Cinq questions à Gildas Bernier, référent sécurité auprès du Conseil national de l’Ordre national des pharmaciens.
Depuis le covid, on assiste à une augmentation des violences. ”
La Revue Pharma : Que retenez-vous de ce bilan annuel sur la sécurité des pharmaciens ?
Gildas Bernier : Nous constatons une forte augmentation des déclarations d’agressions (+ 30 %) par rapport à 2022, qu’il faut bien décorréler de la réalité du terrain. Si l’on ramène les 475 déclarations recensées en 2023 aux 20 000 pharmacies d’officine environ et aux 600 laboratoires d’analyse médicale, la proportion paraît relativement faible. Or, il est probable que les chiffres réels soient bien plus importants. Insultes, menaces, agressions physiques, cambriolages ou vols…, les agressions sont en hausse et il est certain que beaucoup de faits ne sont pas signalés.
Comment expliquez-vous cette augmentation ?
Je crois que cette augmentation est à l’image de la société en général. Depuis le Covid, on assiste à un accroissement des violences là où, avant, les lieux de santé étaient un peu sanctuarisés, nous étions peut-être moins touchés que la population générale. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas.
Les autres professions de santé sont-elles concernées ?
Toutes les professions de santé sont concernées de près ou de loin par cette problématique. La particularité de l’officine est d’être facilement accessible, avec une large amplitude horaire et cela, presque tous les jours de la semaine. Ce n’est pas la seule cause bien sûr, mais cela peut expliquer le nombre d’agressions. Comme il a été dit dans le passé : « nous sommes à portée d’engueulade ».
Quelles sont les actions mises en place par l’Ordre ?
Les actions de l’Ordre des pharmaciens s’appuient sur 3 piliers : déclarer, accompagner, prévenir. Nous avons absolument besoin que nos confrères nous remontent au maximum la réalité du terrain afin de sensibiliser les pouvoirs publics. Par exemple, un projet de loi en cours par l’Assemblée nationale prévoit que les atteintes aux professionnels de santé soient considérées comme un délit d’outrage. C’est donc un message fort qui est passé, mais c’est avec les déclarations d’agressions que nous pourrons imaginer des réponses adaptées.
Concernant l’accompagnement, nous avons une centaine de référents sécurité selon les métiers de pharmaciens et les départements. Ces référents sont à l’écoute de nos confrères et peuvent les orienter sur les procédures idoines. Sur ce point, il faut saluer le formidable travail de l’association Adop (Aide et dispositif d’orientation des pharmaciens). Joignable de 6 h à minuit, tous les jours de la semaine, elle apporte un soutien psychologique aux pharmaciens en détresse.
Enfin, la prévention. C’est notre principal axe d’amélioration. Il existe des fiches informatives sur le site de l’Ordre, mais nous souhaitons aller plus loin. Par exemple, en proposant aux pharmaciens une formation diplômante pour acquérir des réflexes afin de désamorcer une situation tendue. Nous pensons l’implémenter dans la formation initiale, comme c’est le cas à la faculté d’Angers.
Comment agir sur les freins au dépôt de plainte ?
Sur le site de l’Ordre, nous avons facilité l’accès à la section « agressions et situations difficiles ». Le pharmacien peut y trouver des conseils pour le dépôt et un accès simplifié pour une pré-plainte. Nous travaillons également avec les autorités sur la base d’une convention signée en 2011 avec l’État, dans laquelle il est prévu de rendre plus accessible le dépôt de plainte des pharmaciens. C’est quelque chose que je souhaite approfondir afin de favoriser aussi leur prise en compte du côté des forces de l’ordre. ■