Améliorer l’observance, favoriser le maintien à domicile et aider les aidants… autant de défis qui peuvent être relevés à l’officine. Quelles sont les pistes de services à forte valeur ajoutée à proposer à vos patients âgés ? Petite sélection de quelques incontournables !
Livraison et dispensation à domicile : médicaments et conseils sur un plateau !
La livraison de médicaments est considérée comme « une bonne chose » pour 92 % des Français. C’est ce qui ressort de l’enquête Harris Interactive de 2019 pour PHR, Pharmactiv et Réseau santé sur les attentes des Français vis-à-vis de leur pharmacien. Depuis, la crise du Covid-19 tend à accélérer la pratique.
Livraison et portage de médicaments ont le vent en poupe
La dispensation à domicile est un service non facturé au patient, mentionné dans le Code de la santé publique à l’article L 4211- 1. Il concerne « le patient dans l’incapacité de se déplacer en raison de son état de santé, de son âge ou de situations géographiques exceptionnelles ». Dans une enquête DirectMédia pour Les Échos de juillet 2018, 83 % des pharmaciens disaient la proposer. Réalisée ponctuellement, elle peut, depuis la publication du décret « Conseils et Prestations », être facturée à la demande du patient. Mais si cette prestation peut être adjointe à une offre de services officinaux plus globale, vous n’avez pas pour autant le droit de communiquer activement auprès de votre patientèle. Aujourd’hui, de plus en plus de groupements comme Aprium Express ou Pharmabest l’ont généralisée à l’ensemble de leur patientèle en partenariat avec La Poste ou des sociétés de coursiers.
Dispensation à domicile : le conseil en plus !
La dispensation est aussi et surtout une opportunité de travailler sur l’observance ou la détection de risques à domicile et de proposer un service plus complet, comme l’envisage Jean-Michel Mrozovski, président du Comité de valorisation de l’acte officinal (CVAO). « Un pharmacien ou préparateur se déplaçant au domicile pour le portage de médicaments peut donner à remplir au patient un auto-questionnaire. L’objectif est d’améliorer la connaissance de sa situation réelle dans la prise des médicaments. » Une liste de questions utiles peut être remise aux membres de l’équipe officinale qui se déplacent chez le patient. Une opportunité pour faire passer les conseils et vérifier la bonne utilisation et la compréhension du traitement, surtout lorsqu’il s’agit d’un nouveau produit. « Si le portage est effectué par un livreur, il devrait récupérer à titre confidentiel de l’information utile… et être un minimum formé en santé. » •
Mission : audit de sécurisation du domicile
Sortie d’hospitalisation, handicap ou maladies chroniques… certaines situations nécessitent qu’un équipement adapté soit installé au domicile d’un patient vivant seul pour favoriser son autonomie dans les tâches de la vie quotidienne. C’est tout l’objet de l’audit à domicile qui peut être fait par le pharmacien.
Identifier les patients, cibler les besoins
La prestation peut être proposée en amont (opération chirurgicale programmée…), à la demande ou si vous identifiez un patient âgé dans le besoin. N’hésitez pas à vous rapprocher de l’aidant. Il est également possible de proposer cette évaluation pour compléter un besoin existant : lit médicalisé, fauteuil roulant…
Après la prise de rendez-vous, direction le domicile du patient. L’objectif est d’anticiper les besoins et de prévenir toute situation à risque pour éviter les accidents et les chutes. Pour Jean-Michel Mrozovski, président du CVAO, il est important « de faire le tour de l’habitation en regardant si le parcours est sécurisé, si l’éclairage est suffisant pour aller aux toilettes la nuit. Il s’agit également de vérifier si les fils électriques n’encombrent pas le passage ou autres ». Différents matériels peuvent être proposés à l’achat ou à la location, de la rampe d’escalier au rehausseur de table, du déambulateur au tapis antichute en passant par le chariot de douche.
Mise en place de partenariats
Certains groupements se sont déjà positionnés sur cette offre grâce à des partenariats avec des sociétés de vente ou location de matériel médical. Giphar met ainsi à disposition plusieurs services d’aide à domicile, en lien avec Libeoz, dont l’évaluation des besoins d’aide et d’équipement. Le groupement Alphega Pharmacie propose à ses pharmaciens de passer par la société de services Alcura pour optimiser la prise en charge du patient âgé dépendant. « Cette offre de services n’est pas du ressort direct du pharmacien, mais il peut être l’articulation avec une société qui propose de telles prestations, explique Matthieu Vandendriessche, docteur en pharmacie, consultant et formateur en gérontologie. Le catalogue est un outil précieux qui doit permettre au pharmacien de faire des préconisations. » Reste qu’il faut disposer de temps… et être patient ! •
Gestion de l’armoire à pharmacie, un vrai plus !
Toute intervention à domicile est l’occasion idéale pour aider un patient âgé à trier son armoire à pharmacie. « Ce service est souvent réalisé gratuitement dans le cadre d’une prestation plus globale au domicile par le pharmacien, incluant livraison de pilulier et prise de rendez-vous chez le médecin par exemple », explique Matthieu Vandendriessche.
« Cela permet de voir si les médicaments ont bien été pris ou, s’il en reste, de comprendre pourquoi, puis de faire un suivi. »
Bonnes pratiques et sécurité
Les médecins généralistes rapportent en effet souvent être surpris par l’accumulation de médicaments, dont certains ne sont pas utilisés, ou sont périmés. Ils peuvent être une source importante d’accidents ou de iatrogénie chez des sujets polymédiqués ou atteints de maladies neurodégénératives. Pouvoir gérer l’armoire à pharmacie est également un bon indicateur de l’observance. « Cela permet de voir si les médicaments ont bien été pris ou, s’il en reste, de comprendre pourquoi, puis de faire un suivi », précise le consultant en gérontologie.
Une étude scientifique de 2015, menée sur 1 890 officines et 5 447 patients, révélait que, chez 29,8 % des patients visités, on observait une amélioration de l’adhésion au traitement et, pour 41,6 % d’entre eux, les médicaments inutilisés diminuaient. Plus les visites étaient fréquentes et longues, plus les améliorations étaient notables.
Un véritable rôle de repère à saisir pour compléter vos missions de dispensation et de conseil ! •
PDA et pilulier : l’atout observance !
Plus que des services, la préparation des doses à administrer (PDA) et les piluliers sont des outils incontournables au service de l’observance des patients âgés à mettre en place en pharmacie.
PDA, un potentiel à investir
La PDA est inscrite dans le Code de la santé publique et prévue par la loi HPST, mais il manque encore l’arrêté de bonnes pratiques, attendu depuis plusieurs années, et un décret plus général.
C’est néanmoins l’une de vos nouvelles missions et le moyen le plus efficace pour faciliter l’administration des médicaments d’une personne âgée. Cette technique consiste à déconditionner, puis reconditionner les médicaments d’un patient en les répartissant par unités de prise (piluliers ou sachets doses) selon les différents moments de la journée, de façon manuelle ou automatisée.
Largement utilisée dans les Ehpad par les pharmaciens référents, la PDA peine à décoller en ville. L’outil garantit pourtant une dispensation rigoureuse, sécurisée et tracée des médicaments. Elle est un atout au service des patients âgés les plus fragiles, surtout s’ils n’ont pas d’aidant au domicile. Pour Jean-Michel Mrozovski, « La PDA doit, dans certains cas, être adaptée à la demande du patient, surtout si le pharmacien le sent perdu et que l’établissement d’un plan de prise n’est pas suffisant. Sa mise en œuvre ne peut être que la conséquence d’un bilan partagé de médication bien mené. »
Autre conseil : être acceptée par le patient. « Il ne faut jamais oublier que c’est lui qui fait ses choix. Un patient, qui garde l’autonomie dans ses traitements, se responsabilise. C’est sa richesse. »
Pilulier, une porte d’entrée au domicile
En 2016, une étude Ifop montrait que 85 % des personnes âgées préparaient elles-mêmes leurs traitements à domicile, le pharmacien n’intervenant que pour 2,21 % des patients. La même étude indiquait aussi que les médicaments étaient oubliés dans 45 % des cas ! D’autant que, comme pour la PDA, préparer un pilulier pour un patient âgé est un service à forte valeur ajoutée. « Il pourrait être rémunéré à hauteur de 5 à 7 € par semaine », suggère Matthieu Vandendriessche. L’outil donne également la possibilité à l’officinal d’investir le domicile du patient et l’occasion de lui proposer d’autres services associés adaptés à ses besoins. •
Bilan partagé de médication : le B.A.-BA des services !
Encadré par l’arrêté du 16 mars 2018 et réservé aux patients âgés de plus de 65 ans prenant au moins cinq principes actifs au long cours, le bilan partagé de médication (BPM) est désormais rémunéré à l’acte. Pourtant, seules 10 à 15 % des officines le mettent en place.
La Rolls-Royce des services
Qui de mieux placé que le pharmacien pour écouter le patient parler de ses traitements et faire le point avec lui ? Cette nouvelle mission au service de l’observance peut se faire à domicile, hormis pour la première séance. Pour Jean-Michel Mrozovski, « le BPM permet de voir les conditions de stockage et de prise des médicaments, ainsi que les erreurs d’utilisation. Car, entre la représentation que se fait le pharmacien et la réalité, il peut y avoir un monde ! » Le BPM a pour objectif prioritaire de vérifier la bonne utilisation du médicament en obtenant une sécurisation importante.
Lors de cet audit, toutes les questions sont bonnes à se poser, rappelle le président du CVAO. « Les traitements pour l’asthme ou la BPCO sous forme de poudre sont-ils encore efficaces vu les capacités respiratoires de la personne ? Le patient sait-il se servir d’un inhalateur ? Broie-t-il ses médicaments ? A-t-il des difficultés à avaler ? » Il s’agit de partir des pratiques du patient âgé pour trouver des solutions, avec lui, afin d’améliorer sa qualité de vie.
Porte d’entrée de l’observance
Selon Jean-Michel Mrozovski, il convient aussi de savoir ce que le patient âgé pense de ses traitements et d’avoir une réflexion autour de l’hygiène diététique : « Comment la personne âgée s’hydrate-t-elle ? Comment l’activité physique peut-elle être améliorée ? Ne sort-elle plus pour des raisons physiques ou psychologiques ? »
L’étape suivante est de discuter d’un plan de prise consensuel avec le médecin traitant et le patient. Pour lui, il est essentiel de « revenir sur des fondamentaux et du pratique, sans oublier que les personnes âgées sont toujours soucieuses de ne pas déranger leur médecin et leur pharmacien ». Autre atout de ce service : renforcer l’interprofessionnalité avec les praticiens proches de votre officine. Il n’est jamais trop tard pour vous former et proposer ce service ! •
90 % des pharmaciens réalisant des BPM ont constaté une amélioration des connaissances de leurs traitements par les patients
Trois quarts des pharmaciens ont détecté des problèmes grâce aux BPM qu’ils n’auraient pas vus autrement
9 pharmaciens sur 10 ont indiqué que les BPM leur avaient permis de changer la relation avec leurs patients
1 ou 2 recommandations sont proposées en moyenne au médecin traitant à la suite d’un BPM
D’après les retours de 84 pharmaciens utilisant Observia pour réaliser des BPM pour la thèse de Pierre-Antoine Drubay, « Bilan partagé de médication : Évaluation et perspectives au travers d’une enquête réalisée auprès des pharmaciens d’officine ».
Suivi des constantes : repérer les fragilités, un vrai plus !
L’officine est un lieu privilégié pour détecter les premiers signes de fragilité et de dépendance. D’où l’importance de constituer un dossier personnalisé colligeant, au fil des visites de vos patients âgés, certaines constantes biologiques et physiologiques.
Suivi d’indicateurs stratégiques
La dénutrition est un facteur de fragilité, explique Matthieu Vandendriessche. « La nutrition entre en compte dans la thérapeutique. Elle peut modifier la distribution de médicaments dans l’organisme. » Autre suivi : l’hydratation. « Il faut s’assurer de la quantité mais aussi du comment », rappelle Jean-Michel Mrozovski.
Le service ne consiste pas en une surveillance exhaustive de toutes les constantes, mais nécessite d’avoir un regard global et d’être en alerte. « Le pharmacien peut prendre régulièrement la tension, la glycémie, faire des dépistages et, surtout, détecter le risque de chute, un véritable signe de fragilité, au même titre que la dénutrition. » En 2016, l’étude « Évaluation gériatrique à l’officine », réalisée en Picardie, a mesuré l’observance et le niveau de fragilité des plus de 65 ans. Cette étude a démontré qu’un entretien pharmaceutique d’évaluation gériatrique était une réelle plus-value pour la population âgée fragile.
Le dossier du patient âgé devrait également contenir, selon Jean-Michel Mrozovski, « la fréquence de renouvellement des traitements. Si elle change, il faut être proactif. S’assurer de la continuité des soins est un vrai service ! Un pharmacien qui n’a pas vu un patient âgé pour son renouvellement devrait l’appeler. »
Pour Matthieu Vandendriessche, « on ne peut pas s’arrêter à l’ordonnance, même si c’est ce qui rémunère le mieux ». Il est bien sûr impossible de tout proposer, mais former un membre de l’équipe aux problématiques et enjeux de gérontologie est un véritable atout. •
- 43 % des plus de 70 ans prennent entre 5 et 10 médicaments par jour
- 57 % des personnes de 65 à 74 ans ont au moins une maladie chronique
- 70 % des plus de 75 ans ont au moins une maladie chronique et plus
- 10 % des plus de 80 ans sont en perte d’autonomie
- 3 000 officines, soit 15 %, avaient réalisé des bilans de médication au 1er avril 2019, selon la Cnam •
Pensez aussi aux aidants
Ils sont souvent les grands oubliés de la chaîne de soins ! Pourtant, entre 8 et 11 millions d’aidants prennent en charge de façon régulière un proche âgé, malade ou dépendant.
Identifier et orienter
L’équipe officinale est en première ligne face aux aidants à qui il faut expliquer les traitements, leurs effets secondaires… et donner des conseils sur la mobilité, l’hygiène, l’alimentation, etc.
Pour Matthieu Vandendriessche, la première étape est déjà de les identifier, car « certains ne se reconnaissent pas dans ce rôle et pensent qu’il est normal ».
Des groupements comme Pharmodel ont investi ce service. Le coach « Aidants », développé en lien avec l’Association française des aidants, permet de faire le point sur sa santé et de trouver des réponses pour concilier vie professionnelle et vie privée. Différentes fiches pratiques recensent également les annuaires de prise en charge.
Écouter et faire parler
Le pharmacien n’est pas un psychologue, mais il peut écouter l’aidant. « Il est parfois le seul lien avec le patient et le transmetteur de l’information, précise Jean- Michel Mrozovski, président du CVAO. Comprendre et envisager ses difficultés et rechercher avec lui des solutions est essentiel. Selon mon expérience, le retour de cette attention est souvent exceptionnel et enrichissant. »
La fatigue de l’aidant est souvent une porte d’entrée pour proposer ce service au comptoir. « Rares sont ceux qui ont le temps de prendre soin d’eux. Formuler des propositions autour de solutions de bien-être pour rendre leur quotidien plus supportable est un service utile », précise Matthieu Vandendriessche.
N’oubliez pas non plus que l’aidant est aussi un patient de l’officine ! C’est lui qui demande la livraison ou la dispensation à domicile et le pilulier… autant de services qui lui facilitent la vie. •