Qui dit titulaire dit chef d’entreprise, et donc nouveaux défis. Comment bien manager une équipe nouvelle ou déjà constituée ? Maryse Dufiet, Philippe Jacob et Christian Martin ont été interrogés sur cette question.
1- Bouleverser brutalement le cadre établi
Christian Martin résume cette entrée en matière par une phrase « il faut savoir rentrer mouton et sortir Lion ». Même si le titulaire est propriétaire de l’officine, ce n’est qu’un statut juridique, il n’est pas vraiment chez lui, car l’équipe était déjà constituée et sur les lieux avant lui. On ne peut pas rentrer « petit chef », il faut se faire accepter, s’intégrer humainement. Les collaborateurs auront des inquiétudes légitimes sur leurs acquis : auront-ils les mêmes avantages, conserveront-ils les mêmes horaires ? Ils ne vous connaissent pas et ne savent pas à quoi s’attendre. Il faut les rassurer et établir un premier contact « convivial » lors d’un entretien de présentation individuel. C’est l’occasion d’instaurer un dialogue. Ensuite, il faut rentrer dans une phase d’observation et comprendre le fonctionnement de l’officine, sans rien bouleverser. Cela sert à identifier quels sont les points forts et les axes de progrès en ce qui concerne les compétences, les capacités et motivations de chacun, ainsi que l’organisation du back-office et du front-office. Il est important d’observer avant d’agir. Vous devez vous adapter à l’équipe et pas l’inverse.
2- Ne pas avoir de plan d’action
« Ne pas se laisser aller comme un bateau sans gouvernail. » Un bon manager doit savoir tracer une direction, définir un projet et mobiliser son équipe vers les objectifs choisis. Cela donne du sens à l’action. Ainsi, l’équipe maintiendra sa motivation, car elle en voit la finalité.
La stratégie s’établit en fonction de la typologie de la pharmacie et des compétences et motivation de chacun. Pour être mis en place, cela implique ensuite une réflexion sur les moyens d’atteindre ces objectifs (des formations par exemple…), comment les mettre en œuvre, contrôler sa bonne exécution et rectifier si cela est nécessaire.
Tous vos collaborateurs ont besoin de bien comprendre ce que vous souhaitez atteindre, de quelle manière et quel est le rôle de chacun. La communication et l’accompagnement de son équipe sont importants. S’ils comprennent bien les règles, ils pourront mieux les respecter.
Les objectifs doivent être clairs et atteignables. Il n’y a rien de plus décourageant que de savoir que l’on va échouer dès le départ. Après la phase « spectateur », le titulaire doit être acteur et savoir prendre des décisions pour la bonne marche de sa pharmacie. L’évaluation régulière de ces plans d’action permet d’en vérifier les résultats et d’ajuster sa trajectoire. Parfois, i y aura une différence entre la théorie et la pratique. Et la même demande n’aura pas le même effet sur deux personnes différentes. Un conseil : sachez vous adapter en permanence, restez souple !
3- Penser qu’en étant le patron, l’équipe obéira spontanément
Ne pas croire que, si l’on est compétent en pharmacie, on est compétent en management. Le fait d’être pharmacien et propriétaire de la pharmacie ne suffit pas pour que vos collaborateurs vous obéissent. Un bon management ne peut en effet pas se résumer à des procédures et de la discipline.
Une attitude trop autoritaire risque d’écraser la personnalité des employés et de les démotiver. La pharmacie est une petite entreprise où le management de proximité demande d’être à l’écoute de son équipe et savoir maintenir le dialogue.
Le titulaire doit également savoir encadrer son équipe, car s’il est trop « paternaliste », quand il faudra augmenter la cadence, personne ne répondra à l’appel.
Pour que l’équipe adhère à vos idées, il est nécessaire, avant tout, de se faire accepter. Christian Martin conseille au futur acquéreur : « Avant de vendre ses idées, il faut se vendre soi-même », sinon aucune stratégie ne sera suivie. Et pour réussir son intégration, le nouveau titulaire doit aller « au front avec son équipe » et montrer son expertise et son implication. Et aussi prendre des décisions plus justes. Cela aura deux effets. Tout d’abord, l’équipe verra vos compétences et par mimétisme vous copiera. Comme un bon capitaine, il va entraîner son équipe avec lui vers la réussite en disant « Suivez-moi » et non pas « Allez-y, je reste en arrière ». De cette manière, en démontrant votre crédibilité, l’autorité de compétence s’impose. Le « petit chef » n’est pas respecté.
Vos collaborateurs veulent savoir qu’ils peuvent compter sur vous s’ils ont besoin. Soyez un modèle ! Cette confiance sera maintenue et renforcée
si vous savez rester cohérent avec les valeurs et principes en vigueur de l’officine et si vous savez tenir vos promesses. Éthique et exemplarité sont primordiales pour faire adhérer une équipe. De plus, vivre les mêmes situations que ses collaborateurs permet de prendre des décisions plus justes en termes de stratégie d’entreprise et d’équipe.
4- Ne pas solliciter l’équipe pour trouver des axes d’amélioration
Le titulaire peut avoir tendance à ne pas suffisamment déléguer. Il est important d’inclure fréquemment vos collaborateurs dans vos décisions. Un bon manager sait prendre la parole, mais il sait aussi, et surtout, écouter. L’équipe est quotidiennement au comptoir. Elle connaît donc aussi bien que vous les besoins des clients. Cette remontée d’informations est primordiale pour améliorer la satisfaction des clients, les problèmes d’organisation ou identifier les marchés porteurs.
L’établissement de réunions permet d’instaurer un dialogue et de favoriser l’esprit d’initiative. En montrant que l’équipe est partie prenante dans le développement de l’officine, elle aura la sensation de participer au progrès de l’entreprise, ce qui est source de motivation et de valorisation.
Le titulaire a beaucoup à apprendre de son équipe, et l’équipe a beaucoup à apprendre du titulaire. C’est un échange qui permet d’avancer ensemble. Instaurer un management participatif est l’idéal. En faisant naître l’idée de l’équipe, elle y adhère.
5- Ne pas remarquer les points positifs de ses collaborateurs
Un bon manager doit savoir maintenir une bonne ambiance de travail. Et pour cela, montrer sa considération à ses collaborateurs est primordial. Si l’on pointe seulement ce qui ne fonctionne pas sans valoriser les bonnes actions, les membres de l’équipe risquent de se braquer et de se démotiver avec l’impression que la relation fonctionne à sens unique. N’en retirant aucune satisfaction, ils ne vont plus adhérer à vos demandes et se rendront à reculons au travail. Savoir être reconnaissant est très important. C’est une preuve que vous êtes conscient et reconnaissant du travail accompli. « Merci » et « bravo » boostent la confiance de vos collaborateurs. La réussite d’une entreprise est l’affaire d’une équipe, pas seulement de son responsable. Vous accordez le mérite à qui de droit en sachant les féliciter. Et vous montrez que vous savez être juste et équitable. Le moral des troupes s’en ressentira, et sûrement l’efficacité aussi. L’équipe recherche la reconnaissance, pas seulement le salaire. D’ailleurs, Christian Martin du cabinet Socco Consult recommande de faire régulièrement des entretiens, non pas d’évaluation, mais de motivation. C’est l’occasion de faire progresser les plus « fragiles » et de maintenir la motivation des « éléments moteurs ». Le but étant de savoir comment chaque collaborateur se situe et de conserver leur enthousiasme.