La situation en deux mots
Dans l’affolement de la propagation de l’épidémie mondiale du Coronavirus, l’urgence est à la recherche de traitement et vaccin. Des équipes de chercheurs chinois ont communiqué quelques pistes dans les revues Cell Research et BioScience Trends. Suite à la vidéo Youtube du professeur Didier Raoult, directeur de l’institut Méditerranée Infection, ces communications ont d’autant plus attiré l’attention. En effet, ce dernier prône l’aubaine que serait la chloroquine, antipaludique, dans la prise en charge du coronavirus : efficacité, innocuité, et faible coût. Qu’en est-il vraiment ?
Comment choisir une molécule ?
Face à des contextes de crise épidémique, l’approche de découverte de médicaments se fonde sur des tests de médicaments déjà existants, ciblant d’autres virus apparentés.
Le COVID-19 virus appartient au type betacoronavirus. C’est dans ce même groupe que sont classés les virus SRAS-CoV et le MERS-CoV.
Pourquoi la chloroquine ?
Une lettre à l’éditeur chinois publiée dans Nature Cell Research le 4 février 2020 teste cinq molécules efficaces dans le traitement d’infections proches (virus du SRAS et du MERS).
La cytotoxicité des molécules a été testée in vitro sur des cellules rénales humaines qui ont ensuite été infectées par le virus nCoV-2019. L’efficacité antivirale des molécules a alors été évaluée sur les cellules infectées, à différentes concentrations.
Un duo gagnant : l’antiviral remdesivir et l’antipaludique chloroquine ont montré leur capacité d’inhibition du coronavirus à faible concentration micromolaire.
La lettre mentionne deux études signalant la chloroquine comme potentiel antiviral à large spectre. Elle bloque l’infection virale en augmentant le pH endosomal requis pour la fusion du virus à la cellule, interférant alors avec la glycosylation des récepteurs cellulaires du virus. Contrairement à la remdesivir, la chloroquine agit au niveau des trois stades d’infection du nCoV-2019. Par ailleurs, l’activité immunomodulatrice de la chloroquine est mise en avant : elle permettrait de renforcer synergiquement son effet antiviral in vivo.
Ainsi, l’équipe de chercheurs chinois suggère une potentielle efficacité de l’antipaludique contre le virus nCoV-2019 et incite la communauté scientifique à poursuivre les études sur des patients infectés.
« Aucune étude rigoureuse, publiée dans une revue internationale à comité de lecture indépendant, ne démontre l’efficacité de la chloroquine pour lutter contre l’infection au coronavirus chez l’être humain. »
Qu’en pense la France ?
Le gouvernement pondère les multiples communications faites au sujet de potentiels médicaments et rappelle que la dispensation d’un médicament en France est très encadrée. « Aucune étude rigoureuse, publiée dans une revue internationale à comité de lecture indépendant, ne démontre l’efficacité de la chloroquine pour lutter contre l’infection au coronavirus chez l’être humain », tweete le Ministère des Solidarités et de la Santé qui appelle la communauté scientifique à la prudence.
Que conclure ?
Un papier qui a fait parler de lui à prendre avec des pincettes : aucune communication faite sur le nombre de patients inclus, les cellules utilisées proviennent de patients sains, pas d’étude d’innocuité de la chloroquine utilisée à des doses antivirales, pas de preuves scientifiques publiées quant à l’activité immunomodulatrice, pas de révision par les pairs des méthodes scientifiques d’ailleurs non spécifiées. En somme, si nous pouvons avancer le potentiel thérapeutique de la chloroquine dans l’infection au Covid-19, la réglementation française et la réticence de nombreux experts modèrent publications et déclarations.
« À ce jour, aucun essai clinique rigoureux n’a fourni de données concluantes permettant de recommander un traitement spécifique pour les cas suspects ou confirmés d’infection », officialisent les dernières lignes directrices de l’OMS, en date du 28 janvier 2020. •