Baclofène : l’ANSM accorde finalement l’autorisation de mise sur le marché

« Il fallait prendre une décision ». Dominique Martin, directeur général de l’ANSM, a annoncé, contre toute attente, accorder l’AMM au baclofène, qui sera commercialisé avec la spécialité BACLOCUR. Quatre ans après le début de la RTU pour l’alcoolodépendance, la démarche est inédite. Alors que le CSST réuni au printemps dernier avait émis un avis défavorable à la demande d’AMM déposé par le laboratoire Ethypharm, l’Agence du médicament a tout de même décidé d’accorder l’autorisation de mise sur le marché au baclofène.

Le dossier d’AMM citait notamment comme référence l’étude « Bacloville », « présentant de sérieux problèmes méthodologiques » insiste Dominique Martin. Pour la première fois, et alors même que la balance bénéfice risque énoncée par l’agence était négative, l’ANSM a tout de même décidé de réunir une commission mixte ad hoc, composée d’addictologues, d’association de patients ou encore d’hépatologues. « Nous souhaitions avoir une vision plus globale, de santé publique, sur le baclofène » explique Dominique Martin, qui s’est déclaré « personnellement très sensible à la position des hépatologues. La maladie alcoolique est une maladie gravissime, avec une morbidité très lourde. Et la pharmacopée à disposition n’est pas d’une efficacité absolument patente ».

Pour rappel, l’étude Bacloville avançait 56 % d’efficacité pour le baclofène, contre 36% pour le placebo. Mais sa faiblesse méthodologique avait notamment été pointée du doigt par la Société Française d’Alcoologie.

Quelles conditions de prescription ?

Cette autorisation de mise sur le marché inattendue est encadrée par des conditions strictes :

– Le baclofène sera indiqué dans le cadre d’une réduction de la consommation d’alcool, et non d’un sevrage alcoolique

– chez les patients avec une forte alcoolodépendance

– après échec des autres traitements

– le tout dans une prise en charge globale adaptée, en complément d’un suivi psychosocial.

 

Point d’achoppement important pour les addictologies : la posologie. L’ANSM confirme que la posologie maximale du baclofène ne devra pas dépasser 80 mg par jour. « Au-delà, la sécurité d’utilisation n’est pas garantie » explique le directeur général de l’agence, citant l’étude de la CNAMTS conduite, entre 2009 et 2015. Selon cette étude, entre 75 et 180 mg de baclofène par jour, le risque d’hospitalisation était augmenté de 16 % et celui de décès multiplié par 1,5. Au-delà de 180 mg, le taux d’hospitalisation grimpait de 45 % et celui de décès de plus de 200 %

Trois dosages seront par ailleurs disponibles : 10, 20 et 40 mg. Et la prescription du baclofène sera possible pour tout médecin.

Une démarche inédite

Dominique Martin insiste sur l’originalité de cette décision : « c’est une particularité française, avec une demande d’AMM nationale, alors que la quasi-majorité des demandes d’AMM sont aujourd’hui européennes, hormis pour les génériques ». Actuellement, aucun autre pays n’envisage de mettre sur le marché le baclofène pour l’alcoolodépendance. « Aucun produit n’a bénéficié d’autant d’attention que le baclofène » insiste M. Martin.

L’autorisation signée, reste au dossier à passer entre les mains de la HAS et du CEPS pour fixer un taux de remboursement et un prix. Certainement l’affaire de quelques mois. En attendant, et pour éviter les interruptions de traitements, la RTU est maintenue jusqu’à la commercialisation.

L’histoire n’est pas close pour autant. Les études et l’analyse des données vont se poursuivre dans les années à venir, avec une surveillance accrue du médicament. « Selon les résultats de ces surveillances, nous pourrions remettre en question l’AMM à tout moment. Ou a l‘inverse, si ces données montrent que le baclofène peut être utile à plus forte dose, nous sommes ouverts aux modifications » conclut Dominique Martin.

Léa Galanopoulo

 

Pour en savoir plus, consultez notre dossier sur le baclofène