Délivrance Protocolisée : une déception à la hauteur des attentes

Les protocoles permettant la délivrance de certains médicaments listés par les professionnels de santé de ville, non-médecins, sont enfin arrivés. Ils sont pourtant, dans leur fond et dans leur forme, bien différents de ce à quoi nous pouvions nous attendre.

Dans les journaux officiels des 8 et 10 mars ont été arrêtés 6 protocoles de coopération dont 4 concernent les pharmaciens d’officines : brûlure mictionnelle, rhino-conjonctivite allergique, varicelle de l’enfant, ainsi que l’odynophagie et son fameux Trod. Plusieurs conditions doivent être remplies avant de pouvoir les mettre en place.

Une pléthore de condition

Il faut non seulement faire partie d’une maison de santé pluridisciplinaire (MSP), mais il faudra aussi partager, via un logiciel commun, les informations des patients avec le médecin délégant. L’immense majorité des officines françaises sont d’ore et déjà exclues. De plus, le ou les médecins faisant partie de l’équipe de soin devront aussi former pharmaciens et infirmiers, pour chacun des protocoles, à sa dimension clinique afin de savoir réaliser les examens nécessaires. Le temps de formation est variable selon les protocoles : de 4 heures pour la cystite à 10 h pour l’angine.

Les quelques pharmaciens qui pourront obtenir cette délégation de tâche seront autorisés à réaliser un examen clinique ainsi que plusieurs tests (bandelette urinaire, Trod) et prescrire en fonction des résultats, le traitement adéquat pour le patient. Si la possibilité de prescrire de la fosfomycine et du pivmecillinam et de renouveler la prescription d’antihistaminiques et corticoïdes est bien comprise dans les textes, ces derniers ne sont pas vraiment à la hauteur des attentes de la profession.

Des attentes repoussées aux calendes

Depuis la promulgation de la loi du 24 juillet 2019, les protocoles de dispensation sont attendus, car promis, notamment par Thomas Mesnier, rapporteur de la loi et député, qui amenda la loi en ce sens. Nous avions été prévenus que la délivrance protocolisée serait réservée aux pharmaciens en exercice coordonné avec d’autres professionnels de santés. Mais les réserver uniquement aux MSP semble tout de même particulièrement contraignant. Les protocoles arrêtés par le ministère ressemblent beaucoup plus aux protocoles de délégation de tâches, issus de l’article 51 de la loi HPST de 2009, que de ceux prévus par la dernière loi Santé. Ils n’ont pas la dimension générale attendue.

Face à cela, la FSPF s’est montrée très déçue lors de sa conférence de presse du jeudi 12 mars. « Nous sommes opposés à ces protocoles, ce n’est pas le rôle du pharmacien », a déclaré son président Philippe Besset, trouvant la clinique beaucoup trop prégnante dans la description des différents protocoles. Il a annoncé que tous les acteurs du monde de l’officine, dont les syndicats, devaient se mettre à la préparation de nouveaux protocoles, traitant des mêmes sujets, cystite et angine en priorité. Ils seraient alors colligés par le Collège de pharmacie d’officine et de la pharmacie hospitalière (CPOPH) avant d’être présentés à la HAS. Cette dernière devrait ensuite rendre un avis dans les 6 mois. D’après Philippe Besset, cela repousserait donc l’apparition concrète de la délivrance protocolisée à 2021…