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Combattre les allergies

Placées au 4e rang mondial des affections les plus fréquentes, les allergies ne cessent de progresser. Des pathologies qui ne doivent pas être prises à la légère, et qui connaissent ces dernières années d’importantes avancées thérapeutiques.

 

1/ Allergies alimentaires 
les promesses de l’immunothérapie orale

 

Alternative prometteuse au régime d’éviction strict, l’induction de tolérance orale (ITO), ou immunothérapie orale, est réalisée depuis une quinzaine d’années dans les services d’allergologie. Bientôt, elle sera disponible à l’officine.

Apprivoiser le système immunitaire jour après jour pour tolérer enfin le lait de vache, l’œuf ou encore la cacahuète et ne plus risquer sa vie à chaque repas : c’est l’objectif de l’immunothérapie orale, ou l’induction de tolérance orale (ITO), désormais largement pratiquée dans de nombreux services hospitaliers d’allergologie. Soigner le mal par le mal peut paraître archaïque au premier abord, mais c’est aujourd’hui la seule solution pour les patients souhaitant retrouver une vie plus normale. Jusqu’alors, seuls les régimes d’éviction et le port obligatoire d’une trousse d’urgence leur étaient proposés. Un quotidien compliqué source d’inquiétude, et parfois de grandes frayeurs, pour environ 4 % d’enfants et adultes en France.

Nous devons réaliser un test de provocation orale, qui consiste à augmenter progressivement les doses d’allergènes toutes les 30 minutes, pour confirmer l’allergie mais aussi pour connaître la dose réactogène. ”

« L’ITO est possible uniquement en cas d’allergie avérée et persistante. Nous devons donc -réaliser un test de provocation orale, qui consiste à augmenter progressivement les doses d’allergènes toutes les 30 minutes, pour confirmer l’allergie mais aussi connaître la dose réactogène. C’est un test dangereux qui doit être réalisé dans un hôpital proche d’un service de réanimation », décrit le Dr Amandine Divaret-Chauveau, pédiatre dans l’unité d’allergologie pédiatrique du CHU de Nancy.

De même, l’ITO est un protocole contraignant et risqué. « Les parents ont une lourde tâche et doivent être prêts à réagir en cas de réaction. Pendant 6 mois à 2 ans, l’aliment doit être donné à heures fixes lors d’un repas, et à distance de tout effort physique pour éviter le risque de déclencher une réaction. On conseille d’être au calme une heure avant la prise et deux heures après », indique la pédiatre. Les AINS et l’alcool sont également à éviter chez les patients plus âgés.

En pratique, les services hospitaliers préparent eux-mêmes les doses d’allergènes en écrasant des cacahuètes ou des biscuits, par exemple. Des préparations pesées au milligramme près, puis délivrées aux familles. Toutes les 2 à 4 semaines, les doses augmentent jusqu’à parvenir à la dose d’entretien. Les patients devront alors consommer l’aliment tous les jours, pendant plusieurs années, voire toute la vie.

Un protocole qui pourrait être simplifié prochainement avec l’arrivée en officine de Palforzia (Aimmune Therapeutics). Autorisé par l’Agence européenne du médicament (EMA) fin 2020, ce médicament contient de la poudre de cacahuète, et sera disponible sous forme de gélule (0,5 mg, 1 mg, 10 mg, 20 mg et 100 mg) ou de poudre orale en sachet (300 mg). «  Ce médicament sera utile pour les enfants qui éprouvent un vrai dégoût pour l’aliment. Mais il ne sera pas adapté à tous les patients, notamment ceux qui ont un seuil de tolérance très bas. Ce médicament nous oblige aussi à faire de grands paliers, ce qui n’est pas toujours possible », décrypte le Dr Divaret-Chauveau. Le prix pourrait par ailleurs être un obstacle. Aux États-Unis, il coûte 900 dollars par mois, soit l’équivalent de 735 euros !

Et pour quelle efficacité ? À en croire la littérature scientifique, environ 80 % des patients sont désensibilisés au bout de 6 à 12 mois. Et plus l’ITO est faite tôt, plus l’immunité semble réactive et modulable, même si le profil des patients bons répondeurs est encore difficile à déterminer. On ignore également si une tolérance à long terme se développe. Et si, globalement, le protocole est bien toléré, les risques sont réels. Les réactions allergiques sont fréquentes (80 %), et l’anaphylaxie concerne environ 25 % des patients. Des effets secondaires sont responsables d’abandons. Pour ceux qui persistent, un dégoût et une lassitude de l’aliment peuvent survenir, notamment lors de la phase d’entretien. 

Dans les situations les plus à risque, notamment lorsque les réactions anaphylactiques surviennent à des seuils réactogènes bas, de nouvelles approches utilisant l’anticorps monoclonal omalizumab sont envisagées, au cas par cas, dans les centres experts. En parallèle, des formes sublinguales et transdermiques sont en cours de développement pour le lait et l’arachide. Mais les études disponibles suggèrent qu’elles sont moins efficaces que l’ITO.

 

Vaccin Covid et allergie 

La fréquence des réactions allergiques sévères au décours d’une vaccination contre le Covid-19 est inférieure à 1 cas pour 100 000 vaccinés. Une fréquence comparable à celle connue pour les autres vaccins mais également à celle des médicaments en général.  Ces réactions sont particulièrement liées à une allergie au polyéthylène glycol et par risque d’allergie croisée au polysorbate, ainsi qu’à la trométhamine (TRIS, trométamol). Des cas exceptionnels.

Pour autant, de nombreux candidats à la vaccination sont récusés par certains centres de vaccination, généralistes ou officinaux au motif d’antécédents allergiques le plus souvent non pertinents (venin d’hyménoptères, acariens, pollens, moisissures…). Et bon nombre d’entre eux sont orientés vers des allergologues avant toute vaccination. Ces derniers rappellent donc que la vaccination est contre-indiquée uniquement en cas d’antécédents d’allergie immédiate à un des composants du vaccin, ou en cas d’antécédents de réaction immédiate grave survenant dans les 6 heures après une première injection.

 

 

Tous les stylos d’adrénaline ne se valent pas

Traitements d’urgence de l’anaphylaxie, les auto-injecteurs d’adrénaline viennent souvent à manquer à l’officine, en particulier à la rentrée ou lors des grands départs en vacances. Pour éviter que les patients se retrouvent sans stylo, vous avez alors recours à la substitution. Or, indépendamment de leur dosage, les 4 dispositifs disponibles (Anapen, Epipen, Emerade* et Jext) ne se valent pas. « Lorsque nous prescrivons un stylo d’adrénaline, nous éduquons les patients et leur famille à leur utilisation. Le projet d’accueil individualisé (PAI) est également associé au stylo initialement prescrit, rappelle le Dr Amandine Divaret-Chauveau. En cas de remplacement, il est indispensable que le pharmacien prévienne les patients, mais également l’allergologue afin qu’il puisse modifier le PAI. »

À chaque délivrance du dispositif, n’hésitez pas à montrer encore une fois aux patients comment utiliser le stylo à l’aide de dispositifs factices. Une démonstration d’autant plus indispensable en cas de substitution, car l’anaphylaxie est une urgence vitale : il faut réagir dans les 15 à 20 minutes suivant l’apparition des symptômes (urticaire, œdème, vomissements, asthme, voix rauque, somnolence…). Il n’y a donc pas une minute à perdre ! 

* Retiré du marché en 2020 en raison d’un dysfonctionnement du système d’injection.

 

2/ Asthme sévère
les biothérapies personnalisent la prise en charge

 

L’asthme, et en particulier ses formes sévères, est une pathologie hétérogène. Les mécanismes inflammatoires impliqués sont divers et parfois intriqués. Des processus qui peuvent aujourd’hui être ciblés par différents anticorps monoclonaux. 

 

Quelque 65 000 Français souffrent d’asthme sévère, soit 5 à 10 % des asthmatiques. Une forme d’asthme récalcitrante aux traitements de fond (corticoïdes inhalés à forte dose et bronchodilateur) qui oblige les patients à prendre des corticoïdes systémiques en cures courtes répétées ou en traitement continu, parfois plus de 6 mois par an. Des traitements aux lourds effets secondaires cutanés, osseux, endocriniens, cardiovasculaires… « Pour ces patients, la priorité est de diminuer, voire arrêter les corticoïdes oraux au long cours », souligne le Pr Antoine Magnan, chef du service pneumologie de l’hôpital Foch. 

Et pour y arriver, les pneumologues peuvent aujourd’hui s’appuyer sur les biothérapies. Ces anticorps monoclonaux ciblent les voies inflammatoires de l’asthme. « La première biothérapie, développée il y a une quinzaine d’années, visait les immunoglobulines E produites lors d’une réaction allergique au niveau des bronches », rappelle le pneumologue. L’omalizumab permet de diminuer d’environ 30 % les exacerbations sévères de l’asthme, de réduire les symptômes asthmatiques et le recours au traitement d’urgence de l’asthme, par rapport au placebo. 

Mais seuls 60 % des asthmatiques sont allergiques, et peuvent donc bénéficier de cette biothérapie. Les études montrent, par ailleurs, qu’environ 36 % des patients atteints d’asthme allergique ne répondent pas à cet anticorps monoclonal.

De nouvelles voies thérapeutiques ont donc été étudiées, et de nouveaux mécanismes inflammatoires ont été ciblés. En premier lieu, l’inflammation éosinophilique, qui fait intervenir les cytokines IL-5. Les anticorps monoclonaux commercialisés depuis 2018 (mépolizumab, reslizumab et benralizumab) ciblent directement les cytokines indispensables à la survie et l’activation des éosinophiles ou leur récepteur. Résultat : la fréquence des exacerbations diminue de moitié, le besoin de corticothérapie orale est divisé par deux et l’obstruction bronchique semble se réduire. En revanche, les effets sont modestes sur les symptômes d’asthme. Les études montrent, en outre, que les patients présentant des taux sanguins élevés d’éosinophiles sont de meilleurs répondeurs.

Enfin, en décembre 2020, le dupilumab a reçu une autorisation de mise sur le marché dans l’asthme sévère. Initialement indiqué dans la dermatite atopique sévère, cet anticorps monoclonal cible simultanément l’activité des IL-4 et IL-13, deux cytokines majeures des pathologies inflammatoires de type 2. Là encore, les exacerbations sévères diminuent significativement, ainsi que l’obstruction bronchique.

Reste désormais à traiter les patients souffrant d’inflammation non-type 2. Autrement dit, une réaction qui n’implique pas les éosinophiles et qui n’est pas allergique, soit environ un tiers des malades. « Des essais de phase III étudient actuellement l’efficacité d’anticorps ciblant l’IL-17, l’IL-23 ou encore le TSLP, informe le Pr Magnan, avant d’ajouter : Ces patients peuvent bénéficier des traitements endoscopiques par thermoplastie bronchique, qui vise à brûler le muscle lisse bronchique. » •

 

3/ « On se préoccupe peu des allergies chez les seniors. » 

 

Nous revenons, avec le docteur Nicolas Petit, allergologue au centre hospitalier Verdun Saint-Mihiel, sur l’allergie du sujet âgé, encore sous-diagnostiquée.

 

La Revue Pharma : Les allergies sont souvent considérées, à tort, comme des pathologies du sujet jeune. Quelles sont les conséquences pour les seniors ?

Nicolas Petit : On estime qu’environ 7 % des seniors souffrent d’allergie, qu’elle soit persistante ou de novo. Une de mes patientes est devenue allergique aux pollens à 83 ans ! Elle n’avait pas songé une seconde pouvoir devenir allergique à son âge. Il en va de même pour les soignants. On se préoccupe peu des allergies dans cette population, en dehors des allergies aux médicaments. Les patients connaissent donc une errance diagnostique importante et consultent un grand nombre de spécialistes, de l’ophtalmologiste au gastro-entérologue, en passant par l’ORL, avant d’être diagnostiqués. On constate également que les allergies alimentaires sont sous-diagnostiquées. En effet, on se concentre sur les médicaments, alors qu’en réalité il s’agit d’un aliment consommé lors des repas, qui coïncide bien souvent avec la prise des médicaments. Il ne faut négliger aucune piste. 

 

Les seniors présentent-ils un terrain particulier ? 

En raison d’un affaiblissement du système immunitaire des seniors, la pénétration des allergènes pourrait être favorisée, et leur élimination rendue ainsi plus difficile. En parallèle, la polymédication contribue au développement des réactions d’hypersensibilité non atopique. Les médicaments incriminés sont principalement les antibiotiques, les AINS, les médicaments de chimiothérapie ou cardiologiques. Si dans l’ensemble les allergies du senior sont moins graves que chez le sujet jeune, les médicaments sont un facteur aggravant, notamment les β-bloquants, qui exacerbent les réactions et surtout contrecarrent l’usage des traitements d’urgence. 

 

Peut-on envisager une désensibilisation ?

Oui, tout à fait. C’est possible même au-delà de 70 ans et pour toutes les allergies. Les protocoles d’ITO rapide sont particulièrement indiqués pour les chimiothérapies. On les propose également aux patients atteints de pathologies cardiaques et traités par aspirine. Dans ce cas, l’observance est essentielle. S’ils ne prennent pas leur médicament durant plusieurs jours, l’allergie ressurgit. Pour les désensibilisations, il y a toutefois des contre-indications, comme les bronchites chroniques sévères ou l’insuffisance cardiaque. On conseille également d’éviter de les faire chez les patients ayant des antécédents personnels ou familiaux de tumeurs solides.  Expérimentalement, les IgE peuvent avoir un rôle protecteur vis-à-vis de certaines tumeurs, c’est pourquoi nous avons l’habitude de respecter le terrain atopique en cas de risque important carcinologique.

 

Solutions naturelles, que valent-elles ? 

Les remèdes naturels pour prévenir ou traiter les allergies ne manquent pas ! Mais peu ont fait la preuve de leur efficacité. Certaines équipes de recherche s’intéressent à la quercétine, un flavonoïde présent dans l’ail, l’oignon, les choux ou encore les baies, disponible aussi sous forme de compléments alimentaires. Différentes études in vitro et in vivo ont démontré qu’elle inhibe la production d’histamine, mais aucune étude chez l’homme ne permet de prétendre qu’elle peut se substituer aux antihistaminiques.

Pour ces mêmes propriétés, la vitamine C intrigue. La supplémentation a été testée auprès de petites cohortes, et semble diminuer les symptômes allergiques (nez qui coule, démangeaisons…) mais à des doses très élevées et supérieures au seuil d’innocuité : entre 2 g et 7,5 g par jour !

Finalement, la seule solution naturelle ayant fait la preuve de son efficacité est le lavage de nez, qu’il soit réalisé avec du sérum physiologique, un spray à l’eau de mer isotonique ou un simple mélange de gros sel dans de l’eau du robinet (2 cuillères à soupe dans 500 ml d’eau). On déconseillera l’usage des sprays contenant des huiles essentielles car ils sont riches en composés organiques volatils allergisants, qui peuvent être contre–productifs !