Alors que le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 sera examiné au parlement à l’automne, le texte a été présenté ce mercredi 27 septembre au Conseil des ministres. Cette année, le gouvernement parie sur « une modernisation de notre système de santé pour un accès au soin renforcé », alliée à une réduction des dépenses pour espérer passer sous la barre des 3% de déficit public en 2027.
« Nous devons pour cela tenir un objectif de maîtrise des dépenses », a fait savoir le ministère des Comptes publics. 3,5 milliards d’euros d’économies sont ainsi prévus dans le PLFSS 2024, dont 1,3 milliard uniquement sur le médicament, « avec un milliard de baisses de prix et 300 millions sur le contrôle des volumes », précise le cabinet de Thomas Cazenave, ministre chargé des Comptes publics.
Aussi, le texte de loi renforce à nouveau le rôle du pharmacien, tout en mettant l’accent sur la lutte contre les pénuries. Voici sept mesures qui vous concernent.
1 – Délivrance d’antibiotique sans prescription après un TROD
Dévoilé début septembre - et salué par l’ensemble de la profession -, l’article 25 du PLFSS prévoit de « permettre au pharmacien d’intervenir directement en délivrant des antibiotiques en cas de cystite simple ou d’angine, après avoir fait un TROD et sans qu’il soit utile pour le patient de passer par la case médecin », indique le ministère de la Santé. Une mesure qui « confirme le rôle du pharmacien comme acteur de santé de premier recours », souligne encore l’exécutif.
2 – Ordonnance conditionnelle et délivrance à l’unité
Pour lutter contre les pénuries, le gouvernement entend « systématiser le recours à des ordonnances conditionnant la délivrance de médicament à la réalisation d’un TROD », mais aussi « rendre obligatoire » après une décision ministérielle la délivrance à l’unité des médicaments qui seraient considérés en rupture. Les antibiotiques mais pas que donc...
Une mesure qui a provoqué l’ire de l’Uspo et de son président Pierre-Olivier Variot. « Je refuse que les pharmaciens d’officine découpent des boîtes. D’une part, cette solution n’est pas réaliste – comment dispenser un sirop à l’unité. D’autre part, elle ne permet pas d’assurer la sécurité de la dispensation – quid de la traçabilité, des conditions de stockage…Enfin, elle obligerait le pharmacien à nier les RCP ! », a-t-il réagi le 25 septembre dernier, appelant à l’unité syndicale sur le sujet.
3 – Interdire les prescriptions d’antibiotiques en téléconsultation en cas de pénurie
Côté pénurie toujours, et alors que 37% des Français disent avoir subi une situation de rupture en 2023, le gouvernement se réserve le droit d’interdire la prescription en téléconsultation de certains antibiotiques. Une mesure de « bon usage » et de « régulation de la consommation ».
En pratique ? « Dès lors qu’il y aura des difficultés d’approvisionnement, les pouvoirs publics pourront, pour une molécule donnée, dire qu’il est interdit de la prescrire en téléconsultation », détaille le cabinet d’Aurélien Rousseau.
4 – Médicaments matures : contraindre les industriels à trouver un repreneur
Le projet de loi entend, via l’article 36, lutter contre « l’abandon par les entreprises pharmaceutiques de l’exploitation de produits matures au profil de nouveaux produits bénéficiant de prix élevé et d’une rentabilité importante ». Une dérive, pointée du doigt par la commission d’enquête du Sénat, parfois à l’origine de ruptures.
Si les industriels restent libres d’arrêter la commercialisation d’un produit, le PLFSS prévoit que, lorsque l’entreprise est détentrice ou exploitante de l’AMM et qu’elle arrête la commercialisation d’un médicament mature, elle doive « tout mettre en œuvre » pour trouver un repreneur, « sous peine de pénalité financière ».
5 – Création du statut de « préparations officinales spéciales »
Alternative utile aux pénuries, le projet de loi souhaite étendre l’autorisation de production de certains médicaments aux pharmaciens d’officine, en créant le cadre de « préparation officinale spéciale ». Les officines devraient également être autorisées à distribuer des préparations magistrales hospitalières.
6 – Remboursement des protections menstruelles réutilisables
L’article 19 du PLFSS ouvre la voie au remboursement des culottes et coupes menstruelles, pour les assurées de moins de 26 ans, ainsi que « pour les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire sans limites d’âge ». La mesure devrait prendre effet en 2024 et concerner 6,7 millions de personnes.
Les industriels devront se référencer pour être éligibles au remboursement, et « la mise à disposition des produits sera organisée dans un premier temps en pharmacie ». Le niveau de prise en charge envisagé par l’Assurance maladie est de 60%.
7 – Cadrer les entretiens de prévention aux âges clés de la vie
Votés dans le cadre du PLFSS 2023, les entretiens de prévention aux âges clés de la vie seront réalisés par des médecins, des pharmaciens ou encore infirmiers, et pris en charge à 100%. Le PLFSS 2024 devrait préciser les modalités de rémunération et les conditions de réalisation de ces bilans. La rémunération envisagée jusqu’alors était de 30 euros. Une première phase de déploiement de ces bilans aura lieu à l’automne dans les Hauts-de-France chez les 45-50 ans. Les autorités espèrent une généralisation des entretiens en janvier 2024.
Flou sur la hausse des franchises
Un temps évoqué comme l’une des mesures phares du PLFSS 2024, la hausse des franchises « est en cours de discussion, rien n’est arrêté », fait savoir sobrement le ministère des Comptes publics. Si l’exécutif prévoit 1,25 milliard d’euros de réduction de dépense sur « la responsabilisation des prescriptions et des prises en charge », « à ce stade aucune décision n’est prise », indique encore le cabinet de Thomas Cazenave, qui évoque « une mise en œuvre potentielle par voie règlementaire ».
Alors que le volet économique des négociations conventionnelles entre pharmaciens et Assurance maladie débutera en novembre, l’exécutif assure par ailleurs que des crédits seront réservés pour « financer la convention médicale » mais aussi « les avenants des autres professionnels de santé ».