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D’une année à l’autre

2021 a été une année particulièrement marquante et épuisante pour l’officine : transformation du métier, part grandissante des services, lutte contre le Covid, crise des ressources humaines… Qu’en restera-t-il ? Nous n’avons pas de boule de cristal mais la Convention nationale et les élections présidentielles promettent une année 2022 pleine de surprises. 

 

Ce qui nous a marqués 

Le pharmacien correspondant

Le 28 mai dernier, le principe de pharmaciens correspondant a été acté par décret. Promis par la loi santé du 24 juillet 2019, ce dispositif permet au patient de désigner son pharmacien comme correspondant auprès de l’Assurance maladie.
Ce dernier pourra alors renouveler les traitements chroniques et ajuster leur posologie… si mention est faite sur l’ordonnance et si les deux professionnels de santé participent à la même structure d’exercice coordonnée. Les adjoints peuvent bien sûr suppléer le titulaire. 

Si les pharmaciens ont, durant l’état d’urgence sanitaire, pu renouveler et gérer les traitements chroniques, ce dispositif va tout de même devoir rentrer dans les mœurs des patients et médecins pour prouver son utilité. 

 

Espace de confidentialité ou la transformation physique de l’officine

Depuis longtemps indispensable à la réalisation de nouvelles missions, l’espace de confidentialité s’est souvent réduit à un aménagement de caisses du grossiste dans le back-office. Aujourd’hui, il devient un espace à part entière de la pharmacie et connu du patient.

Les barnums ne seront pas éternels, mais les actions de dépistages vont sûrement s’inscrire dans le quotidien des officines. D’ailleurs, nous avons vu beaucoup de confrères réaliser des travaux pour cet espace, ouvrant parfois plusieurs cabines, créant un lieu pour l’attente, quitte à réduire la surface de vente. 

 

La Convention nationale des pharmaciens 

Les discussions ont commencé en novembre dernier, entre les syndicats de pharmaciens et l’Assurance maladie, et doivent être fixées en début d’année. Une nouvelle convention, texte majeur qui définit les rapports entre les pharmaciens et l’AM et donc la nature même de l’exercice officinal, est à écrire. La précédente avait été marquante, notamment par le passage de la marge à l’honoraire. La prochaine devrait reprendre ces bonnes bases et aller davantage vers la prévention. La crise a montré que les pharmaciens étaient flexibles et pouvaient s’adapter (encore) à de nouvelles missions.

Mais l’AM a fait beaucoup de dépenses durant la crise et va probablement vouloir resserrer la vis, même si la prévention reste un moyen de réaliser des économies. Le directeur de la Cnam a aussi montré son désir de mettre en avant une convention « verte » qui devrait parler d’écoresponsabilité. Rappelons que le texte est amené à recevoir de nombreux avenants tout au long de son existence, il doit donc être flexible. 

 

La fatigue et le manque de ressources humaines

Certes, les tests et les vaccins refont les trésoreries des officines, mais ils éreintent les équipes et posent la question du manque de pharmaciens et de préparateurs. Absence de motivation chez les étudiants qui ne veulent pas faire officine, rémunérations insuffisantes, numerus clausus trop faible…, les raisons sont multiples et nécessitent une remise en cause et une réflexion sérieuse de la profession et des facultés. •

 


“ LE RÉSEAU OFFICINAL EST DEVENU POSTMODERNE ” 

Entretien avec David Syr, directeur adjoint du Gers Data, qui a passé l’année à suivre le réseau officinal sur le terrain et à analyser ses données chiffrées. Il nous livre son bilan.

 

La Revue Pharma : Comment qualifieriez-vous cette année 2021 ?

David Syr : Le réseau officinal, dans sa globalité, est devenu postmoderne, au sens de Michel Maffesoli, c’est-à-dire un mélange entre modernité et archaïsme (dans le sens « ancien »).

En effet, le réseau s’est, d’une part, modernisé avec de nouvelles missions, les services, la digitalisation, la télémédecine et, d’autre part, s’est recentré sur la santé, la proximité, la connaissance du patient, la prise en charge des patients chroniques, etc. Cette transformation touche toutes les typologies d’officines.

 

Économiquement, les services ont-ils représenté une grande part du chiffre d’affaires de l’officine ? 

Les services représentent effectivement une part substantielle de l’économie de l’officine. Ils sont principalement portés par la vaccination et la réalisation des tests antigéniques. 

Le CA de l’officine passe de 36 à 37 milliards d’euros sur la période 2021, hors tests AG. Il est principalement porté par les produits sortis de la réserve hospitalière : des produits chers qui demandent un accompagnement important du patient. 

 

L’économie de l’officine se porte donc plutôt bien…

Une adaptation du réseau en termes de ressources humaines et d’organisation a tout de même été nécessaire. Aujourd’hui, les discussions portent moins sur la rentabilité du modèle officinal, mais davantage sur sa capacité à trouver des collaborateurs pour compléter les équipes, à former, à répondre aux vagues de population.

C’est unanime : dans les petites ou les grandes villes, on rencontre une importante difficulté à répondre à toutes les sollicitations de la population en cette période.

 

En 2017, peu de pharmacies voulaient vacciner ; aujourd’hui, ce n’est plus la même métrique. Cela sera durable si le réseau développe les nouvelles missions et devient le pôle de santé dont les patients commencent à prendre l’habitude. ”

 

Cette officine postmoderne va-t-elle se figer ou n’est-elle que passagère ?

Cela va dépendre du réseau officinal ! Cette question se pose depuis le début de la crise, et certains exemples sont intéressants à étudier. Les produits vétérinaires ont connu un grand boom pendant le premier confinement… Puis, nous sommes revenus aux chiffres de 2019. Les pathologies hivernales ou la gastro-entérite sont aussi revenues au même niveau qu’en 2019, alors qu’elles avaient disparu en 2020. Tout cela s’équilibre…

Le rôle d’acteur de santé va se prolonger et devrait se pérenniser. En 2017, peu de pharmacies voulaient vacciner ; aujourd’hui, ce n’est plus la même métrique. Cela sera durable si le réseau développe les nouvelles missions et devient le pôle de santé dont les patients commencent à prendre l’habitude.  

 

Quels événements vous ont particulièrement marqué ?

Principalement, le pass sanitaire et les vagues de population. Puis, le retour des virus hivernaux dès le mois de juillet, le poids des produits de la réserve hospitalière. Enfin, le conseil qui reprend un peu de couleur malgré la fatigue des équipes et le manque de personnel.  

 

Doit-on avoir peur du manque à gagner que laisseront les tests antigéniques quand la pandémie sera passée (on croise les doigts) ? 

Cette période va aussi révéler la capacité d’investissement pour les pharmacies, pour retravailler leur concept, leur accueil. La question est plutôt : que devons-nous faire de la rémunération des tests antigéniques pour que la transformation soit durable ? •

 


La loi de finances pour la Sécurité sociale de 2022 

Arnaud Lami, directeur du Centre de droit de la santé d’Aix-Marseille nous explique les dispositions de la LFSS 2022 qui concernent l’officine.

 

Un déficit toujours au sommet

La loi de finances pour la Sécurité sociale pour 2022 bat des records et prévoit près de 40 Mds d’euros de déficit pour un budget de 530 Mds, dont la branche maladie accuse évidemment le plus gros du déficit. « Nous sommes dans une logique où l’on accepte le déficit, les dépenses et les investissements. Pourtant, le législateur cherche à faire des économies, quasiment toutes les dispositions parlent d’économies », analyse Arnaud Lami. Et notamment, 290 millions d’économies sur le médicament, dont 52 millions devraient passer par la substitution des biosimilaires. L’Arlésienne toucherait-elle ainsi à sa fin ? Promise en 2014, mais soumise à des décrets d’applications jamais parus, la substitution des biosimilaires avait disparu il y a deux LFSS pour réapparaître dans celui-ci. Mais le dispositif semble verrouillé. Tout d’abord, les biosimilaires substituables doivent être établis dans une liste après avis de l’ANSM. Une liste soumise… à décret d’application. « De plus, le pharmacien doit informer le prescripteur, ce qui est assez compliqué… », s’étonne Arnaud Lami. Tout comme la mention « Non substituable », qui doit être accompagnée d’une justification médicale. « Le médecin peut-il dévoiler ces informations de santé ? En pratique, cela semble inconcevable », pour le juriste qui conclut : « L’idée est bonne, mais trop encadrée, il faudra sûrement réajuster le dispositif pour simplifier la pratique. »

 

Substitut nicotinique : l’expérimentation est lancée 

Pendant 2 ans et dans 3 régions, les pharmaciens pourront délivrer aux fumeurs voulant ne plus l’être, des substituts nicotiniques sans ordonnance du médecin. « Nous attendons les décrets d’applications pour connaître les régions concernées, les spécialités ainsi que la rémunération des pharmaciens. Au Québec, les pharmaciens peuvent prescrire des substituts nicotiniques, mais doivent assurer des entretiens de suivi », compare le juriste.
Une potentielle nouvelle mission qui vient « élargir la brèche sur l’atteinte au monopole médical. Cela concerne aussi les infirmières en pratique avancée et les masseurs kinésithérapeutes qui ont vu des dispositions similaires dans la loi ».  •