Le nombre de SEL, quelles que soient leurs formes juridiques, a explosé et, dans le même temps, les pactes d’associés ont commencé à être régularisés. Que prévoir ? Que peut-on écrire ? Quelles sont leurs limites ?
Quelles sont les principales clauses du pacte d’associés ?
« Le but initial est de régir les relations entre associés, en dehors des statuts de la société », a expliqué maître Éric Thiébaut, avocat associé au cabinet Juris Pharma, l’orateur de cet exposé. « On peut, par exemple, prévoir des conventions de vote, c’est-à-dire renforcer une majorité prévue dans la loi ou dans les statuts. Cela posé, le droit commun s’applique : il faut s’assurer de la capacité, du consentement, du contenu et de la validité des clauses. » Sur ce dernier point, ce sont des arrêts de la Cour de cassation, la juridiction la plus élevée de l’ordre judiciaire français, qui l’ont précisée : « Les clauses d’un pacte doivent respecter l’ordre public, a résumé maître Thiébaut. En l’occurrence, il existe des principes fondamentaux, notamment celui de la libre révocabilité des gérants et de la liberté de vote. » Selon la jurisprudence, les statuts d’une société sont d’un rang supérieur. En d’autres termes, si des clauses dans le pacte sont contraires à celles prévues dans le statut, le principe de hiérarchie prévaut.
Autre point à retenir : la notion de respect de l’intérêt social. « On ne peut rien prévoir qui serait contraire à l’intérêt de la société, a détaillé maître Thiébaut. Toute clause qui viendrait dénaturer cet intérêt social – je pense par exemple à une limitation excessive des pouvoirs du dirigeant, à la suppression de certains droits de vote ou encore à la protection abusive d’un ou plusieurs groupes d’associés – ne pourrait être considérée comme valable et ne pourrait donc pas être applicable.
Quelles sont les principales clauses du pacte d’associés ?
Il est possible de prévoir des clauses concernant les pouvoirs des dirigeants. Néanmoins, on ne peut pas, comme indiqué précédemment, dénaturer la société. « Il ne faut pas arriver à une direction de fait, a souligné maître Thiébaut. Dans le cas où un pacte donnerait trop de pouvoir à l’associé exploitant au détriment des associés extérieurs, il ne serait pas valable. Par surcroît, si la société venait à déposer le bilan, les créanciers pouvant s’en prévaloir pourraient assigner les associés extérieurs, dirigeants de fait, et leur demander en pratique de combler personnellement le passif. » D’autres clauses sont possibles « à la condition qu’elles soient parfaitement encadrées », a averti Éric Thiébaut.
La clause d’information consiste à donner à l’associé extérieur, qui n’a juridiquement droit qu’à la communication des comptes annuels, le pouvoir de demander communication de certains éléments afin d’être informé tout au long de l’année des événements qui se déroulent dans la société (en termes de trésorerie, de paiement des fournisseurs, de découvert bancaire, etc.). « En principe, les associés exploitants et extérieurs sont tous cautions, a commenté maître Éric Thiébaut. Mais ces derniers étant généralement plus solvables, ils ne se contentent pas d’être informés une seule fois par an et cherchent légitimement à savoir ce qui se passe sur le plan des situations comptables trimestrielles ou de l’état financier de l’entreprise pour se prémunir de mauvaises affaires. »
La clause de distribution de bénéfices est, elle, à prévoir sous certaines conditions. « On ne peut pas anticiper un montant à distribuer puisque, par définition, il faut attendre les comptes annuels », a signalé Éric Thiébaut. Cette clause figure pourtant parmi les plus répandues. Or, dans la pratique, elle est quasiment nulle.
La clause de préemption, normalement prévue dans les statuts, peut être développée dans le pacte. Si un ou plusieurs associés vendent leurs parts ou leurs actions, le ou les autres associés sont prioritaires pour les racheter. Cette disposition permet de garantir une certaine stabilité de l’actionnariat.
La clause d’inaliénabilité prévoit que les titres sont, par définition, inaliénables : quel que soit le statut de l’associé, il ne peut donc pas vendre les siens pendant une certaine durée. « Plus cette durée est longue, plus cette clause est handicapante pour tous les associés sachant que, d’un commun accord, elle peut être levée. Dans ce cas, les titres deviennent cessibles », a spécifié l’avocat.
La clause anti-dilution ou de plafonnement de participation interdit à l’entreprise d’émettre de nouvelles actions sans donner d’abord le droit aux actionnaires de les acquérir. « En d’autres termes, il n’est pas possible d’augmenter le capital sans prévoir la participation de tous », a décrit maître Thiébaut.
La clause de sortie conjointe intervient lorsqu’un associé majoritaire va vendre ses actions à un tiers : il s’engage dans ce cas à proposer aux minoritaires de céder leurs actions dans les mêmes conditions, ce qui leur permet de bénéficier comme lui de la prime de majorité, payée par l’acquéreur pour obtenir la majorité des droits de vote par son achat.
La clause dite du « bad leaver », ou de « celui qui sort perdant », s’applique à un dirigeant qui est contraint à partir et à quitter ses fonctions. Il est alors sanctionné par une décote sur le prix. « Si la marge chute d’au moins deux points pour une raison inexpliquée, on force le ou les dirigeants à céder leurs parts avec, en sanction financière, un prix décoté, a expliqué Éric Thiébaut. En fait, c’est une clause de rachat de droits sociaux, doublée d’un mécanisme de sanction. »
Quelle est sa durée ?
« Un pacte d’associés est nécessairement limité dans le temps , a indiqué l’avocat. Dans le cas contraire, ce serait un engagement perpétuel, ce qui est prohibé. L’idée est de ne pas renégocier le pacte en permanence. »
Pour qui ?
Seules les personnes qui ont signé le pacte sont engagées. « Néanmoins, a précisé maître Thiébaut, certains tiers qui ne l’ont pas signé peuvent s’en prévaloir. C’est vrai pour les salariés qui peuvent en référer à certaines clauses les intéressant. »
Que se passe-t-il en cas de cession de parts sociales ?
Le pacte ne s’applique pas aux nouveaux associés ; il doit donc être renégocié et resigné à chaque cession de parts. Il faut préciser ici que les pactes d’associés ne sont pas publics ; cependant, leur contenu doit normalement être communiqué à l’Ordre.