La bronchiolite est une maladie qui préoccupe beaucoup les jeunes parents et qui chaque année met à mal le système de santé et désorganise les soins en ville, aux urgences et en service d’hospitalisation. Cette année un formidable outil de prévention, le Beyfortus, fait son apparition. Cet anticorps longue durée d’action qui a pour cible le VRS, responsable à lui tout seul de plus de 80 % des cas de bronchiolite.
Une prévention dès cet hiver
En réponse à l’épidémie très intense de la saison hivernale 2022-23, le gouvernement s’est rapidement mobilisé en se tournant vers les innovations qui s’offraient à lui pour réduire la circulation du VRS. Une anticipation qui permet aujourd’hui à la France d’être l’un des premiers pays à se doter de ce traitement préventif qui promet de grands espoirs pour les plus petits.
Comme l’explique le Professeur Christèle Gras Le Guen, cheffe du service pédiatrie du CHU de Nantes « chez les plus petits, avec la bronchiolite s’installe assez rapidement une gêne respiratoire qui peut conduire jusqu’à un authentique manque d’oxygène. N’ayant pas assez de réserve et d’énergie pour lutter contre cette gêne, les plus petits finissent par faire des pauses respiratoires, et ce sont eux, souvent âgés de moins d’un mois, que l’on retrouve en service de réanimation. » Cible prioritaire du nirvezimab puisque « leur poids, leur taille, leur âge et leur système immunitaire ne leur permettent pas d’affronter le virus comme peuvent le faire beaucoup plus simplement les enfants de plus de 1 an ou même les adultes. »
La pédiatre rappelle que « Les immunoglobulines injectées sont efficaces contre le VRS quelques jours après l’injection et durant 150 jours. » Les enfants qui recevront dès à présent l’injection seront donc protégés pendant toute la période épidémique, qui court classiquement d’octobre à février.
Priorité à la maternité
La France recense 480 000 de cas annuel de bronchiolite ; si l’évolution est bénigne dans la grande majorité des cas, elle provoque des hospitalisations dans 2 à 3 % des situations.
L’objectif étant de protéger les enfants le plus tôt possible, la campagne d’immunisation a donc activement commencé en maternité ou tous les jeunes parents se voient proposer cette possibilité avant même le retour à domicile. La professeure Christèle Gras Le Guen s’enthousiasme de l’accueil réservé à ce nouveau traitement « Les signaux sont plutôt encourageants : l’acceptation des familles a été grande dans le cadre des expérimentations menées l’année dernière à grande échelle. Des dizaines et des dizaines de doses ont été administrées dès le jour de lancement de la campagne d’immunisation dans les maternités françaises. J’ai le sentiment, à ce stade, que l’attente des jeunes parents est grande. »
Le choix de l’officine
La DGS exprimait en conférence de presse, le 19 septembre « la volonté des autorités de pouvoir déployer l’offre à l’hôpital de façon très rapide au vu de l’importance de la protection à conférer au plus jeune, mais de l’importance d’avoir également une proposition en ville ». Le choix de l’officine et de son fort maillage territorial permet d’élargir l’accès à cette opportunité de traitement même si Philippe Besset, président de la FSPF, le reconnait « 80 % des doses seront probablement administrées en maternité ».
En pratique et contrairement au circuit maternités (qui détiennent un stock de Beyfortus pour vacciner au fil des naissances et qui auront des réassorts) la commande à l’officine est attachée à une ordonnance nominative et ce fait au compte-goutte auprès du laboratoire Sanofi par un formulaire sécurisé via prosantéconnect et une carte e-CPS.
La commande est limitée à 5 doses de chaque dosage par commande. Certaines pharmacies reconnaissent avoir été recontactées par téléphone par Sanofi « pour confirmer les noms des patients et nombre de doses commandées » allant dans le sens du rappel à l’ordre des autorités via DGS URGENT insistant sur le fait que « les commandes visant à constituer un stock en pharmacie d’officine ne sont pas autorisées. » Pointant du doigt les pharmacies ayant tenté de commander plus de doses que d’ordonnances reçues reconnaissant « penser anticiper d’éventuelles difficultés d’approvisionnements. »
200 000 doses et une disponibilité pas comme les autres
Le Beyfortus n’est pas disponible comme tout autre médicament comme le souligne la DGS « à la fois parque qu’il existe un nombre de doses limitées pour cette première année d’introduction et, car sa disponibilité dépend d’un contrat spécifique passé entre le laboratoire Sanofi et Santé publique France. Contrat qui a permis de sécuriser la mise à disposition de 200 000 doses sur le marché français. » Et si la France est un des premiers pays à utiliser Beyfortus cette année c’est que « nous avons su nous positionner dès les mois de février mars 2023 sur un nombre de doses et notre intention de l’utiliser. Et cela même avant que les études cliniques ne soient terminées et les évaluations de la HAS ne soient rendues. »
Transparence également sur les modalités de calcul des 200 000 doses « nous avons fait l’hypothèse d’un taux d’adhésion de 30 %. C’est 3 fois plus que les taux de vaccinations des campagnes non obligatoires (rotavirus, grippe infantile… plutôt de l’ordre de 10 %). »
Un nombre qui parait faible si le succès de la campagne est au rendez-vous, mais le ministère se veut optimiste et à la question d’un risque de pénurie répond « Si d’aventure les 200 000 doses sont consommées, il faudra le prendre comme un vrai succès et la marque d’une forte adhésion des Français à ce nouveau traitement ».
Modalité de facturation in extremis
Outre la nécessité de cette clarification sur les stocks et quelques cafouillages sur le montant de la rémunération, le processus de commande et de délivrance semble, une semaine après le lancement de la campagne, enfin clarifié. Comme en témoigne Antoine Libeau, pharmacien installé à Saint Marc sur Mer (Loire-Atlantique) « Pour l’instant je n’ai rien à signaler. Les commandes par formulaire en ligne sont extrêmement simples. J’ai pour ma part reçu 2 ordonnances, et si les boîtes sont bien livrées aujourd’hui le délai de 6 jours aura été respecté. Avec les modalités de facturation qui viennent de nous être transmises aujourd’hui par l’Assurance maladie, avant que je n’aie reçu les premières doses, je trouve le tout plutôt fluide. »
Des modalités viennent effectivement in extremis d’être mises en place via deux CIP facturables pour les deux dosages de Beyfortus. Le tarif est de 3,50 € HT (3,57 € TTC), auquel s’ajouteront automatiquement les honoraires de dispensation liés à l’ordonnance, à la boîte et celle liée à l’âge du patient, pour un montant total de 6,55 HT.
Philippe Besset et la FSPF s’en félicitent, car il s’agit « de près du double de la rémunération perçue en moyenne pour chaque spécialité pharmaceutique dispensée (3,50 €) venant compenser le travail réalisé par le pharmacien et son implication dans la mise à disposition d’un traitement qui constitue une avancée majeure en termes de santé publique. »
Le syndicat met cependant en garde et conseille aux pharmaciens d’attendre le 25 septembre pour facturer et éviter un rejet le temps que l’Assurance maladie mette à jour le code acte PH1.
Préparer l’hiver prochain
Le contrat entre Sanofi et Santé publique France a été passé pour sécuriser un accès durant la saison automne-hiver 2023-24. La vie classique du médicament suit son cours. La HAS ayant évaluer positivement le Beyfortus, il y aura une base de remboursement par l’Assurance maladie, ne reste plus qu’à ouvrir très prochainement les négociations pour espérer une mise à disposition plus « classique » du Beyfortus l’hiver prochain.