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L’endométriose

Longtemps ignorée et sous-estimée, l’endométriose fait parler d’elle depuis plus de 5 ans. Reste que cette pathologie fréquente — plus d’une femme sur dix est concernée — est mal diagnostiquée. Encore aujourd’hui, les femmes errent de spécialiste en spécialiste pendant 5 à 7 ans.

Que sait-on sur l’endométriose ? 

Si les langues se délient enfin, l’endométriose garde une part de mystère. Mais depuis quelques années, les études se multiplient pour découvrir son origine et les mécanismes sous-jacents.

 

Bien qu’elle soit certainement l’une des pathologies féminines les plus fréquentes, l’endométriose est encore une maladie mal comprise. Ce n’est que dans les années 1930 que les médecins ont identifié son origine : le reflux menstruel ou menstruation rétrograde, soit la régurgitation du sang des règles par les trompes dans la cavité abdominale. Du tissu utérin se dépose alors sur les organes de la cavité abdominale, tels que les ovaires, les ligaments utéro-sacrés, la vessie, le rectum, le péritoine, et se développe en recréant des structures rappelant histologiquement l’endomètre. 

 

Dysfonctionnement immunitaire 

« Ce phénomène est observé chez 90 % des femmes, mais chez 10 % d’entre elles, cet endomètre ectopique survit en dehors de l’utérus et se développe », relève le Dr Élodie Chantalat, chirurgienne au CHU de Toulouse. Plusieurs mécanismes immuno-endocriniens sont en cours d’étude pour comprendre la genèse de cette maladie. Il semblerait qu’une réaction immunitaire, couplée à des mécanismes liés aux récepteurs à œstrogènes, puisse contribuer à l’installation des lésions. Au CHU de Toulouse, une étude est d’ailleurs en cours pour comprendre ce dysfonctionnement en analysant les pièces opératoires et leur microenvironnement. Et pourquoi pas pour tenter de restaurer une réponse immunitaire capable de bloquer cette phase d’initiation et le développement des lésions. Des cibles moléculaires ainsi que des moyens pharmacologiques auraient déjà été identifiés.

 
Nous savons que certaines endométrioses évoluent, et d’autres pas. Mais nous n’avons pas à ce jour de marqueurs discriminants. ”

Dr Érick Petit, radiologue, responsable du Centre de l’endométriose, groupe hospitalier Paris Saint-Joseph

 

Migration cellulaire hétérogène

Des équipes cherchent également à mieux décrire cette pathologie loin d’être homogène. « En fonction des localisations, on parle d’une endométriose superficielle, ovarienne ou profonde, précise le Dr Érick Petit, radiologue et responsable du Centre de l’endométriose du groupe hospitalier Paris Saint-Joseph. Dans de rares cas, les lésions peuvent se propager au diaphragme, et même migrer vers les poumons ou le cerveau. » Pour autant, l’étendue des lésions n’est pas corrélée à l’intensité des symptômes. Une patiente asymptomatique peut présenter des lésions très volumineuses, et inversement. « Nous savons aussi que certaines endométrioses évoluent, et d’autres pas. Mais nous n’avons pas à ce jour de marqueurs discriminants », indique le radiologue.

 

Génétique : quel impact ? 

La réponse serait-elle au cœur de nos gènes ? « Nous savons que l’héritabilité est forte. Celle-ci serait aux alentours de 50 %. Mais cela ne dit rien des mécanismes sous-jacents. Reste maintenant à identifier les gènes en cause », commente le généticien Daniel Vaiman, de l’équipe « Des gamètes à la naissance » au sein de l’Institut Cochin (Inserm-hôpital Cochin). 

  
Nous savons que l’héritabilité est forte. Celle-ci serait aux alentours de 50 %. Mais cela ne dit rien des mécanismes sous-jacents. ”

Daniel Vaiman, équipe « Des gamètes à la naissance », Institut Cochin (Inserm-hôpital Cochin)

 

Mais cette recherche est loin d’être aisée. L’endométriose ne serait pas causée par l’altération d’un seul gène mais de plusieurs. « Des corrélations avec des variants de gènes impliqués dans l’inflammation ont été trouvées, notamment certains gènes responsables de la production des prostaglandines, de l’interleukine 6 ou encore impliqués dans le stress oxydatif », indique le généticien. Mais ces altérations ne suffisent pas à expliquer complètement pourquoi certaines femmes développent une endométriose et d’autres non. « Pour identifier les gènes augmentant le risque de développer cette maladie, il faut réaliser des études familiales. C’est ce que nous sommes en train de faire dans mon unité. Nous avons séquencé le génome de 35 femmes au total. Les résultats sont en cours d’interprétation », poursuit-il. En parallèle, l’équipe travaille sur le développement de biomarqueurs circulants afin de proposer un diagnostic plus précoce, à partir d’un simple prélèvement sanguin. 

Mais la génétique ne fait pas tout. Le rôle de l’environnement, et notamment l’exposition à des polluants chimiques, tels les perturbateurs endocriniens, est de plus en plus mis en avant. Les études épidémiologiques suggèrent une relation entre le risque d’endométriose et l’exposition aux dioxines, polychlorobiphényles et pesticides organochlorés. Des expérimentations chez la souris ont, par ailleurs, montré que l’exposition prénatale au bisphénol A favoriserait l’apparition de lésions similaires à l’endométriose chez les souris femelles. Les scientifiques s’interrogent également sur le rôle des acides gras polyinsaturés et d’autres composants alimentaires pouvant entraîner des anomalies épigénétiques. •

 

 


Une maladie connue depuis l’Antiquité  

L’endométriose est loin d’être une maladie nouvelle. Probablement connue des Égyptiens, elle est décrite dans le Corpus hippocratique datant des Ve et VIe siècles avant notre ère. Déjà les médecins de l’Antiquité relient endométriose et cycles menstruels, et proposent des remèdes à base de plantes anti-œstrogéniques. Au IIe siècle après J.‑C., Galien suggère pour la première fois que les violentes douleurs pelviennes sont liées aux ligaments utérosacrés. 

Mais c’est aussi à lui que l’on doit la confusion entre l’endométriose et l’hystérie. Une confusion entretenue jusqu’à la fin du XVIIIe siècle ! Elle est alors attribuée à la possession démoniaque, à la sorcellerie, à la volonté divine ou à la pathologie mentale. Pourtant, au cours du dernier millénaire, les signes cliniques sont décrits. Au XVIIe siècle, l’anatomiste néerlandais Frederik Ruysch avance l’hypothèse du reflux menstruel tubaire. Mais ce n’est qu’au milieu du XIXe siècle que la thèse de l’hystérie tombe et que l’origine organique de l’endométriose est enfin prouvée : Karel Rokitansky en fait la description histologique en 1860 à la suite des travaux de Gustave Bernutz et Armand Trousseau qui ont décrit à partir d’autopsies les lésions macroscopiques et confirmé le rôle des règles dans le déclenchement de la maladie. Le terme endométriose sera proposé en 1927 par le chirurgien américain John A. Sampson. 

Source : Histoire de l’endométriose de l’Antiquité à nos jours, Érick Petit, Imagerie de la femme (Elsevier), mars 2016


Endoziwig, une plateforme d’aide au diagnostic

Développée par une start-up lyonnaise en partenariat avec la Société de chirurgie gynécologique et pelvienne et les associations de patientes, EndoZiwig ambitionne de raccourcir les délais de diagnostic et d’améliorer la prise en charge des patientes. La plateforme ayant été lancée en janvier 2021, plus de 10 000 femmes et quelque 350 professionnels de santé se sont déjà connectés.

En pratique, les femmes pensant avoir une endométriose peuvent compléter un questionnaire de prédiagnostic. Elles y notent leurs douleurs pendant leurs règles ou les rapports, la liste des antidouleurs utilisés, indiquent si les symptômes occasionnent un absentéisme ou encore si un projet de grossesse est en cours. La plateforme référence aussi des centres spécialisés. Autre avantage d’EndoZiwig : restituer l’histoire, parfois complexe, des patientes en un dossier médical partageable avec les professionnels de santé. Des données qui peuvent également être utilisées dans des projets de recherche clinique ou épidémiologique.


 

Comment soulager les femmes ?  

La douleur liée à l’endométriose est complexe. Neuropathique, inflammatoire, mécanique… Toutes ces composantes doivent être prises en compte pour l’atténuer.

 

La douleur est le principal symptôme de l’endométriose. Mais la prise en charge peut s’avérer complexe car les douleurs de l’endométriose sont de natures diverses. Le point de départ : la névralgie. Les lésions de l’endométriose irritent les terminaisons nerveuses et provoquent des douleurs neuropathiques qui se manifestent par des effets dits coups de poignard, des brûlures… Des douleurs contre lesquelles les antalgiques classiques, y compris les opioïdes, ont une action limitée. Seules de faibles doses d’antidépresseurs capables de booster les voies de contrôle de la douleur ou d’antiépileptiques ayant une action neuroprotectrice sont efficaces. L’usage de la TENS (neurostimulation électrique transcutanée) peut aussi être proposé. 

 

Lésions, inflammation et perte de mobilité

À ces maux s’ajoute le phénomène inflammatoire, en particulier au cours des règles. De ce fait, la prise d’AINS devrait être restreinte à cette période. Pour optimiser leur efficacité, il est conseillé de les prendre avant l’apparition des douleurs, 3 fois par jour tout au long des menstruations. 

La troisième composante de la douleur est la perte de mobilité des tissus du bassin. L’utérus, le vagin, la vessie, le rectum mais aussi les ligaments utérosacrés se rétractent. Conséquence : des dyspareunies apparaissent, la vidange vésicale est incomplète, des douleurs rachidiennes s’installent… Les adhérences entre ces différents tissus, causées par les lésions endométriosiques, exacerbent également ces douleurs. 

Pour la majorité des femmes, le bon usage des antidouleurs, l’adoption d’une bonne hygiène de vie (activité physique, alimentation adaptée), une rééducation par un kinésithérapeute ainsi que le recours à la sophrologie ou la méditation peuvent aider à gérer les accès douloureux. Dans les cas les plus sévères, la consultation d’un médecin de la douleur – et mieux, d’un algologue spécialiste des douleurs gynéco-logiques ou pelviennes – peut être nécessaire. 

 

Les hormones comme solution

Quelle que soit la gravité des symptômes ou l’étendue des lésions, la contraception hormonale prise en continu (une pilule œstroprogestative, un progestatif non associé ou un stérilet à la progestérone) est la clé de voûte du traitement. « Ce n’est pas un traitement de la douleur, à proprement parler, mais en supprimant les menstruations, on limite la progression de la maladie et le phénomène inflammatoire, et de ce fait on diminue les symptômes douloureux », explique Frédérique Perrotte, sage-femme au groupe hospitalier Paris Saint-Joseph et coordinatrice du réseau Resendo. Une diminution des lésions a été observée à la fois en cas d’endométriomes ovariens et de nodules d’endométriose profonde. Des analogues de la GnRH peuvent également être prescrits en seconde intention, pour déclencher une ménopause artificielle. Ils ne sont cependant jamais pris au long cours et fonctionnent par cure de 6 mois. 

Si le blocage de l’activité des ovaires est insuffisant ou si le traitement hormonal est contre-indiqué, la chirurgie peut être proposée, notamment en cas de lésions localisées et peu nombreuses. « C’est une option évaluée au cas par cas en réunion de concertation pluridisciplinaire afin d’adapter au mieux la prise en charge en fonction de la maladie, de son retentissement sur la qualité de vie en termes de douleur ou de fertilité. Pour autant, nous ne pouvons pas promettre qu’elles soulageront toutes les douleurs », indique Élodie Chantalat, chirurgienne au CHU de Toulouse. En outre, le risque de récidive postopératoire est réel et est estimé à environ 20 % et cette prise en charge peut être lourde (stomie digestive, névralgie pudendale…). •

 

Une écoute attentive au comptoir   

Les femmes atteintes d’endométriose avérée ou non ont très souvent recours à l’automédication, et consomment de fortes doses d’antidouleurs. N’hésitez pas à les interroger et être à l’écoute pour les aiguiller au mieux.

 

Paracétamol seul ou associé à la codéine, ibuprofène, naproxène, aspirine, antispasmodique, flurbiprofène, tramadol… Les boîtes de médicaments et les ordonnances s’accumulent dans la salle de bain d’Adeline. « J’ai tout essayé, imaginé mes propres cocktails, augmenté les doses… Il m’est arrivé de prendre jusqu’à 6 ou 7 Antadys en une seule journée ou 4 à 5 paracétamols… Mais au bout d’un certain temps, plus rien ne marchait », raconte la jeune femme de 32 ans qui s’invente « apprentie sorcière une semaine par mois depuis mon adolescence. »

Pornpak Khunatorn / iStock / Getty Images Plus

 

Il n’est pas normal de souffrir

Le témoignage d’Adeline est loin d’être isolé. Sur internet ou sur les réseaux sociaux, les vraisemblances entre les récits sont criantes. Toutes ont entendu « arrête de faire ta chochotte », « eh oui les règles, ça fait mal », « c’est ça d’être une femme » etc. Pourtant, cette douleur n’est pas normale, et il faut savoir l’écouter pour pouvoir l’apaiser. « Venir tous les mois pour acheter des antidouleurs et utiliser des doses toujours plus fortes est typique de l’endométriose. Il faut agir et interroger les femmes car elles mettent leur foie et leurs reins en danger », insiste le Dr Érick Petit.

L’une des premières étapes est d’évaluer la douleur et son évolution. Pour cela, n’hésitez pas à utiliser l’échelle d’autoévaluation EVA ou numérique. « Il faut évoquer l’endométriose face à une femme ou une jeune fille qui décrit une douleur à 7 sur 10 non soulagée par un antalgique de palier 1 et qui est obligée de s’absenter au travail ou à l’école. Se rendre aux urgences pour des douleurs de règles est aussi un signal fort », indique Frédérique Perrotte. Des douleurs pendant les rapports sexuels, des sensations de cystite ou de mycose tous les mois, des troubles digestifs (diarrhées, ballonnements…) sont des symptômes très souvent associés. « Autre signe qui ne trompe pas ? Celui de la bouillotte. À force de l’utiliser, certaines femmes présentent des brûlures sur le bas du ventre », ajoute la sage-femme.

 

Bien orienter 

En cas de suspicion, orientez la patiente vers une consultation gynécologique. Le diagnostic de l’endométriose étant complexe, n’hésitez pas à lui indiquer des noms de médecins ou de sages-femmes appartenant à un réseau ou une filière de soins dédiés à l’endométriose tels que Resendo (Île-de-France), End’Aura (Auvergne et Rhône-Alpes), Afena (Nouvelle-Aquitaine), EndoBreizh (Bretagne). Certains proposent un annuaire de médecins formés au diagnostic et à la prise en charge de cette pathologie. L’association Endomind recense également des professionnels exerçant partout en France. 

 


Infertilité et endométriose 

Entre 20 et 70 % des femmes infertiles souffriraient d’endométriose. Les mécanismes sous-jacents sont nombreux et souvent intriqués mais restent controversés. « L’endométriose entraîne une inflammation locale qui perturberait la nidation, indique le Dr Élodie Chantalat. On sait aussi que la réserve ovarienne est altérée par la présence de kystes remplis de sang sur les ovaires, appelés “endométriomes”, et des lésions au niveau des trompes peuvent compliquer le trajet des ovocytes de l’ovaire à l’utérus. » Des travaux suggèrent aussi que cette inflammation serait toxique pour les cils dans les trompes, mais aussi pour les spermatozoïdes. Enfin, les dyspareunies liées à l’endométriose entraînent la raréfaction ou l’absence de rapports sexuels.

Pour autant, il est faux de dire qu’une grossesse est impossible. Pour augmenter les chances de grossesses spontanées, la chirurgie est une option, en première ligne ou après échec des techniques d’aide médicale à la procréation (stimulation ovarienne, fécondation in vitro…). Celle-ci permet de diminuer les phénomènes inflammatoires, de dégager les trompes si elles sont obstruées… « On essaie au maximum de ne pas toucher aux ovaires pour ne pas affecter la réserve ovarienne. Si les endométriomes sont vraiment gênants, on choisira une technique peu invasive comme ponctionner le sang », précise la chirurgienne.