Ce mois-ci, les étudiants ont publié une grande enquête sur les violences sexistes et sexuelles dans les universités de pharmacie, récupérant plus de 2 100 réponses. C’est avec un sentiment de tristesse mêlée de colère qu’ils en ont dévoilé les chiffres.
Conférence de presse organisée dans la salle des actes de la faculté de pharmacie de Paris. (CREDIT ANEPF)
Qu’est-ce qui ressort de votre enquête sur les violences sexistes et sexuelles (VSS) au sein du cursus pharmacie ?
La première laçon que l’on peut en tirer est que ces violences n’épargnent aucun milieu, y compris universitaire. Les récents scandales à SciencePo Paris, CentraleSupÉlec ou encore l’enquête portée par l’Association Étudiants en Médecine (Anemf) le démontrent.
Notre enquête permet aussi de mettre en exergue les violences dans le monde professionnel des pharmaciens de demain, en milieu hospitalier notamment, mais aussi dans les officines mêmes. Un constat affligeant accompagné de trop nombreux témoignages où étudiants, professeurs, personnels administratifs, médecins, chefs de services hospitaliers mais aussi pharmaciens titulaires, adjoints ou préparateurs en pharmacie sont cités à de nombreuses reprises comme auteurs de ces violences.
41,7 % des répondants ont été harcelés sexuellement, 24 % ont été victimes d’agressions sexuelles. Cela se passe majoritairement dans les soirées…
Ces chiffres sont accablants et résument le poids de « traditions » ancrées dans le milieu universitaire, et dans celui de la santé. Ils révèlent la triste banalisation de ces violences entre étudiants.
L’Anepf travaille aux côtés des associations étudiantes locales afin de former ces dernières aux moyens à mettre en œuvre pour éviter ces VSS durant les soirées organisées. Prendre conscience de l’ampleur de ce phénomène et redoubler de moyens et de vigilance sont absolument nécessaires. Nous ne pourrons pas dire « on ne savait pas ».
Ni la forte féminisation de la profession, ni la vague #metoo ne semblent avoir modifié l’ambiance. Qu’est-ce qui peut faire changer les mentalités ?
Un choc préalable. C’était aussi le but de l’enquête : mettre à disposition un recueil concret pour alerter sur les comportements qui ont lieu et ainsi choquer par la réalité du terrain. Les mentalités évoluent chaque jour au sujet de ces violences qui paraissaient presque « normales » il y a quelques années, dans tous les secteurs, étudiant et professionnel confondus.
1/4 des répondants ont reçu des remarques dégradantes durant un stage. Vous avez relevé des chantages aux notes par des professeurs. Comment assurer des punitions adéquates ?
En libérant la parole, les étudiants oseront plus facilement dénoncer et signaler toute violence subie via un professeur ou un maître de stage. Ensuite, au sein des propositions de l’Anepf figure une résolution relative au statut de maître de stage : nous demandons à ce que son agrément soit conditionné à une formation au sujet des violences sexistes et sexuelles. Concernant les sanctions, un travail conjoint doit être mené avec l’Ordre et les universités pour que les agresseurs soient véritablement sanctionnés.
Il y a très peu de signalements lors des agressions : 25 %. Et 69,8 % des personnes ayant fait des signalements ont souligné l’inutilité de la démarche. Comment créer un parcours simple et efficace ?
En travaillant avec les différents acteurs universitaires et professionnels. Puis, en définissant la place de chacun dans ce parcours afin d’orienter plus facilement les victimes qui auront recours à cette démarche. Enfin, pour que cette dernière soit viable, il faudra communiquer à son sujet directement auprès des étudiants. L’un des principaux écueils étant le manque de visibilité au sujet des dispositifs existants.
Les conséquences de ces violences
Les étudiantes et étudiants interrogés au sujet des conséquences de ces violences sont nombreux à avoir fait part de leurs ressentis : dépressions, envies suicidaires, crises d’angoisse, dévalorisation de soi et difficultés à avoir de nouveaux rapports physiques s’entremêlent à une hausse ou un début de consommation de substances pour presque 16 % des victimes. Tabac, alcool, drogues diverses, antidépresseurs ou anxiolytiques…