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De l’inédit dans l’allergie

Qu’elle soit saisonnière ou permanente, l’allergie concerne de plus en plus de personnes. Le pharmacien doit donc se doter d’un nouvel arsenal et faciliter la prise en charge de ces patients qui, sans leurs antihistaminiques, se retrouvent souvent dans l’embarras. Espoir de traitements innovants, nouvelles possibilités de délivrance… La pharmacie répond aux enjeux liés aux allergies.

Bientôt tous allergiques !

En 20 ans, le nombre de personnes allergiques a doublé et l’OMS estime que la moitié de la population mondiale sera affectée par au moins une maladie allergique en 2050 ! Chiffres et explications.

 

L’allergie est un dérèglement du système immunitaire qui correspond à une perte de la tolérance vis-à-vis de substances a priori inoffensives que sont les allergènes.

Deux molécules spécialisées du système immunitaire peuvent être responsables des allergies. Les lymphocytes T sont principalement à l’origine des dermatites atopiques, eczéma et asthme chroniques, quand les IgE causent la plupart des autres allergies (médicamenteuses, alimentaires, rhinite et asthme allergiques…). On sait que deux conditions sont nécessaires à l’apparition d’allergie : l’exposition à l’allergène (il va sans dire) mais également une prédisposition génétique.

L’augmentation très rapide des cas ne peut cependant pas se justifier par une modification de notre constitution génétique. Les scientifiques s’accordent plutôt sur un changement dans l’expression de nos gènes par des mécanismes épigénétiques. 

Le réchauffement climatique pourrait expliquer l’explosion des allergies. Du fait de la hausse des températures, les périodes de pollinisation sont allongées, le pollen s’accumule dans l’air, les pollens allergisants sont plus fréquents et couvrent de nouvelles aires plus au nord. 

Sans compter la pollution atmosphérique qui rendrait plus vulnérable vis-à-vis des allergies. 

Selon le Réseau national de surveillance aérobiologique, « des relations triangulaires existent entre pollution, pollens et allergie. La pollution peut à la fois agir sur les pollens en modifiant leur structure biochimique extérieure et par là même leur allergénicité, et sur les muqueuses respiratoires de l’homme en modifiant sa sensibilité immunologique aux grains de pollens ».

Notre mode de vie industriel , et en particulier notre alimentation, ainsi que  la consommation de médicaments pourraient également être en cause.

Si la réaction allergique se traduit le plus souvent par une rhinite, un larmoiement, des démangeaisons et des plaques, elle peut aussi  prendre des formes plus sévères voire létales. 

L’allergie représente donc un enjeu de santé publique auquel, par ses conseils de prévention, la délivrance de traitement et l’accompagnement, le pharmacien peut activement participer. ■


Les Français attendent en moyenne 7 ans entre l’apparition des premiers symptômes allergiques et la consultation d’un allergologue.

Source : Asthme et allergie infos

Les allergies concernent 20 % des enfants à partir de 9 ans et 30 % des adultes.

Source : santé.gouv.fr


ARN et allergie

Au sein de l’équipe de Laurent Delpy, directeur de recherche au CNRS, à Limoges, les scientifiques étudient la biologie des plasmocytes, cellules productrices d’anticorps au cœur de la réaction allergique. « Nous nous intéressons à la physiopathologie de ces cellules dans des cadres normaux, mais aussi en pathologie, comme c’est le cas des allergies dépendantes aux IgE. »

L’équipe BioPIC (Biologie des Plasmocytes, Immunopathologies et Cancers), Unité mixte de recherche CNRS-Inserm-Université de Limoges, dont les coresponsables sont Christophe Sirac, professeur des Universités et Laurent Delpy. DR

 

Les allergies IgE dépendantes

Les IgE sont des anticorps qui circulent à l’état libre dans le sang et peuvent se fixer à la surface des cellules du système immunitaire – les polynucléaires basophiles et les mastocytes tissulaires. 

Lorsqu’un allergène se fixe sur ces IgE associées à ces cellules immunitaires, largement présentes dans la peau, les poumons et le tube digestif, celles-ci s’activent et vont alors relarguer les médiateurs chimiques de l’allergie et provoquer rougeurs, démangeaisons et œdèmes.

Les IgE ne sont pas impliquées dans toutes les allergies, mais elles sont très fréquemment à l’origine des allergies médicamenteuses, alimentaires ou des rhinites et asthmes allergiques. « C’est ce type d’allergie dépendante aux IgE que nous avons ciblé dans nos recherches, explique Laurent Delpy. Notre but est de diminuer la quantité d’IgE produite par les plasmocytes et, pour parvenir à nos fins, nous travaillons sur la modification de l’ARN qui code spécifiquement pour les IgE permettant ainsi d’épargner toute l’immunité humorale des patients : les IgG, IgA et IgM restent produits librement. Réduire la quantité d’IgE sécrétées diminue nécessairement la quantité d’IgE fixées à la surface des mastocytes et basophiles, et limite in fine le relargage de médiateurs de l’allergie et la réaction qui s’ensuit ».

 

Une stratégie antisens

Dans les cellules eucaryotes, la transcription des ARN se termine au site de polyadénylation : en effet, « pour que la RNA polymérase qui fait la copie de l’ADN en ARN s’arrête et se décroche de l’ADN, elle doit trouver ce site de polyadénylation ». 

Durant sa vie, le lymphocyte B exprime une immunoglobuline à sa surface, une Ig membranaire et quand, dans sa dernière étape de différenciation, il devient plasmocyte, il cesse d’exprimer l’Ig membranaire pour se mettre à la sécréter sous forme soluble dans la circulation sanguine.  Le chercheur souligne que « cette différenciation en plasmocytes sécréteurs d’anticorps s’accompagne d’un changement physiologique de site de polyadénylation, appelé aussi polyadénylation alternative ». La stratégie développée par l’équipe de scientifiques « a été d’utiliser des oligonucléotides antisens qui viennent s’hybrider sur l’ARN et masquer le site de polyadénylation des IgE solubles. Dans les plasmocytes IgE ciblés par notre molécule, le site suivant de polyadénylation qui code pour la forme membranaire des IgE sera utilisé, diminuant ainsi la quantité d’IgE solubles en favorisant l’expression d’IgE membranaires ».

La machinerie cellulaire est ébranlée et la traduction des ARN messagers en protéine se fait au profit des IgE membranaires.

 

Tout se joue dans le plasmocyte

« La clé pour même épargner les lymphocytes B porteurs d’IgE a donc été de cibler uniquement les plasmocytes qui sécrètent les IgE solubles à l’origine de la pathologie. »

L’équipe limougeaude a réussi à faire la preuve de son concept sur cellules humaines en culture et en injection par voie IV chez des souris productrices d’IgE humanisées. Dans les heures suivant l’exposition à l’oligonucléotide antisens, les chercheurs ont pu observer une chute de la production d’IgE solubles par les plasmocytes. « La preuve de concept est faite et nous avons déposé notre brevet ; nous attendons désormais l’entreprise prête à développer cette nouvelle thérapie. La pénétration dans les plasmocytes en absence de toxicité reste un challenge et semble, pour l’instant, trop risquée pour des investisseurs. Nous essayons donc de trouver d’autres vecteurs et sommes en train de tester, avec une équipe bordelaise, des oligonucléotides antisens greffés à des lipides qui vont s’auto-­assembler spontanément en micelles pour assurer une sécurité d’emploi. »

En prévention des crises ou en traitement, cette stratégie innovante ouvre de belles perspectives thérapeutiques dans la prise en charge de l’allergie. L’essai reste à transformer. ■


 Une thérapie ARN différente de celle des vaccins Covid 

Explication de Laurent Delpy, directeur de recherche au CNRS (Limoges), Unité CRIBL, spécialisée dans le contrôle de la réponse immune B et des lymphoproliférations.

« Avec nos oligonucléotides antisens, petites molécules synthétiques analogues à l’ARN, capables  de se fixer spécifiquement sur un site de polyadénylation et de le masquer, nous modifions l’ARN existant dans nos cellules alors que les vaccins à ARN amènent un ARN exogène, synthétique et utilisent les ribosomes de la cellule pour le -traduire. »

IgE solubles ou membranaires ? Les lymphocytes B, précurseurs des plasmocytes, produisent des IgE membranaires. Dans les plasmocytes matures, les ARN messagers qui codent pour les IgE sont modifiés pour conduire à la synthèse d’immunoglobulines solubles, libérées hors des cellules. L’approche développée par l’équipe de Laurent Delpy consiste à utiliser un petit oligonucléotide synthétique pour masquer cette modification de l’ARN messager et inhiber la synthèse d’IgE solubles. © Inserm


Antihistaminique

une porte s’ouvre vers la prescription

Les protocoles de coopération permettent aux pharmaciens de prescrire et notamment de renouveler des ordonnances d’allergies saisonnières. À l’heure où de plus en plus de personnes sont concernées par les allergies, le pharmacien a une carte à jouer.

 

Parmi les 4 protocoles de soins non programmés que le pharmacien peut mettre en place, s’il travaille en MSP ou en CPTS et qu’il est inscrit dans un mode d’exercice coordonné, se trouve le renouvellement du traitement de la rhino-conjonctivite allergique saisonnière. Un exercice qui pourrait paraître simple mais qui requiert de poser les bonnes questions.

 

Vérifier l’éligibilité du patient

La personne doit avoir entre 15 et 50 ans. La grossesse, en cours ou à venir, rend la personne inéligible. Il existe d’autres critères d’exclusion qui sont à contrôler avec le patient comme le fait de ne pas avoir consulté son médecin traitant depuis 3 ans, ou l’inexistence d’historique de prescription de traitement d’allergie saisonnière dans son DPC depuis 3 ans.

De même, si le patient souhaite modifier son traitement ou présente un asthme associé, vous devrez l’orienter vers son médecin traitant.

À noter qu’en exercice coordonné, le médecin déléguant accepte de recevoir en priorité ces patients nécessitant une consultation médicale.

 

Rechercher des critères d’exclusion

Les patients reconnaissent en général facilement les premiers symptômes de leur allergie et connaissent bien leur traitement ; néanmoins, le pharmacien doit rester vigilant et vérifier la présence de signe de gravité ou de contre-indication au traitement.

Il doit aussi questionner sur l’absence de gêne respiratoire, de toux ou de tous symptômes évocateurs d’asthme mais également d’anosmie.

L’observance et l’efficacité du traitement actuel contre l’allergie doivent aussi être discutées. Au moindre doute, le patient sera orienté vers le médecin.

Choix thérapeutique

Le protocole de soins non programmés prévoit le renouvellement à l’identique du traitement déjà initié par le médecin traitant pour la durée des symptômes allergiques.

Cela concerne les antihistaminiques anti-H1 de 2e génération, les corticoïdes locaux et le cromoglycate de sodium en pulvérisation intranasale, ainsi que les antihistaminiques et cromones intraoculaires.

La délivrance s’accompagne classiquement de conseils pour limiter l’exposition aux allergènes :

  • Éviter de sortir lorsque la pollinisation est maximale (entre 11h et 14h) ;
  • Rincer ses cheveux avant de se coucher le soir pour limiter de déposer des pollens sur l’oreiller ;
  • Limiter l’aération de son logement pour éviter au pollen allergisant d’y entrer ;
  • Ne pas faire sécher son linge en extérieur.

L’opportunité de faciliter le parcours de soins du patient est trop belle pour s’en priver. Ne manque plus qu’à trouver la structure d’exercice coordonné qui vous convient et le médecin avec qui vous ­coopérerez ! ■


 Liste 2 : renouvellement sans remboursement : pensez-y !

Les antihistaminiques sont pour la plupart des médicaments de liste 2. Ils sont donc soumis à prescription médicale mais peuvent être délivrés plusieurs fois à partir de la même ordonnance et ce, pendant 12 mois. Le renouvellement est donc possible, sauf mention contraire du prescripteur. À noter, ce type de renouvellement n’ouvre pas droit au remboursement.