehors d’une prise en charge par des professionnels de santé. Le pharmacien a toute sa place dans la prévention de ces pratiques en conseillant plutôt une évolution des pratiques alimentaires associée à une activité physique régulière. •

 


 Pour en savoir plus

« Le surpoids, c’est dans la tête ou dans l’assiette ? » par le Dr Jean-Michel Lecerf aux Éditions Quae


 

 Entretien diététique à l’officine, c’est possible !

Créé en 2010 par Lucien Bennatan, Team Pharma est une association nationale d’employeurs permettant à ses adhérents de bénéficier de l’appui de nutritionnistes-diététiciennes à la pharmacie. L’intervention de personnel non salarié dans une officine étant légalement interdite, c’est cette association qui va l’embaucher ; le titulaire peut alors bénéficier de cette prestation en toute tranquillité.

Pour Camille Piquet, diététicienne-nutritionniste et responsable réseau Team Pharma, « ce service rend possible la personnalisation de la prise en charge des patients, qu’ils soient bien portants ou atteints de pathologie. Cette collaboration est tout à fait cohérente : en effet, l’aliment reste le premier médicament. »

Il peut s’agir d’entretien personnel de 45 minutes, comme une consultation, ou d’atelier en surface de vente avec des thèmes variés (trouble digestif, prévention RCV, suivi oncologique et dénutrition, douleur articulaire et état inflammatoire…). « Nous recommandons un entretien toutes les 6 semaines pour organiser un suivi et garder un certain dynamisme. Afin de valoriser cette prestation et pour qu’elle reste une source de motivation et d’implication pour les patients, nous conseillons également au pharmacien de facturer un honoraire par entretien (entre 20 et 40 € versus 60 et 70 € pour une diététicienne libérale). »


La phytothérapie au cœur des aides minceur

Bien que leur usage dans la minceur soit davantage traditionnel que scientifique, les plantes entrent dans la composition de la plupart des compléments alimentaires « aide minceur ». Tour d’horizon.

 

Plantes riches en caféine 

Café vert, thé vert, guarana, maté, kola.

Double action : « brûleur de graisse » en augmentant la thermogénèse et « déstockeur » en favorisant la lipolyse. 

En synergie avec les polyphénols de ces plantes, la caféine, stimulant du métabolisme énergétique, provoque une libération de noradrénaline, neurotransmetteur qui contrôle le déstockage des adipocytes pour fournir de l’énergie. En effet, les acides gras, une fois dans la circulation, sont à disposition des muscles pour être convertis en énergie. En maintenant un taux élevé d’AMPc dans l’adipocyte, la caféine est censée limiter le stockage des graisses.

L’Oranger amer, fréquemment utilisée est, elle, riche en synéphrine, un autre stimulant du métabolisme énergétique.

 

Plantes diurétiques 

Orthosiphon, piloselle, frêne, bouleau, reine-des-prés, cassis, queues de cerise, ananas.

Elles favorisent l’élimination de l’eau contenue dans le corps, soit par un effet diurétique naturel ou en s’opposant à la rétention d’eau. Étant sans impact sur le tissu adipeux, elles sont plutôt indiquées en cas de cellulite pour désinfiltrer les tissus ou en amont d’un régime pour détoxifier l’organisme.

Elles n’ont d’intérêt que si l’usager se force à boire tout au long de la journée (1,5 à 2 L).

Contre-indications : femme enceinte et allaitante, insuffisants rénaux ou cardiaques et hypertendus.

 

Plantes de lest ou « coupe-faim »

Konjac, caroubier, citron, pomme, fucus, nopal.

Le principe est simple : en lestant l’estomac par leur capacité à capter 50 à 100 fois leur poids en eau, ces plantes favorisent le sentiment de satiété. Il est essentiel de recommander la prise une trentaine de minutes avant le repas et de l’accompagner d’un grand verre d’eau. L’augmentation de la viscosité du bol alimentaire par les fibres solubles semble aussi jouer un rôle en ralentissant la vitesse d’absorption des sucres et en gênant l’absorption des graisses.

Attention au fucus en cas de troubles thyroïdiens : son effet amincissant reposerait également sur une teneur élevée en iode qui augmenterait la fonction thyroïdienne.