“ Les groupements vont devoir se réinventer ”

Grégory Reyes, maître de conférences en management à l’université de Poitiers, spécialisé dans le domaine pharmaceutique, nous offre une analyse des groupements pharmaceutiques et évoque leur avenir.

Propos recueillis par Diane Cacciarella
Photo : Ricardo Esteves

À l’avenir, le titulaire se reposera peut-être plus sur son groupement officieux qui lui a permis d’avoir des solutions de « débrouille » pendant la crise sanitaire. ”

La Revue Pharma : D’un point de vue économique, est-il avantageux d’adhérer à un groupement ?

Grégory Reyes : Historiquement, le principal avantage a d’abord été financier. L’objectif était de réunir des pharmacies pour avoir plus de poids face aux laboratoires et négocier de meilleurs tarifs. Mais entre les années 1980 et 2000, le nombre de groupements a fortement augmenté. Vis-à-vis de la concurrence, ils ont dû se distinguer et diversifier leurs offres. Et, depuis les années 2010, ils proposent des services plus qualitatifs que quantitatifs.

 

La raison économique ne suffit donc plus pour adhérer à un groupement ?

Beaucoup moins qu’auparavant, car la plupart des pharmacies n’ont plus besoin de groupements pour peser face aux laboratoires. Soit elles sont très grandes, soit elles peuvent se regrouper sans intermédiaires. Aujourd’hui, en adhérant à un groupement, les officines recherchent des services de qualité et, surtout, un réseau entre pairs. Autrement dit, la réunion entre pharmacies de taille équivalente pour échanger sur des problématiques actuelles ou sur l’avenir de la pharmacie. La réflexion stratégique prime désormais. Enfin, pour les titulaires, c’est aussi un moyen de sortir du médical pur pour rencontrer d’autres chefs d’entreprise de leur secteur.

 

Quels sont les autres avantages directs proposés par les groupements ?

Il y en a plusieurs types. Tout d’abord, l’optimisation de l’agencement de l’espace de vente via des conseils et des formations en merchandising proposés à toute l’équipe officinale. Il y a aussi tous les services offerts aux pharmaciens pour les clients comme les cartes de fidélité, les newsletters, les brochures, etc. Enfin, les titulaires peuvent être formés au management des équipes, des compétences qui manquent souvent à ces professionnels de santé. Par exemple, il peut s’agir de coaching sur la façon de gérer une équipe ou sur les stratégies à adopter pour développer son officine, comme les lignes de produits ou les tendances actuelles à mettre en avant.

 

Cet échange n’est-il pas possible sans les groupements ?

Bien sûr qu’il est possible, beaucoup de groupements informels se sont créés en parallèle. Il peut s’agir, par exemple, d’une association entre quelques pharmaciens qui cherchent des solutions ou se font de la rétrocession. D’ailleurs, la crise du Covid-19 a fait perdre de sa substance initiale aux groupements qui n’ont pas joué leur rôle. Le pharmacien a dû puiser dans son réseau personnel pour trouver des solutions lors des pénuries de masques, de gel hydroalcoolique, etc. À l’avenir, le titulaire se reposera peut-être plus sur son groupement officieux qui lui a permis d’avoir des solutions de « débrouille » pendant la crise sanitaire.

 

Dans ce contexte, quel est l’avenir des groupements ?

Ils vont devoir se réinventer, en se rendant plus utiles – voire indispensables – à la pharmacie. La façon dont ils ont été pensés dans les années 1980 n’est plus aussi avantageuse pour le titulaire qui a donc ses propres réseaux. Parmi ceux-ci, le groupement doit se repositionner en proposant des services plus qualitatifs que quantitatifs. Ce constat est d’autant plus vrai que la nouvelle génération de pharmaciens n’a plus les mêmes besoins : elle maîtrise le numérique et a, bien souvent, plus de notions en merchandising et en management que ses aînés.