À quoi sert l’ordre ?

Garde-fou de la profession, de sa moralité et de son indépendance, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens accompagne aussi les professionnels dans leur quotidien autour de missions… parfois méconnues. Éclairage.

Les pharmaciens se retrouvant devant une chambre de discipline ont l’avantage d’être jugés par des pairs qui sont capables de comprendre les difficultés auxquelles ils ont dû faire face et qui leur a fait franchir les lignes de la déontologie. ”

Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens

 

C’est une vieille histoire… Si l’Ordre a officiellement été créé par l’Ordonnance du 5 mai 1945, ses prémices se dessinent dès la fin du 19siècle sous le Premier Empire. Usage de prête-nom, colportage de plantes médicinales sans titre et charlatans se prétendant apothicaires sont autant de dérives dangereuses pour la santé publique. « Cet intérêt d’encadrement, lié au nombre d’abus, s’accroît dans les années 1920. Mais le grand tournant arrive avec la Seconde Guerre mondiale et le Régime de Vichy qui, dès juillet 1940, renforce le contrôle de la profession, moins dans une logique ordinale que corporatiste », explique Arnaud Lami, directeur du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille Université. En 1939, 80 % des pharmaciens consultés par référendum s’étaient prononcés en faveur de ce projet d’Ordre, sur le modèle de celui existant pour les avocats. 

Personne privée de droit moral chargée d’une mission de service public, l’Ordre regroupe l’ensemble des pharmaciens en métropole et dans les Outre-mer. « La structure garantit à la population les compétences des professionnels et accompagne les confrères dans l’évolution de leur métier en renforçant la qualité de l’exercice autour de 4 grandes missions régies par le Code de la Santé publique », explique la présidente du Cnop, Carine Wolf-Thal.

 

Assurer le respect des devoirs professionnels 

Comme pour toutes les professions réglementées, l’Ordre agit d’abord dans le contrôle de la profession et notamment des inscriptions au Tableau de l’Ordre. L’action disciplinaire est la mission essentielle de ce pan d’activité. Certains patients ont encore l’idée reçue selon laquelle il ne s’agit pas d’une « véritable justice », mais davantage d’un corporatisme. « Pourtant, les pharmaciens se retrouvant devant une chambre de discipline ont l’avantage d’être jugés par des pairs qui sont capables de comprendre les difficultés auxquelles ils ont dû faire face et qui leur a fait franchir les lignes de la déontologie », précise Carine Wolf-Thal. Ce n’est donc pas à un juge du tribunal administratif que sont confiées ces affaires, même si un magistrat professionnel préside et juge l’instruction des dossiers. Tous les droits sont par ailleurs garantis avec une audience publique.

 

Assurer la défense et l’honneur de la profession

En cas de fake news portant un préjudice à la profession, l’Ordre peut déposer plainte ou se constituer partie civile devant les tribunaux. Mais sa présidente rappelle que l’instance « n’a pas pour objectif de défendre un intérêt individuel particulier, mais de servir l’intérêt collectif de la profession lorsqu’il y a une atteinte à l’image du pharmacien ». Parmi ses grands dossiers, figurent la lutte contre l’exercice illégal de la profession, ainsi que les interventions liées aux menaces ou violences commises à l’encontre des pharmaciens, comme cela a pu être le cas récemment lors des émeutes commises contre certaines officines antillaises. 

« Il faut également rappeler que l’Ordre a pour mission de veiller sur la croix verte et le caducée, des emblèmes protégés par une marque déposée et réservée aux pharmaciens », précise Carine Wolf-Thal. Si d’autres enseignes la copient, l’instance intervient. C’est enfin de la compétence de l’Ordre de veiller à la bonne application du dispositif anticadeau… qui n’est pas destiné qu’aux médecins !  

 

Veiller à la compétence des pharmaciens

L’Ordre est d’abord connu de tous pour être le point de passage incontournable dans le démarrage d’activité professionnelle. « Tous les pharmaciens doivent aujourd’hui y être inscrits pour exercer, avec quelques exceptions minimes, dont les pharmaciens inspecteurs notamment », rappelle Arnaud Lami.

L’inscription au Tableau de l’Ordre est une garantie pour le patient, qui peut être assuré que le pharmacien a bien obtenu son diplôme et n’a aucun problème de moralité… « Cela fait partie de cette grande mission de l’Ordre que de veiller à l’inscription de tous les pharmaciens en exercice », précise Carine Wolf-Thal. Mais ce n’est pas tout. On retrouve dans ce volet l’obligation d’actualiser ses connaissances et de satisfaire au DPC. L’Ordre s’en assure de façon triennale. 

 

Promouvoir la santé publique et la qualité des soins

Particulièrement sollicité sur ce champ de la santé publique, l’Ordre s’y implique au travers des activités du Cespharm, aux côtés de la promotion de la qualité pour l’ensemble des métiers. « On y retrouve le Dossier pharmaceutique, un outil créé au bénéfice des patients et une mission confiée à l’Ordre en 2007 », note sa présidente. Il a évolué, s’enrichissant de nouvelles fonctionnalités tant pour la ville que l’hôpital avec DP Ruptures, DP Alerte….

Derniers ajouts : la Démarche Qualité Officine, orchestrée par l’Ordre, ainsi que la lutte contre les médicaments falsifiés, notamment sur Internet.  

 


L’Ordre a pour mission de veiller sur la croix verte et le caducée, des emblèmes protégés par une marque déposée et réservée aux pharmaciens . ”

Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre des pharmaciens

 

Une interface entre la profession et les pouvoirs publics

C’est surtout avec la pandémie, depuis deux ans, que le rôle institutionnel de l’Ordre s’est réaffirmé. « Les pharmaciens eux-mêmes ont redécouvert la légitimité de l’instance qui s’est imposée comme un acteur majeur de la crise et des politiques publiques », souligne Arnaud Lami qui évoque notamment la réserve sanitaire, pour solliciter des pharmaciens retraités. 

Intermédiaire incontournable pour le ministère de la Santé, avec les représentants syndicaux, pour réglementer les tests et la vaccination, l’Ordre a également su communiquer les directives gouvernementales très changeantes d’un jour à l’autre. 

 

Un accompagnement de proximité 

Présent aux moments clés de la vie professionnelle, dont le démarrage à l’activité, l’Ordre entretient également des relations avec les facultés de pharmacie. 

Par ailleurs, Carine Wolf-Thal rappelle que les conseillers sont des « conciliateurs qui contribuent au dialogue avec les confrères sur le terrain ». En cas d’agression, par exemple, des référents « sécurité » sont aux côtés des pharmaciens pour intervenir, en amont et en aval, afin d’agir auprès des pouvoirs publics.  

Une commission d’entraide et de solidarité intervient auprès des pharmaciens en difficulté, notamment en cas d’événements climatiques (tempêtes, inondations) ou incendies. Elle a récemment accompagné les étudiants en détresse sociale et économique durant la crise.

Régulièrement interrogée sur la question : « À quoi sert l’Ordre ? », Carine Wolf-Thal a œuvré pour la création d’une mini–websérie qui répond justement à cette interrogation et complète le dispositif d’information digital. Arnaud Lami regrette lui aussi que les jeunes pharmaciens, comme beaucoup d’autres acteurs de santé, connaissent encore mal leur Ordre et le contexte institutionnel sanitaire en général. « Il est important de désacraliser son rôle et sa mission, mais plus encore de faire de la pédagogie sur son rôle et ses apports… nombreux ». •

 


À quoi servent vos cotisations ?

Comme toute entité privée, et même si elle travaille dans le cadre de l’intérêt général, l’Ordre a besoin de ressources pour mener à bien ses missions. Ce financement passe notamment par ses adhérents via les cotisations ordinales. « Elles lui octroient une indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics, mais il faut pouvoir les payer, ce qui peut apparaître comme une contrainte supplémentaire », explique Arnaud Lami. L’Ordre veille néanmoins à ce que les cotisations et le budget ne soient utilisés que pour l’exercice de ses missions. La Cour des comptes le vérifie régulièrement. Carine Wolf-Thal rappelle que deux années consécutives de baisse de la cotisation ont pu être obtenues grâce à l’optimisation du fonctionnement des instances et de l’institution.